LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 novembre 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 609 F-B
Pourvoi n° M 23-15.075
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [M] [F].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 juin 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 NOVEMBRE 2024
M. [M] [F], domicilié centre de rétention administrative d'[Localité 3], [Adresse 4], [Localité 3], a formé le pourvoi n° M 23-15.075 contre l'ordonnance rendue le 8 mars 2023 par le premier président de la cour d'appel de Rouen, dans le litige l'opposant au préfet de la Seine-Maritime, domicilié [Adresse 1], [Localité 2], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de M. [F], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1.Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Rouen, 8 mars 2023) et les pièces de la procédure, le 21 février 2023, M. [F], de nationalité algérienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français du 1er mars 2022. Par ordonnance du 23 février 2023, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention pour vingt-huit jours.
2. Le 6 mars 2023, le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. [F], sur le fondement de l'article L. 742-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), d'une requête en mainlevée de la mesure de rétention.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [F] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa requête, alors :
« 1°/ qu'en vertu de l'article 15, paragraphes 2 et 3, de la directive n° 2008/115 du 16 décembre 2008, de l'article 9, paragraphes 3 et 5, de la directive n° 2013/33 du 26 juin 2013 et de l'article 28, paragraphe 4, du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, lus en combinaison avec les articles 6 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'autorité judiciaire doit opérer un contrôle sur le maintien d'une mesure de rétention administrative à intervalles raisonnables pour vérifier que les conditions de légalité de la rétention demeurent réunies ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de mainlevée de M. [F], que le juge judiciaire avait seulement compétence pour examiner la légalité de l'arrêté de placement en rétention et que la mesure de rétention ne pouvait être remise en cause en raison de la caducité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui en constituait la base légale, le premier président a violé les textes susvisés, ensemble l'article 88-1 de la Constitution et le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne ;
2°/ qu'en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, sauf s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ; que, pour rejeter la demande de mainlevée de M. [F], l'arrêt retient qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité ou le caractère exécutoire d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise par l'autorité administrative ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, même d'office, s'il n'était pas manifeste, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation du caractère exécutoire de la décision d'éloignement après l'expiration du délai d'un an prévu à l'article L. 731-1, 1° du CESEDA pouvait être accueillie par le juge judiciaire saisi au principal, le premier président a méconnu sa compétence et violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 66 de la Constitution. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte des articles L. 731-1 et L. 741-1 du CESEDA, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, que l'autorité administrative peut placer un étranger en rétention lorsqu'il fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé, et qu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement.
5. Il s'en déduit que, si l'administration doit mettre en oeuvre la procédure d'éloignement dans le délai d'un an, l'expiration de ce délai au cours de la rétention administrative ne fait pas obstacle à sa prolongation.
6. Dès lors qu'il résulte des constatations de l'ordonnance que le placement en rétention administrative est intervenu moins d'un an après l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, le moyen est inopérant.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.