LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 novembre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 595 F-D
Pourvoi n° Q 23-19.287
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024
L'établissement [5], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-19.287 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Toulouse (chambre des expropriations), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [V] [R], domiciliée [Adresse 4],
2°/ à M. [M] [R], domicilié [Adresse 2],
3°/ à M. [E] [R], domicilié [Adresse 3],
4°/ au commissaire du gouvernement, représenté par le directeur général des finances publiques, domicilié en cette qualité [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'établissement [5], de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de Mme [R] et de MM. [M] et [E] [R], après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. L'arrêt attaqué (Toulouse, 17 mai 2023) fixe les indemnités de dépossession revenant à Mme [R] ainsi qu'à MM. [M] et [E] [R] (les consorts [R]), par suite de l'expropriation, au profit de l'établissement [5], d'un terrain leur appartenant.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. L'établissement [5] fait grief à l'arrêt de fixer comme il le fait les indemnités de dépossession revenant aux consorts [R], alors :
« 1°/ que les zones NA des plans d'occupation des sols correspondent à des réserves foncières destinées à l'accueil de l'habitat ; que cette destination implique que le terrain demeure dans un état permettant un tel usage ; qu'en l'espèce, la société [5] expliquait qu'à la date de référence, la parcelle expropriée se trouvait en zone 3NA du plan d'occupation des sols de la commune, correspondant à une réserve foncière destinée à moyen terme à l'accueil de l'habitat en cas notamment de création d'une zone d'aménagement concerté ; qu'elle en déduisait que cette parcelle devait être maintenue par son propriétaire libre de toute pollution susceptible de faire obstacle à son urbanisation, sous peine d'imposer à l'autorité expropriante de procéder aux opérations de dépollution en ses lieu et place en cas de création d'une zone d'aménagement concerté ; qu'elle démontrait ainsi qu'il devait être pratiqué un abattement sur le montant de l'indemnité de dépossession due aux propriétaires expropriés, faute pour ces derniers d'avoir maintenu la parcelle dans l'état que commandait son zonage ; qu'en refusant de tenir compte de cet usage futur au motif que la parcelle était en l'état inconstructible et qu'il convenait de s'en tenir à l'usage de friche qu'en faisait les propriétaires, quand il lui appartenait de vérifier si la présence de la pollution dont elle a constaté l'existence n'était pas incompatible avec l'urbanisation future qu'impliquait au contraire le classement de la parcelle en zone 3NA du plan d'occupation des sols, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-1 et L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article R. 123-18 ancien du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable en l'espèce ;
2°/ qu'en ajoutant que la pollution était de toute façon faible et en fin de vie biologique, sans vérifier, comme il lui était demandé, si la présence des gravats et déchets dont elle a constaté l'existence à une profondeur de trois mètres ne rendait pas impossible la construction de logements, et n'imposait dès lors pas la dépollution de la parcelle expropriée pour mener à bien le projet d'urbanisation prévu au plan d'occupation des sols à la date de référence, tel que mis en oeuvre par la commune, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-1 et L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. »
Réponse de la Cour
3. Le bien étant estimé au jour du transfert de propriété, selon son usage effectif à la date de référence, sous réserve de sa conformité avec les documents d'urbanisme en vigueur, la charge et le coût des mesures de dépollution à entreprendre ne sont pas appréciés au regard de l'usage futur du bien résultant du projet de l'expropriant mais de celui qu'en faisait l'exproprié à la date de référence.
4. Ayant relevé que le bien en cause était, à la date de référence, une parcelle à usage de friche, conforme à la définition de la zone 3 NA du plan d'occupation des sols de la commune, zone naturelle inconstructible, la cour d'appel en a déduit, sans être tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées ou que ses constatations rendaient inopérantes, que la demande formée par l'établissement [5] tendant à voir déduite de l'indemnité d'expropriation une moins-value pour dépollution ne pouvait être accueillie.
5. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'établissement [5] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement [5] et le condamne à payer à Mme [R], ainsi qu'à MM. [M] et [E] [R] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.