LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 23-86.992 F-D
N° 01291
MAS2
23 OCTOBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 OCTOBRE 2024
Mmes [H] et [M] [S], MM. [Y], [X] et [K] [S], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 novembre 2023, qui, dans la procédure suivie, sur leur plainte, contre personne non dénommée des chefs de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, aggravées, et complicité a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Tessereau, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mmes [H] et [M] [S], MM. [Y], [X] et [K] [S], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Tessereau, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 10 septembre 2015, deux agents de sécurité et un employé sont intervenus pour maîtriser [T] [S] qui faisait preuve d'agressivité dans un centre commercial. Un des agents de sécurité a utilisé un pistolet à impulsion électrique. [T] [S] a perdu connaissance et est décédé le soir même.
3. Mmes [H] et [M] [S], MM. [Y], [X] et [K] [S] ont porté plainte et se sont constitués partie civile suite au décès de [T] [S].
4. Le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, au motif qu'aucune infraction n'était caractérisée et imputable à quiconque, le décès étant d'origine cardiaque sur fond de prise de substance toxique, ainsi qu'il résultait des avis médicaux.
5. Les consorts [S] ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'instauration d'une contre-expertise médicale formée par les parties civiles et, en conséquence, a rejeté la demande d'instauration d'une expertise relative au pistolet à impulsion électrique et déclaré n'y avoir lieu à suivre en l'état, alors « qu'en application de l'article 201 du code de procédure pénale, les parties sont recevables à demander à la chambre de l'instruction, saisie du règlement de la procédure, un complément d'expertise ou une contre-expertise, sans que puisse leur être opposée l'expiration du délai prévu par l'article 167, alinéa 4, du code de procédure pénale ; que, pour déclarer irrecevable la demande de contre-expertise présentée, l'arrêt attaqué, après avoir exposé que le juge d'instruction avait notifié aux parties et à leur conseil le 20 septembre 2022 les conclusions de l'expertise médicale réalisée par le docteur [D] et qu'il leur avait imparti un délai de 15 jours pour présenter des observations ou formuler une demande, énonce qu'« aucune demande de complément ou de contre-expertise n'a été formulée dans le délai accordée aux parties civiles et à leur conseil » ; qu'en prononçant ainsi, alors que les parties civiles étaient recevables à demander à la chambre de l'instruction, saisie du règlement de la procédure, une contre-expertise dont cette juridiction devait apprécier la nécessité, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 201 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 201 du code de procédure pénale :
7. Il se déduit de ce texte que, lorsque la chambre de l'instruction est saisie de l'entier dossier de la procédure à l'occasion du règlement de celle-ci, les parties sont recevables à solliciter un acte d'information, sans que puisse leur être opposée l'expiration du délai prévu par l'article 167, alinéa 4, du code de procédure pénale, lequel ne fait pas obstacle à ce que les parties présentent des demandes de complément d'information.
8. Il appartient à la chambre de l'instruction d'apprécier souverainement le bien-fondé de la demande qui lui est ainsi présentée.
9. Pour déclarer irrecevable la demande de contre-expertise présentée par les parties civiles, l'arrêt attaqué énonce que les conclusions de l'expertise médicale leur ont été notifiées avec un délai de quinze jours pour présenter des observations ou formuler une demande, et qu'aucune demande n'a été formée dans ce délai.
10. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés.
11. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 novembre 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre.