LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 octobre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 600 F-B
Pourvoi n° U 23-18.095
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 OCTOBRE 2024
La société Parcours, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 23-18.095 contre l'arrêt rendu le 13 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Ekip, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [I], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Teneco habitat,
2°/ à la société Teneco habitat, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], représentée par son mandataire liquidateur la société Ekip, en la personne de M. [G] [I], sise [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Parcours, de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Ekip, ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 13 mars 2023), un jugement du 13 novembre 2018 a ouvert le redressement judiciaire de la société Teneco habitat, la société [G] [I], devenue la société Ekip', étant désignée mandataire judiciaire.
2. La société Parcours, qui avait donné en location longue durée un véhicule à la société Teneco Habitat a, par deux lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 4 décembre 2018, demandé à la société débitrice de se positionner sur la poursuite du contrat en cours et d'acquiescer à sa demande en revendication et restitution du véhicule et en a adressé copie au mandataire judiciaire.
3. Par un courriel du 20 décembre suivant, la société Teneco habitat a reconnu le droit de propriété de la société Parcours sur le véhicule et a indiqué qu'elle souhaitait poursuivre le contrat. Le mandataire judiciaire a, le 23 décembre, adressé une lettre donnant un avis conforme concernant la poursuite du contrat.
4. Par jugement du 20 mars 2019, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, la société [G] [I], devenue la société Ekip', étant désignée en qualité de liquidateur. Cette dernière a informé la société Parcours qu'elle n'entendait plus poursuivre le contrat de location mais a refusé de restituer à celle-ci le véhicule, ainsi que la demande lui en avait été faite. Elle a formé une requête auprès du juge-commissaire aux fins de constater l'inopposabilité du droit de propriété de la société Parcours sur le véhicule litigieux.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
5. La société Parcours fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande de revendication irrecevable, alors « que lorsque le créancier a adressé sa demande au débiteur et au mandataire, que le débiteur a acquiescé aux termes d'un courrier adressé simultanément au créancier et au mandataire et que le mandataire n'a manifesté aucune opposition, le créancier est légitimement en droit de considérer que le mandataire a donné son accord, fût-ce implicitement, et en tout cas que l'acquiescement du débiteur était régulier ; qu'en se bornant à retenir que l'exposante était forclose à agir en revendication faute d'avoir saisi le juge commissaire dans le délai prévue par l'article R. 624-13 du code de commerce, sans rechercher si, au regard des circonstances de l'espèce, elle n'avait pas légitimement pu considérer que le mandataire avait, au moins implicitement, donné son accord à l'acquiescement du débiteur et si, partant, il n'était pas exclu qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir de saisir le juge-commissaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 624-17 et R. 624-13 du code de commerce, ensemble de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
6. Il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de la société Parcours, que celle-ci ait soutenu devant la cour d'appel que le créancier revendiquant ait pu avoir une croyance légitime en ce que l'acquiescement du débiteur était suffisant.
7. Le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est donc pas recevable.
Sur le moyen, pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
8. La société Parcours fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que lorsqu'il n'a pas été nommé d'administrateur, le droit d'acquiescer à une demande de restitution appartient au débiteur, après accord du mandataire ; qu'à défaut d'acquiescement dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande du créancier, ce dernier est tenu, sous peine de forclusion, de saisir le juge commissaire ; qu'ainsi, dès lors que le débiteur a acquiescé à la demande formulée par le propriétaire, aucune forclusion ne put être opposée à ce dernier ; qu'en décidant que l'exposante qui avait obtenu l'acquiescement du débiteur, était néanmoins forclose à agir en revendication, faute d'avoir saisi le juge commissaire dans le délai d'un mois, au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve que le débiteur avait obtenu l'accord du mandataire avant d'acquiescer à la demande, la cour d'appel a violé les articles L. 624-17 et R. 624-13 du code de commerce ;
2°/ que toute ingérence dans le droit d'une personne au droit au respect de ses biens doit être légalement prévue ; qu'en retenant que le revendiquant était forclos à agir en revendication de son bien, faute d'avoir saisi le juge commissaire dans le délai prévu par l'article R. 624-13 du code de commerce, au seul motif qu'il n'était pas démontré que le débiteur ait obtenu l'accord du mandataire avant de donner son acquiescement, quand aucune disposition ne prévoit, en pareille hypothèse, cette sanction qui porte atteinte au droit du revendiquant au respect de son bien, la cour d'appel a violé l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme ;
3°/ que toute ingérence dans le droit d'une personne au respect de ses biens doit être proportionnée au but poursuivi ; qu'en considérant qu'en dépit de l'acquiescement donné à sa demande par le débiteur, l'exposante était forclose à agir en revendication de son bien, faute d'avoir saisi le juge commissaire dans le délai prévu par l'article R. 624-13 du code de commerce, au seul motif qu'il n'était pas démontré que le débiteur ait obtenu l'accord du mandataire avant de donner son acquiescement, la cour d'appel qui a retenu une interprétation des articles des articles L. 624-17 et R. 624-13 du code de commerce portant une atteinte disproportionnée au droit du propriétaire au respect de son bien, a violé l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
9. Il résulte de l'article L. 624-17 du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-18 du même code, qu'en l'absence d'administrateur judiciaire, le débiteur ne peut acquiescer à la demande de revendication sans l'accord du mandataire judiciaire.
10. Ayant énoncé que la nécessité de la protection de la collectivité des créanciers rend nécessaire l'intervention d'un organe de la procédure à la procédure de revendication, c'est à bon droit que l'arrêt retient, sans violer l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'accord du mandataire judiciaire ne peut résulter de son seul silence après la réception de la copie de la demande de revendication du bien ou de son absence d'opposition à l'acquiescement du débiteur à cette demande.
11. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Parcours aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Parcours et la condamne à payer à la société Ekip', en qualité de judiciaire de la société Ténéco habitat, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre.