LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 octobre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 560 F-D
Pourvoi n° Z 23-14.880
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 OCTOBRE 2024
La société Marti [Localité 12], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 10], a formé le pourvoi n° Z 23-14.880 contre l'arrêt rendu le 14 février 2023 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Z] [N], domicilié [Adresse 4], [Localité 11],
2°/ à la société MMA IARD (Mutuelles du Mans assurances), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 9],
3°/ à la société APR concept, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 7],
4°/ à la société Entreprise Damin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 14], [Localité 11],
5°/ à la société L'Auxiliaire, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 8],
6°/ à la société Associés [J] [N] [X], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 13], [Localité 5],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Brillet, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société civile immobilière Marti Pontault- Combault, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société MMA IARD, de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [N] et de la société Associés [J] [N] [X], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat des sociétés Entreprise Damin et L'Auxiliaire, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Brillet, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 14 février 2023), la société civile immobilière Marti [Localité 12] (la SCI) a entrepris la construction d'un centre commercial. Sont intervenues à l'opération de construction, la société APR concept, assurée auprès de la société MMA IARD (la société MMA), en qualité de maître d'oeuvre, et la société Entreprise Damin, assurée auprès de la société L'Auxiliaire, en charge des lots fondations, implantation du bâtiment et gros oeuvre, laquelle a sous-traité la partie de ses prestations relatives à l'implantation de l'édifice à M. [N], géomètre-expert associé de la société Associés [J] [N] [X].
2. La SCI a obtenu un permis de construire un ouvrage comportant l'obligation de respecter un prospect de 10 mètres entre la bordure de la voie publique et la façade du bâtiment.
3. Il est apparu en cours de construction que l'implantation de l'ouvrage avait été modifiée et que la distance séparant le mur pignon du bâtiment de la voie publique avait été réduite à 5,27 mètres.
4. La SCI a déposé une première demande de permis de construire modificative, qui a fait l'objet d'un rejet en date du 24 juillet 2009.
5. Un nouveau permis de construire lui a été accordé dont il résultait une amputation de la surface hors oeuvre nette de l'ouvrage et la suppression de places de stationnement.
6. Les travaux ont été réceptionnés le 29 octobre 2009, avec une réserve étrangère au désordre d'implantation.
7. Par actes du 25 juin 2014, la SCI a assigné les sociétés Entreprise Damin et APR concept et leurs assureurs en réparation de son préjudice consécutif à l'erreur d'implantation de l'ouvrage.
8. La société Entreprise Damin a assigné en garantie M. [N] et la société Associés [J] [N] [X].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
9. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses prétentions à l'encontre des sociétés Entreprise Damin, L'Auxiliaire, APR concept et MMA, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, pour dire prescrite l'action en responsabilité contractuelle, avant réception, exercée par la SCI contre les constructeurs et leurs assureurs, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action au 19 mars 2009, date du courrier que lui a adressé le service urbanisme de la commune de [Localité 11], la mettant en demeure de revenir au projet du permis de construire initial, ou de présenter une demande de permis de construire modificatif, étant précisé que cette dernière ne pourrait être la régularisation du projet souhaité, compte tenu du non-respect de la règle d'implantation par rapport au domaine public, en retenant que ce courrier était dépourvu d'ambiguïté sur le défaut de respect par la construction litigieuse des règles d'urbanisme, et sur l'absence de régularisation possible en l'état de cette construction, de sorte que le maître d'ouvrage était, à cette date, en possession de tous les éléments lui permettant d'exercer son action à l'encontre de ses cocontractants, et que le rejet de la demande de permis de construire modificatif du 24 juillet 2009 était sans emport, dès lors qu'il était motivé par les mêmes considérations que celles portées à la connaissance du maître d'ouvrage par le courrier du 19 mars précédent ; qu'en statuant ainsi, quand le maître d'ouvrage n'avait eu connaissance, avec certitude, du dommage résultant de l'erreur d'implantation de l'ouvrage commise par les constructeurs qu'à la date du refus de la demande de permis de construire modificatif relative aux travaux déjà réalisés, ayant pour conséquence inéluctable leur illégalité, et donc leur nécessaire démolition, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
10. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
11. La cour d'appel a souverainement retenu que la lettre adressée par le service urbanisme de la mairie de [Localité 11] à la SCI le 19 mars 2009, la mettant en demeure de revenir au projet du permis de construire initial ou de présenter une demande de permis ne pouvant en aucun cas être la régularisation du projet souhaité, était dépourvue de toute ambiguïté sur l'absence de régularisation possible du non-respect, par la construction, de la règle d'implantation prévue par le PLU imposant un retrait de 10 mètres par rapport à la voie publique.
12. Ayant ainsi fait ressortir que la SCI avait eu, dès cette lettre, connaissance du caractère inéluctable de la suppression d'une partie de l'ouvrage non conforme aux règles d'urbanisme et que cette non-conformité n'était pas régularisable, elle en a exactement déduit qu'elle disposait, dès cette date, de tous les éléments lui permettant d'agir en responsabilité à l'encontre de ses cocontractants, de telle sorte que l'action engagée le 24 juin 2014, plus de cinq ans après, était prescrite.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière Marti [Localité 12] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-quatre.