LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 octobre 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 962 F-D
Pourvoi n° P 22-16.775
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 décembre 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 OCTOBRE 2024
La caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-16.775 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2022 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à M. [M] [O], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 8 mars 2022), la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges (la caisse) a, après instruction de la demande au titre du tableau 57A, refusé la prise en charge, au titre de la législation sur les maladies professionnelles, de la pathologie déclarée par M. [O] (l'assuré), au motif que celui-ci, résidant en France mais salarié au Luxembourg à la date de la première constatation médicale du 25 octobre 2018, dépendait de la caisse de ce pays.
2. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de dire qu'elle devra prendre en charge la maladie déclarée par l'assuré au titre de la législation professionnelle, alors :
« 2°/ que, en matière de sécurité sociale, quel que soit son lieu de sa résidence, la personne qui exerce une activité salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État, laquelle régit les conditions d'affiliation et d'ouverture des droits à prestation, ainsi que le calcul de ces droits ; que, sans remettre en cause ces principes, l'article 36 du règlement n° 883/2004 dispose que les prestations en nature, y compris les prestations particulières du régime des accidents du travail et des maladies professionnelles, sont servies, pour le compte de l'institution compétente, par l'institution du lieu de résidence et donnent lieu à remboursement par l'institution compétente ; qu'en retenant que les dispositions de l'article 36 du règlement n° 883/2004 font reposer sur l'organisme de sécurité sociale de l'État membre de résidence la charge de l'instruction de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle, sur le fondement de la législation de cet État, la cour d'appel a violé les articles 11, 36 et 41 du règlement n° 883/2004, ensemble les articles 24 et 34 du règlement n° 987/2009 ;
3°/ que, quel que soit son lieu de sa résidence, la personne qui exerce une activité salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État, laquelle régit les conditions d'affiliation et d'ouverture des droits à prestation, ainsi que le calcul de ces droits ; qu'aux termes de l'article 34 du règlement n° 987/2009, les autorités de cet État instruisent la demande de prise de charge d'une maladie professionnelle ou d'un accident de travail, y compris lorsque l'affection ou la lésion sont médicalement constatés dans l'État de résidence de l'assuré ; qu'en retenant au contraire que la charge de l'instruction de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle repose sur l'organisme de sécurité sociale de l'État membre de résidence, lequel applique sa législation, la cour d'appel a violé les articles 11, 36 et 41 du règlement n° 883/2004, ensemble les articles 24 et 34 du règlement n° 987/2009. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 11, paragraphes 1 et 3 a), et 36, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci-après le règlement n° 883/2004) et l'article 34, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement n° 883/2004 (ci-après le règlement n° 987/2009) :
5. Selon le premier de ces textes, les personnes auxquelles le règlement n° 883/2004 est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre.
6. Selon le deuxième, la personne qui exerce une activité salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre.
7. Selon le troisième, la personne qui a contracté une maladie professionnelle, et qui réside dans un État membre autre que l'État membre compétent, bénéficie des prestations en nature particulières du régime des accidents du travail et des maladies professionnelles servies, pour le compte de l'institution compétente, par l'institution du lieu de résidence conformément à la législation qu'elle applique, comme si elle était assurée en vertu de cette législation.
8. Selon le dernier, lorsqu'une maladie professionnelle est médicalement constatée pour la première fois sur le territoire d'un État membre autre que l'État membre compétent, et si la déclaration ou la notification est prévue par la législation nationale, la déclaration ou la notification de la maladie professionnelle est effectuée conformément à la législation de l'État membre compétent, sans préjudice, le cas échéant, de toute autre disposition légale en vigueur sur le territoire de l'État membre dans lequel a été faite la première constatation médicale de la maladie professionnelle, qui reste applicable dans un tel cas. La déclaration ou notification est adressée à l'institution compétente. L'institution de l'État membre dans lequel la première constatation médicale de la maladie professionnelle a été faite communique à l'institution compétente les certificats médicaux établis sur le territoire dudit État membre.
9. Il résulte de ces textes que lorsque la maladie professionnelle est médicalement constatée pour la première fois sur le territoire d'un État membre autre que l'État membre compétent, il n'appartient pas à l'institution de l'État membre dans lequel a été faite la première constatation médicale, à qui l'assuré, soumis à la législation de sécurité sociale d'un autre État membre, a adressé une déclaration de la maladie professionnelle, d'instruire et de statuer sur celle-ci. Dans ce cas, cette institution doit l'adresser à l'institution compétente.
10. Pour accueillir le recours de l'assuré, l'arrêt relève que celui-ci a, le 18 janvier 2019, adressé à la caisse une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d'un certificat médical initial du 8 novembre 2018 faisant état d'une lésion objectivée le 25 octobre 2018. Il constate que l'assuré ne conteste pas avoir relevé d'un régime de sécurité sociale luxembourgeois du 5 mars 2018 au 21 janvier 2019. Il énonce que les dispositions de l'article 36 du règlement n° 883/2004 ont pour effet de faire reposer sur l'organisme de sécurité sociale de l'État membre de résidence la charge de l'instruction de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle, sur le fondement de la législation de cet État. Il en déduit qu'il appartenait à la caisse d'instruire la demande et de statuer sur celle-ci. Il retient que, les conditions médicales du tableau 57A étant réunies, la pathologie devait être prise en charge au titre de la législation professionnelle.
11. En statuant ainsi, alors qu'à la date de la première constatation médicale fixée par le médecin conseil de la caisse française, l'assuré dépendait de la caisse du Luxembourg, ce dont il résultait que la caisse française ne pouvait instruire et statuer sur la déclaration de la maladie professionnelle qui devait être adressée à l'institution de l'État membre compétent, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-quatre.