LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 24-80.988 F-D
N° 01242
LR
16 OCTOBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 OCTOBRE 2024
M. [M] [N] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 26 janvier 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de blanchiment et transfert non déclaré de sommes, titres ou valeurs, a déclaré son appel non admis.
Par ordonnance du 29 avril 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Clément, conseiller, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [M] [N], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Clément, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 27 juin 2012, une somme de 241 500 euros, saisie par les agents des douanes dans un véhicule conduit par M. [M] [N], a été reçue et enregistrée par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.
3. Par ordonnance du 21 août 2023, le juge d'instruction a ordonné la saisie pénale de cette somme.
4. L'ordonnance a été notifiée en Espagne à M. [N], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée le 22 août 2023.
5. M. [N] a relevé appel de cette décision le 11 septembre 2023.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné la non-admission de l'appel de M. [N] formé à l'encontre de l'ordonnance du 21 août 2023 ayant ordonné la saisie pénale de la somme de 241 500 euros lui appartenant et détenue par l'Agrasc, tiers débiteur, alors :
« 1° que le président de la chambre de l'instruction ne détient pas le pouvoir de rendre une ordonnance de non-admission d'un appel formé contre une ordonnance de saisie pénale ; qu'en déclarant non-admis l'appel formé par M. [N] à l'encontre de l'ordonnance de saisie pénale rendue le 21 août 2023 sur le fondement de l'article 706-154 du code de procédure pénale, la présidente de la chambre de l'instruction, qui a excédé ses pouvoirs, a méconnu l'article 706-104 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'il est dérogé aux prescriptions légales relatives aux délais d'appel lorsque l'appelant démontre l'existence d'un obstacle de nature à le mettre dans l'impossibilité d'exercer son recours en temps utile ; qu'il résulte des mentions figurant sur la lettre recommandée internationale de notification de l'ordonnance de saisie pénale du 21 août 2023 que ce courrier, remis à la poste le 22 août 2023, est parvenu à [Localité 1] le 27 août 2023 et a été présenté pour la première fois à M. [N] le 1er septembre 2023, date d'expiration du délai de recours de dix jours ; qu'il en résulte que l'appelant était en présence d'un obstacle le mettant dans l'impossibilité d'exercer son recours en temps utile ; qu'en retenant cependant que l'appel est irrecevable dès lors que « la notification étant du 21 août 2023, le délai d'appel expirait le 31 août 2023 », la présidente de la chambre de l'instruction a méconnu les articles 706-154 du code de procédure pénale et 6 § 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales ;
3°/ en tout état de cause qu'il est dérogé aux prescriptions légales relatives aux délais d'appel lorsque l'appelant démontre l'existence d'un obstacle de nature à le mettre dans l'impossibilité d'exercer son recours en temps utile ; qu'il résulte des mentions figurant sur la lettre recommandée internationale de notification de l'ordonnance de saisie pénale du 21 août 2023 que ce courrier, remis à la poste le 22 août 2023, est parvenu à [Localité 1] le 27 août 2023 et a été présenté pour la première fois à M. [N] le 1er septembre 2023, date d'expiration du délai de recours de dix jours ; qu'en déclarant l'appel irrecevable sans rechercher si l'appelant n'était pas en présence d'un obstacle le mettant dans l'impossibilité d'exercer son recours en temps utile, la présidente de la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 706-154 du code de procédure pénale et 6 § 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
7. Il se déduit de l'article 695-9-22 du code de procédure pénale, seul applicable en l'espèce, que toute personne qui prétend avoir un droit sur un bien gelé peut, par voie de requête remise au greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel territorialement compétente, dans les dix jours à compter de la date de mise à exécution de la décision considérée, former un recours à l'encontre de cette dernière, dans les formes prévues par l'article 173 du code de procédure pénale.
8. Le grief est par conséquent inopérant en ce qu'il invoque la méconnaissance de l'article 706-154 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
9. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'ordonnance attaquée énonce que la décision par laquelle le juge des libertés et de la détention a ordonné le maintien de la saisie a été notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 août 2023 à M. [N], que le délai d'appel est de dix jours et que l'appel interjeté le 11 septembre 2023 est ainsi tardif.
10. En cet état, dès lors qu'il résulte des pièces de la procédure que la lettre de notification a été remise à la poste le 22 août 2023, et qu'il appartenait à l'intéressé de démontrer l'existence d'une circonstance indépendante de sa volonté, un cas de force majeure ou un obstacle invincible de nature à le mettre dans l'impossibilité d'exercer son recours en temps utile dans le délai de dix jours, la seule mention manuscrite figurant sur l'enveloppe ne démontrant pas que cette lettre ne lui a été présentée la première fois que le 1er septembre, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
11. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
12. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.