LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 octobre 2024
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1058 F-D
Pourvoi n° D 23-13.918
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 OCTOBRE 2024
1°/ La société Milee, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Adrexo,
2°/ la société [K]-Rousselet, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de M. [P] [K], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Milee,
3°/ la société Ajilink [Y] [G], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [P] [Y], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Milee,
4°/ la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [U] [L], agissant en qualité de mandataire judiciaire, puis de liquidatrice judiciaire de la société Milee,
5°/ la société [C] [X] & A Lageat, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de M. [C] [X], agissant en qualité de mandataire judiciaire, puis de liquidatrice judiciaire de la société Milee,
ont formé le pourvoi n° D 23-13.918 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige les opposant à Mme [A] [F], domiciliée [Adresse 6], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Lilee, des sociétés [K]-Rousselet, Ajilink [Y] [G], BTSG² et [C] [X] & A Lageat, ès qualités, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [F], après débats en l'audience publique du 18 septembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Le Quellec, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 janvier 2023), Mme [F], épouse [J], a été engagée en qualité de distributrice de journaux, d'imprimés et objets publicitaires par la société Kicible selon contrat de travail à temps partiel modulé à effet du 4 avril 2005, la convention collective nationale de la distribution directe et l'accord d'entreprise du 11 mai 2005 étant applicable à la relation de travail.
2. Le 21 août 2006, le contrat de travail a été transféré à la société Adrexo désormais dénommée Milee (la société).
3. Des avenants annuels sont venus préciser la durée annuelle contractuelle et la moyenne mensuelle indicative des heures de travail.
4. Le 1er mars 2018, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification du contrat de travail modulé à temps partiel en contrat de travail à temps plein et au titre de l'exécution du contrat de travail.
5. Le 30 mai 2024 a été ouverte une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 9 septembre 2024, les sociétés BTSG² et [C] [X] & A Lageat étant désignées en qualité de liquidatrices. Par mémoire déposé le 17 septembre 2024, ces sociétés ès qualités ont indiqué qu'elles poursuivaient l'instance.
6. Il en résulte qu'en application de l'article L. 625-3 du code de commerce, l'instance en cours à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective s'est poursuivie en présence des liquidatrices judiciaires intervenues volontairement.
Examen des moyens
Sur le second moyen
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de travail modulé à temps partiel en contrat de travail à temps plein à compter du mois d'août 2016 et de le condamner à payer à la salariée certaines sommes à titre de rappel de salaire de septembre 2016 à janvier 2022, outre congés payés afférents, de prime d'ancienneté jusqu'au mois de janvier 2022, outre congés payés afférents, d'indemnité d'occupation du domicile jusqu'en janvier 2022, de dire que pour la période postérieure, il devra appliquer le salaire dû pour 151,67 heures mensuelles, alors :
« 1°/ que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, en retenant, pour requalifier le contrat à temps partiel modulé en contrat à temps plein à compter du mois d'août 2016, qu' ''au mois d'août 2016, comportant 4 semaines et 3 jours, le nombre d'heures rémunérées s'est élevé à 177,79 heures soit une durée supérieure à la durée légale'', tandis qu'il ressortait du bulletin de paie de Mme [J] du mois d'août 2016 que le nombre d'heures qui y était mentionné incluait de nombreuses régularisations de salaires et de congés afférentes au mois de juillet précédent, de sorte que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur celui-ci pour prononcer la requalification en contrat à temps complet à compter de cette date, la cour d'appel a dénaturé le bulletin de paie de Mme [J] du mois d'août 2016 en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
2°/ que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail, soit trente-cinq heures par semaine civile ; qu'en l'espèce, pour requalifier le contrat à temps partiel modulé en un contrat à temps complet, la cour d'appel, après avoir pourtant relevé que ''le contrat doit être requalifié en temps plein dès lors que la durée du travail du salarié a été portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ou à la durée fixée conventionnellement, soit en l'espèce, 35 heures par semaine, et ce, dès la première irrégularité constatée'', a retenu qu' ''au mois d'août 2016, comportant 4 semaines et 3 jours, le nombre d'heures rémunérées s'est élevé à 177,79 heures soit une durée supérieure à la durée légale'' et que ''la durée légale annuelle de travail a été dépassée au cours des exercices 2017 à 2019 pour s'élever en décembre de ces trois années à 1 615,43, 1 639,18 heures et 1 844,93 heures ainsi que sur les périodes de modulation du 14/08/2017 au 12/08/2018 (1 651,25 heures) et du 13/08/2018 au 11/08/2019 (1 780,27 euros) au vu des avenants remis à la salariée les 10 septembre 2018 et 7 octobre 2019'' ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a caractérisé à aucun moment un dépassement de la durée hebdomadaire légale de travail, ne se référant qu'à des durées mensuelles ou annuelles, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-10 et L. 3123-17 du code du travail, dans leurs versions applicables au litige. »
Réponse de la cour
9. Ayant constaté, sans dénaturation, que la durée mensuelle de travail avait été dépassée en août 2016, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que la durée hebdomadaire de travail avait été dépassée au cours de ce mois, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés BTSG² et [C] [X] & A Lageat en qualité de liquidatrices judiciaires de la société Milee aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés BTSG² et [C] [X] & A Lageat, ès qualités, et les condamne à payer à Mme [J] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.