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16/10/2024 | FRANCE | N°52401050

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 octobre 2024, 52401050


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 16 octobre 2024








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 1050 F-D


Pourvoi n° P 23-15.031










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU P

EUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 OCTOBRE 2024


M. [U] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-15.031 contre l'arrêt rendu le 24 février 2023 par la cour...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 octobre 2024

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1050 F-D

Pourvoi n° P 23-15.031

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 OCTOBRE 2024

M. [U] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-15.031 contre l'arrêt rendu le 24 février 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant à la société CMR Group, venant également aux droits de la société Financière Jumbo, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Rodrigues, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [T], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société CMR Group, après débats en l'audience publique du 18 septembre 2024 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Rodrigues, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 février 2023), M. [T] a été engagé en qualité de contrôleur de gestion, le 16 juin 2003, par la société CMR Group.

2. Promu directeur administratif et financier de cette société le 1er avril 2008, il a exercé ces mêmes fonctions, à partir d'avril 2012, au sein de la société Financière Jumbo, aux droits de laquelle vient désormais la société CMR Group.

3. Par deux avenants à son contrat de travail du 1er avril 2016, il a été positionné en qualité de cadre dirigeant de ces deux sociétés.

4. Il a été licencié par les deux sociétés le 1er septembre 2017.

5. Le 7 septembre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, dirigée contre les sociétés CMR Group et Financière Jumbo, en paiement de rappels de rémunération pour heures supplémentaires, congés payés et repos compensateurs afférents pour les années 2014, 2015 et 2016, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions des articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [T], salarié soumis à une convention de forfait en jours nulle, de sa demande au titre des heures supplémentaires pour les années 2014 à 2016, la cour d'appel a retenu qu'il présentait, outre "des relevés de pointage sur la période du 1er janvier 2014 au 18 octobre 2017, sur lesquels sont mentionnés les jours travaillés au siège de l'entreprise et les heures d'arrivée le matin (uniquement le matin), les jours de déplacement, les jours de repos, RTT, jours fériés et congés payés, dont il ressort que le salarié arrive le plus souvent avant 8 heures (entre 7h30 et 8 heures)", tel que prévu par le règlement intérieur pour les salariés titulaires d'une convention de forfait, "un tableau de décompte des heures supplémentaires sur l'année 2014 (de septembre à décembre 2014), mentionnant le nombre d'heures de travail accomplies par semaine, le nombre d'heures supplémentaires réalisées, le salaire mensuel, le taux horaire, le taux horaire majoré à 25 %, le taux horaire majoré à 50 %, le total du montant majoré à 25 % des heures supplémentaires et le total du montant majoré à 50 % des heures supplémentaires [et] un tableau identique de décompte des heures supplémentaires sur l'année 2015 et un tableau identique de décompte des heures supplémentaires sur l'année 2016" ; qu'elle a cependant considéré que "M. [T], qui ne fournit pas de décompte de ses horaires journaliers de travail et produit des pièces rapportant tout au plus l'heure de sa prise de service et la date et l'heure d'envoi matinal ou d'envoi tardif de courriels (sans aucune précision sur les horaires accomplis entre l'envoi et/ou la réception de courriels le matin et/ou le soir), ne présente pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments" ; qu'en statuant de la sorte quand il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé les articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

7. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

8. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

9. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

10. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, congés payés et repos compensateurs afférents pour les années 2014, 2015 et 2016, l'arrêt relève que l'intéressé verse aux débats des relevés de pointage sur diverses périodes, sur lesquels sont mentionnés les jours travaillés et les heures d'arrivée le matin, les jours de déplacement, les jours de repos et de RTT, les jours fériés et les congés payés, ainsi que le règlement intérieur de la société CMR et des tableaux de décompte des heures supplémentaires sur les années 2014, 2015 et 2016, mentionnant le nombre d'heures de travail accomplies par semaine, le nombre d'heures supplémentaires réalisées, le salaire mensuel, le taux horaire et les taux horaires majorés.

11. Il retient que les extraits d'agenda électronique mentionnant les rendez-vous du salarié ne permettent pas, pour deux semaines précises, d'affirmer que le salarié aurait exécuté le temps de travail allégué avec les heures supplémentaires mentionnées sur son tableau de décompte, celui-ci ne précisant pas ses horaires de travail sur la semaine, ni même son amplitude horaire journalière.

12. L'arrêt conclut que le salarié, qui ne fournit pas de décompte de ses horaires journaliers de travail et produit des pièces rapportant tout au plus l'heure de sa prise de service et la date et l'heure d'envoi matinal ou d'envoi tardif de courriels, sans aucune précision sur les horaires accomplis entre l'envoi ou la réception de courriels le matin ou le soir, ne présente pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour défaut d'information et d'attribution de repos compensateurs obligatoires, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

15. La cassation n'emporte, en revanche, pas cassation des chefs de dispositif condamnant les deux employeurs aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de ceux-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [T] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, et d'une indemnité au titre des repos compensateurs obligatoires, l'arrêt rendu le 24 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société CMR Group aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CMR Group et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401050
Date de la décision : 16/10/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 24 février 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 oct. 2024, pourvoi n°52401050


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Françoise Fabiani - François Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401050
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