LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 octobre 2024
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 567 F-B
Pourvoi n° A 22-23.433
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 OCTOBRE 2024
M. [D] [E], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° A 22-23.433 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Y] [V], domicilié [Adresse 4],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 2],
4°/ à la société d'assurances Médical Insurance Company (MIC Ltd), dont le siège est [Adresse 1] (Irlande),
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [E], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [V] et de la société d'assurances Médical Insurance Company, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 septembre 2022), le 16 mai 2012, M. [E] a subi une arthroscopie de hanche réalisée par M. [V], chirurgien orthopédiste (le chirurgien). Au cours de l'intervention, une rupture d'une broche guide métallique est survenue. Le 13 février 2014, en raison de la persistance de douleurs importantes, une arthroplastie a été pratiquée.
2. Le 9 février 2018, après avoir obtenu une expertise en référé, M. [E] a assigné en responsabilité et indemnisation le chirurgien. Son assureur, la société d'assurance médicale Insurance Company (MIC) est intervenue volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen relevé d'office
4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles L. 1142-1, I, alinéa 1er, du code de la santé publique et 1353 du code civil :
5. Il résulte de ces textes que les professionnels de santé sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins en cas de faute et que la preuve d'une faute comme celle d'un lien causal avec le dommage invoqué incombe au demandeur.
7. Cependant, dans le cas d'une absence ou d'une insuffisance d'informations sur la prise en charge du patient, plaçant celui-ci ou ses ayants droit dans l'impossibilité de s'assurer que les actes de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés ont été appropriés, il incombe alors au professionnel de santé d'en rapporter la preuve.
8. Pour rejeter les demandes de M. [E], après avoir relevé, en se fondant sur le rapport d'expertise, que la Société française d'arthroscopie (SFA) recommandait lors d'une arthroscopie de hanche de commencer l'intervention par une introduction d'air puis de sérum physiologique dans l'articulation afin de faciliter la distraction articulaire et la mise en place des dilatateurs articulaires, que cette introduction n'était pas retranscrite dans le compte-rendu opératoire mais que le chirurgien avait indiqué y recourir systématiquement, la cour d'appel a retenu que l'état séquellaire de M. [E], en lien direct avec la rupture de la broche pouvait avoir deux origines distinctes, soit sa constitution anatomique, étant de surcroît atteint d'arthose, soit un manquement du chirurgien qui n'aurait pas suivi la recommandation de la SFA, ce qui ne constituait qu'une hypothèse, non avérée, de sorte que le patient n'établissait pas l'existence d'une faute du chirurgien.
9. En statuant ainsi, alors que, en l'absence d'éléments permettant d'établir que la recommandation précitée avait été suivie, il appartenait au médecin d'apporter la preuve que les soins avaient été appropriés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne M. [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et le condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.