LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 octobre 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 566 F-B
Pourvoi n° H 23-16.612
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 OCTOBRE 2024
Mme [B] [R], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 23-16.612 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2023 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de Mme [R], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Agen, 11 janvier 2023), le 20 février 2011, MM. [F] et [C], ont pratiqué des fouilles sur un terrain appartenant à Mme [R] et découvert deux cent soixante-dix-huit pièces de monnaie antique qu'ils ont remises au service régional d'archéologie (SRA) aux fins d'étude après avoir déclaré leurs trouvailles auprès de ce service.
2. Entre le 28 et le 31 octobre 2011, des fouilles archéologiques ordonnées par un arrêté préfectoral du 25 octobre 2011, autorisées par Mme [R] et effectuées par le SRA, ont permis la mise au jour de trois amphores contenant vingt trois mille quinze pièces de monnaie antique qui ont été déposées dans un laboratoire sous la responsabilité de ce service.
3. Le 30 juin 2020, après avoir vainement sollicité la remise de l'ensemble des pièces de monnaie et des amphores, Mme [R] a assigné l'Agent judiciaire de l'Etat, la direction départementale des finances publiques du Gers (DDFIP du Gers) et le préfet de la région Occitanie en restitution. Au cours de la procédure, les parties sont convenues que la propriété des pièces découvertes le 20 février 2011 revenait à Mme [R].
4. L'administration chargée des domaines prise en la personne du préfet de région représentant l'Etat est intervenue volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Mme [R] fait grief à l'arrêt de dire que les amphores et les pièces de monnaie antique découvertes sur sa propriété en octobre 2011 doivent être partagées par parts égales entre elle et l'Etat, alors :
« 1°/ que les pièces déterrées lors de la découverte d'un dépôt monétaire forment avec les pièces déterrées au cours des opérations ultérieures d'excavation un ensemble unique soumis au même régime ; que, pour rejeter la demande de Mme [R], la cour d'appel, après avoir considéré que la découverte du dépôt monétaire le 20 février 2011 résultait de fouilles illicites et non du pur effet du hasard, a relevé que les fouilles ultérieurement exécutées par l'Etat s'inscrivaient dans la procédure légale, pour exclure toute continuité entre ces opérations ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les pièces déterrées en octobre 2011 dans le cadre des fouilles archéologiques organisées à la suite de la découverte du dépôt monétaire le 20 février 2011 formaient avec les pièces déterrées par les inventeurs ce même jour un ensemble unique soumis au même régime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 552 et 716 du code civil ;
2°/ qu'une découverte est fortuite dès lors qu'elle résulte, non de fouilles programmées, mais de travaux ou d'un fait quelconque, y compris de recherches initiées par des particuliers ; qu'en jugeant qu'une découverte fortuite devait nécessairement résulter du pur effet du hasard, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et violé l'article L. 531-14 du code du patrimoine ;
3°/ que la propriété des découvertes de caractère mobilier faites au cours des fouilles exécutées par l'Etat est partagée entre celui-ci et le propriétaire du terrain suivant les règles du droit commun, qui prévoient un partage par moitié en cas de découverte par le pur effet du hasard et une attribution de la totalité de la découverte au propriétaire du terrain dans les autres cas ; qu'en jugeant que les découvertes faites dans le cadre de fouilles exécutées par l'Etat devaient être partagées par moitié entre celui-ci et le propriétaire du terrain, après avoir pourtant constaté que la découverte du dépôt monétaire le 20 février 2011 n'était pas le fruit du hasard, la cour, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que l'entièreté de la découverte revenait à Mme [R], a violé les articles 552 et 716 du code civil et L. 531-11 du code du patrimoine dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine ».
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article 552, alinéa 1, du code civil, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.
8. Aux termes de l'article 716 du même code, la propriété d'un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ; si le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui, il appartient pour moitié à celui qui l'a découvert, pour l'autre moitié au propriétaire du fonds. Le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété et qui est découverte par le pur effet du hasard.
9. Le code du patrimoine distingue les fouilles archéologiques exécutées par l'Etat et les découvertes fortuites.
10. L'Etat est selon, l'article L. 531-9, autorisé à procéder d'office à l'exécution de fouilles ou de sondages pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie sur les terrains ne lui appartenant pas sauf exceptions prévues par ce texte. L'article L. 531-11, abrogé par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 mais demeurant applicable au litige, a précisé qu'à l'issue du délai nécessaire à leur étude scientifique, la propriété des découvertes de caractère mobilier faites au cours des fouilles exécutées par l'Etat est partagée entre l'Etat et le propriétaire du terrain suivant les règles de droit commun.
11. L'article L. 531-14 relatif aux découvertes fortuites prévoit que lorsque par suite de travaux ou d'un fait quelconque, des vestiges archéologiques sont mis au jour, l'inventeur de ces vestiges et le propriétaire de l'immeuble où ils ont été découverts sont tenus d'en faire la déclaration immédiate au maire de la commune, qui doit la transmettre sans délai au préfet qui avise l'autorité administrative compétente. L'article L. 531-15 ajoute que lorsque la continuation des recherches présente au point de vue de la préhistoire, de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie, un intérêt public, les fouilles ne peuvent être poursuivies que par l'Etat ou après autorisation de l'Etat. L'article L. 531-16, abrogé par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 mais demeurant applicable au litige, a précisé que les découvertes de caractère mobilier faites fortuitement sont confiées à l'Etat pendant le délai nécessaire à leur étude scientifique et qu'au terme de ce délai, qui ne peut excéder cinq ans, leur propriété demeure réglée par l'article 716 du code civil.
12. Il résulte de ces dispositions que les règles d'appropriation des vestiges archéologiques dépendent de la nature des fouilles ayant conduit à leur mise au jour.
13. La cour d'appel a retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, qu'après la découverte initiale des deux cent soixante dix-huit pièces, qui n'était pas fortuite dès lors que MM. [F] et [C] recherchaient délibérément des pièces antiques dont ils soupçonnaient la présence compte tenu de découvertes ponctuelles antérieures, les fouilles archéologiques réalisées en octobre 2011 sur le terrain appartenant à Mme [R], ayant permis la découverte des trois amphores et des autres pièces de monnaie antiques, avaient été autorisées par l'Etat.
14. De ces seuls motifs et sans être tenue de procéder à la recherche prétendument omise, la cour d'appel, qui n'a pas ajouté de condition à la loi, a exactement déduit qu'en application des articles L. 531-9 et L. 531-11 du code de patrimoine, les amphores et pièces de monnaie antique découvertes en octobre 2011 devaient être partagées par parts égales entre Mme [R] et l'Etat.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.