LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 octobre 2024
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 554 FS-B
Pourvois n°
F 23-11.712
W 23-23.249 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 OCTOBRE 2024
I - M. [K] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 23-11.712 contre un arrêt rendu le 3 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Passion Motorcycle, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
II - M. [K] [T] a formé le pourvoi n° W 23-23.249 contre un arrêt rendu le 9 novembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Passion Motorcycle, société à responsabilité limitée,
Le demandeur au pourvoi n° F 23-11.712 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le demandeur au pourvoi n° W 23-23.249 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [T], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Passion Motorcycle, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus, Dumas, Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 23-11.712 et 23-23.249 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 novembre 2022), rectifié (Paris, 9 novembre 2023), le 27 juillet 2012, M. [T] a acquis un véhicule automobile neuf devant servir à son usage professionnel de chauffeur de taxi. Le véhicule, confié à l'entretien régulier de la société Passion auto, devenue société Passion Motorcycle (le garagiste), a connu des dysfonctionnements répétés et persistants en dépit des réparations effectuées.
3. Le 29 mars 2018, M. [T] a assigné le garagiste en responsabilité et indemnisation de ses préjudices matériels et moraux.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 23-11.712
Enoncé du moyen
4. M. [T] fait grief à l'arrêt du 3 novembre 2022, tel que rectifié, de rejeter ses demandes, alors « que l'objet du litige est déterminé par les parties ; que M. [T] faisait valoir, reprenant à son compte les conclusions de l'expert judiciaire, que les désordres tenant à la mauvaise fixation du filtre à particules et à la fuite d'huile sur le moteur étaient consécutives aux interventions de la société Passion Motorcycle lors de la recherche de la panne sur le véhicule qui avait dû être immobilisé ; qu'en énonçant pour rejeter cette demande, que M. [T] ne se serait prévalu "d'aucun préjudice tiré de ces défauts", la cour d'appel a, dénaturant ces conclusions, violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
6. Pour rejeter les demandes de M. [T], l'arrêt retient que celui-ci ne se prévaut d'aucun préjudice résultant des désordres tenant à la mauvaise fixation du filtre à particules et à la fuite d'huile sur le moteur, lesquels n'ont pas été à l'origine d'une immobilisation du véhicule.
7. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, M. [T] sollicitait, parmi les préjudices à indemniser, le règlement de la facture du 24 juin 2016 d'un montant de 6 672,60 euros TTC, correspondant à des travaux de modification du filtre à particules, affectés, selon l'expert, de malfaçons, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche, du même pourvoi
Enoncé du moyen
8. M. [T] fait le même grief à l'arrêt du 3 novembre 2022, alors « que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées ; que M. [T] recherchait la responsabilité de la société Passion Motorcycle en raison de la persistance de la panne déclenchant le voyant d'alarme malgré les interventions du garagiste sur le véhicule pour la rechercher et la réparer ; qu'en excluant la responsabilité de la société Passion Motorcycle aux motifs que l'origine de la panne était fortuite et qu'elle n'était pas la seule à ne pas l'avoir découverte, motifs impropres à caractériser l'absence de faute du garagiste et donc impuissants à écarter la présomption de faute du garagiste et de lien de causalité avec les préjudices du propriétaire du véhicule en raison de la persistance de la panne après son intervention, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315, devenu 1353, du code civil :
9. Il résulte de ces textes que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées.
10. Pour rejeter les demandes de M. [T], l'arrêt retient que deux experts ont mis en lumière une "panne fortuite" à l'origine de l'allumage du voyant d'alerte du tableau de bord, que ce caractère fortuit exclut toute faute de la part du garagiste, qu'aucun des garages intervenus sur le véhicule n'a su déterminer l'origine de la panne, que l'expert judiciaire lui-même a dû procéder à plusieurs réunions d'expertise avant d'en établir la cause et qu'aucun élément du dossier ne met en lumière une faute particulière imputable avec certitude au garagiste.
11. En statuant ainsi, alors que ni l'incertitude sur l'origine d'une panne ni la difficulté à déceler cette origine ne suffisent à écarter les présomptions pesant sur le garagiste, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 3 novembre 2022 et 9 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Passion Motorcyle aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Passion Motorcyle et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.