LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 octobre 2024
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 538 F-D
Pourvoi n° E 23-18.933
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [C].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 octobre 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 OCTOBRE 2024
L'office public de l'habitat de Bordeaux Métropole Aquitanis, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 23-18.933 contre l'arrêt rendu le 22 mai 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [J] [C], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l'office public de l'habitat de Bordeaux Métropole Aquitanis, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [C], après débats en l'audience publique du 10 septembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 mai 2023), l'office public de l'habitat de Bordeaux Métropole Aquitanis (la bailleresse) a donné à bail à [L] [K] un appartement.
2. Après le décès de la locataire, survenu le 13 septembre 2019, sa fille, Mme [C], a demandé le transfert du bail à son profit.
3. Soutenant qu'elle ne pouvait y prétendre, la bailleresse l'a assignée en expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à son départ des lieux.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La bailleresse fait grief à l'arrêt de dire que Mme [C] a droit au transfert du bail, alors « qu'en application de l'article 40 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009, l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 relatif au transfert du bail en cas de décès du locataire est applicable aux logements appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré à condition que le bénéficiaire du transfert du contrat remplisse les conditions d'attribution du logement concerné et que le logement soit adapté à la taille du ménage ; que la réunion des conditions s'apprécie à la date de l'événement qui fait naître le droit au transfert ; qu'en énonçant que, dans la mesure où deux personnes vivent maintenant dans ce logement, dans les mêmes conditions qu'avant le décès de Mme [K], la locataire, la condition d'adaptation est désormais remplie et Mme [J] [C] a droit au transfert du bail à son profit", la cour d'appel, qui s'est placée à la date où elle statuait pour apprécier si les conditions légales étaient réunies, et non à la date du décès, date à laquelle il n'était pas contesté que ces conditions n'étaient pas réunies, a violé ensemble les articles 14, 40-I et 40-III de la loi du 6 juillet 1989, dans leur rédaction applicable en l'espèce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 14 et 40, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :
5. Selon le premier de ces textes, lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.
6. Il résulte du second qu'un tel transfert est applicable aux logements appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré, à condition que le descendant bénéficiaire remplisse les conditions d'attribution et que le logement soit adapté à la taille du ménage.
7. Pour conférer à Mme [C] le droit au transfert du bail, l'arrêt retient que, si le logement de quatre pièces était occupé, au moment du décès de [L] [K], par elle et sa fille, soit deux personnes, le père de Mme [C] vit désormais dans les lieux, et que le logement est donc maintenant habité dans les mêmes conditions qu'avant le décès de [L] [K], la condition d'adaptation étant, en conséquence, remplie.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a apprécié les conditions de transfert du bail au jour où elle statuait, alors que celles-ci s'apprécient au jour du décès du locataire, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne Mme [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille vingt-quatre.