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10/10/2024 | FRANCE | N°22400899

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 octobre 2024, 22400899


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 10 octobre 2024








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 899 F-D




Pourvois n°
V 22-22.692
G 23-10.541 JONCTION








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PE

UPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 OCTOBRE 2024


I. La société Benoit & associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 octobre 2024

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 899 F-D

Pourvois n°
V 22-22.692
G 23-10.541 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 OCTOBRE 2024

I. La société Benoit & associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], agissant en la personne de Mme [J] [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pommes Lomagne, a formé le pourvoi n° V 22-22.692 contre un arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Tokio marine Europe, société anonyme de droit étranger, dont le siège est [Adresse 3] (Luxembourg), prise en sa succursale française [Adresse 5], venant aux droits de la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited,

2°/ à la société Château Labrou, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 6],

3°/ à la société Willis Towers Watson France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits de la société Gras Savoye Grand Sud-Ouest,

défenderesses à la cassation.

II. La société Château Labrou, société civile immobilière, a formé le pourvoi n° G 23-10.541 contre le même arrêt, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Tokio marine Europe, société anonyme de droit étranger, prise en sa succursale française, venant aux droits de la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited,

2°/ à la société Gras Savoye Grand Sud-Ouest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],

3°/ à la société Benoit & associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pommes Lomagne,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse au pourvoi n° V 22-22.692 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi n° G 23-10.541 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société Benoit & associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pommes Lomagne, au pourvoi n° V 22-22.692, de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Château Labrou, de la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Willis Towers Watson France, venant aux droits de la société Gras Savoye Grand Sud-Ouest, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Tokio marine Europe, venant aux droits de la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited, après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 22-22.692 et G 23-10.541 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 7 juillet 2022), la société Château Labrou est propriétaire de bâtiments à usage d'entrepôts à fruits, dont une partie était louée à la société Pommes Lomagne depuis 2011.

3. Les bâtiments ont fait l'objet d'actes de vandalisme à deux reprises, en mai 2017.

4. Le 20 septembre 2017, par l'intermédiaire d'un courtier, la société Gras Savoye Grand Sud-Ouest (la société Gras Savoye), aux droits de laquelle se trouve la société Willis Towers Watson, la société Pommes Lomagne a souscrit, notamment, un contrat d'assurance multirisque industriel auprès de la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited, aux droits de laquelle se trouve la société Tokio marine Europe (l'assureur), laquelle assurait également le bâtiment loué pour le compte du bailleur.

5. Les 29 septembre et 2 octobre 2018, deux incendies ont détruit la totalité des bâtiments.

6. La société Pommes Lomagne a fait l'objet d'un redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 14 novembre 2018, la société Benoit & associés (le liquidateur judiciaire) étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.

7. Après exécution d'une mesure d'expertise judiciaire, le 18 novembre 2019, la société Château Labrou a assigné la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited, le liquidateur judiciaire et la société Gras Savoye en exécution du contrat d'assurance et, subsidiairement, en responsabilité du courtier.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° G 23-10.541, formé par la société Château Labrou

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi n° V 22-22.692, formé par le liquidateur judiciaire

Enoncé du moyen

9. Le liquidateur judiciaire fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné l'assureur à payer à la société Château Labrou la somme de 1 520 451,65 euros HT vétusté déduite au titre de son préjudice immobilier, outre au fur et à mesure de la reconstruction la différence entre la valeur à neuf fixée à 2 147 255,17 euros HT, et la valeur vétusté déduite, et, statuant à nouveau du chef infirmé, de condamner l'assureur à verser à la société Château Labrou la somme de 850 000 euros au titre de son préjudice immobilier puis de dire qu'au moins une franchise de 500 000 euros s'applique et qu'elle devra venir en déduction de la condamnation prononcée, alors :

« 1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'aux termes de l'article 4.1.4.2. des conventions spéciales de la police d'assurance multirisque industrielle FR016889PB souscrite par la société Pommes Lomagne auprès de la société Tokio marine Europe, « les bâtiments inoccupés ou les établissements devenus inoccupés par l'assuré entre deux dates d'échéance et non gardiennés, lorsque leur valeur de reconstruction au jour du sinistre, vétusté déduite (ou le coût des réparations) est supérieure à la valeur économique au jour du sinistre desdits bâtiments, l'indemnité est limitée au montant de cette valeur économique à dire d'expert » ; qu'aux termes de l'article 2.1.2. des conventions spéciales : « Sont considérés comme immeubles désaffectés et/ou inoccupés, les locaux qui en raison de la durée de leur inoccupation et de leur non entretien, ne peuvent être utilisés en l'état et nécessitent, pour remplir leurs fonctions des travaux importants. Il s'agit des locaux fermés et sans possibilité d'utilisation (ouvertures condamnées), ou occupés par des personnes non autorisées par l'assuré (squatteurs, vagabonds,...), des locaux voués à la démolition ou destinés à être réhabilités, des locaux pour lesquels un arrêt de péril d'insalubrité ou portant interdiction d'habiter a été pris par les « Autorités compétentes » ; qu'en relevant que « l'effectivité d'une activité de stockage d'emballages n'est pas confirmée par les utilisateurs qui décrivent en réalité plutôt un déblayage des lieux après les actes de vandalisme et la société Pommes Lomagne ne produit aucun justificatif d'une telle activité pour son propre compte par la production de factures de transports, chargement ou déchargement de cartonnages et de cagettes bois, voire de témoignages en ce sens d'une telle activité régulièrement exécutée », que « les photographies et descriptions des locaux faites par le cabinet Polyexpert à l'issue de ces dégradations volontaires très importantes en 2017 confirment qu'ils ne pouvaient plus être exploités ni même utilisés en l'état sans travaux de réfection, notamment de couverture (même ponctuels) et de fermeture et de sécurisation » et qu'« il n'est pas contesté que les lieux n'étaient plus exploités commercialement depuis les actes de vandalisme soit depuis un an environ quand les incendies ont été déclenchés, l'absence de constat de la résiliation du bail étant à cet égard sans incidence » pour en déduire qu'« il ne peut être affirmé, ainsi que la société Pommes Lomagne le soutient, que les locaux étaient occupés au sens du contrat en son article 2.1.2. », quand l'absence d'exploitation commerciale des locaux n'était pas érigée contractuellement en critère de qualification d'un « immeuble désaffecté et/ou inoccupé » au sens de l'article 2.1.2. susvisé, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil, ensemble l'article L. 121-1 du code des assurances ;

2°/ qu'aux termes de l'article 2.1.2. des conventions spéciales de la police d'assurance multirisque industrielle FR016889PB souscrite par la société Pommes Lomagne auprès de la société Tokio marine Europe : « Sont considérés comme immeubles désaffectés et/ou inoccupés, les locaux qui en raison de la durée de leur inoccupation et de leur non entretien, ne peuvent être utilisés en l'état et nécessitent, pour remplir leurs fonctions des travaux importants. Il s'agit des locaux fermés et sans possibilité d'utilisation (ouvertures condamnées), ou occupés par des personnes non autorisées par l'assuré (squatteurs, vagabonds, ...), des locaux voués à la démolition ou destinés à être réhabilités, des locaux pour lesquels un arrêt de péril d'insalubrité ou portant interdiction d'habiter a été pris par les « Autorités compétentes » ; qu'en énonçant qu'« il ne peut être affirmé, ainsi que la société Pommes Lomagne le soutient, que les locaux étaient occupés au sens du contrat en son article 2.1.2. » sans constater, avant d'appliquer la clause 4.1.4.2. des conventions spéciales de la police d'assurance, que les locaux étaient « désaffectés et/ou inoccupés », c'est-à-dire, au sens de la clause 2.1.2 susvisé, qu'à la date de la survenance des sinistres « incendie » le 29 septembre 2018 puis le 2 octobre 2018, il s'agissait de locaux fermés et sans possibilité d'utilisation (ouvertures condamnées), ou occupés par des personnes non autorisées par l'assuré (squatteurs, vagabonds, ...) ou bien de locaux voués à la démolition ou destinés à être réhabilité, ou bien encore de locaux pour lesquels un arrêté de péril ou d'insalubrité ou portant interdiction d'habiter a été pris par les « autorités compétentes », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du code civil, ensemble l'article L. 121-1 du code des assurances ;

3°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'aux termes de la clause 4.1.4.2. des conventions spéciales de la police d'assurance multirisque industrielle FR016889PB souscrite par la société Pommes Lomagne auprès de la société Tokio marine Europe « les bâtiments inoccupés ou les établissements devenus inoccupés par l'assuré entre deux dates d'échéance et non gardiennés, lorsque leur valeur de reconstruction au jour du sinistre, vétusté déduite (ou le coût des réparations) est supérieure à la valeur économique au jour du sinistre desdits bâtiments, l'indemnité est limitée au montant de cette valeur économique à dire d'expert » ; qu'aux termes de l'article 2.1.2. des conventions spéciales : « Sont considérés comme immeubles désaffectés et/ou inoccupés, les locaux qui en raison de la durée de leur inoccupation et de leur non entretien, ne peuvent être utilisés en l'état et nécessitent, pour remplir leurs fonctions des travaux importants. Il s'agit des locaux fermés et sans possibilité d'utilisation (ouvertures condamnées), ou occupés par des personnes non autorisées par l'assuré (squatteurs, vagabonds, ...), des locaux voués à la démolition ou destinés à être réhabilités, des locaux pour lesquels un arrêt de péril d'insalubrité ou portant interdiction d'habiter a été pris par les « Autorités compétentes » ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt qu'à la suite des deux sinistres survenus en 2017 ayant vandalisé les locaux, ceux-ci nécessitaient des « travaux de réfection, notamment de couverture (même ponctuels) et de fermeture et sécurisation », que « le montant de la réparation des seuls bâtiments à la suite des deux sinistres de vandalisme a été estimé à 24 343,79 euros pour le premier et 393 212,91 euros pour le second, ce qui démontre l'importance des dégradations et des travaux de restauration » et que « la société Pommes Lomagne n'a pas réalisé les travaux de remise en état » ; qu'en ne recherchant pas si la nature des travaux ainsi identifiés n'était pas exclusive de tous travaux de démolition ou de réhabilitation au sens de la clause 2.1.2 des conventions spéciales de la police d'assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du code civil, ensemble l'article L. 121-1 du code des assurances ;

4°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'aux termes de la clause 4.1.4.2. des conventions spéciales de la police d'assurance multirisque industrielle FR016889PB souscrite par la société Pommes Lomagne auprès de la société Tokio marine Europe « les bâtiments inoccupés ou les établissements devenus inoccupés par l'assuré entre deux dates d'échéance et non gardiennés, lorsque leur valeur de reconstruction au jour du sinistre, vétusté déduite (ou le coût des réparations) est supérieure à la valeur économique au jour du sinistre desdits bâtiments, l'indemnité est limitée au montant de cette valeur économique à dire d'expert » ; qu'aux termes de l'article 2.1.2. des conventions spéciales : « Sont considérés comme immeubles désaffectés et/ou inoccupés, les locaux qui en raison de la durée de leur inoccupation et de leur non entretien, ne peuvent être utilisés en l'état et nécessitent, pour remplir leurs fonctions des travaux importants. Il s'agit des locaux fermés et sans possibilité d'utilisation (ouvertures condamnées), ou occupés par des personnes non autorisées par l'assuré (squatteurs, vagabonds, ...), des locaux voués à la démolition ou destinés à être réhabilités, des locaux pour lesquels un arrêt de péril d'insalubrité ou portant interdiction d'habiter a été pris par les « Autorités compétentes » ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt « qu'il ne peut être contesté que de nombreux matériels étaient restés sur place à la suite des actes de vandalisme ce que l'huissier a constaté les 18 juin 2020 et 1er juillet 2020 » et que « l'expert précise que les machines avaient été laissées en l'état » ; qu'il s'en déduisait que les locaux n'étaient ni inoccupés ni désaffectés au sens de l'article 2.1.2. des conventions spéciales de la police d'assurance souscrite par la société Pommes Lomagne auprès de la société Tokio marine Europe ; qu'en énonçant « qu'il ne peut être affirmé, ainsi que la société Pommes Lomagne ne soutient, que les locaux étaient occupés au sens du contrat en son article 2.1.2. », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1108 du code civil, ensemble l'article L. 121-1 du code des assurances ;

5°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Pommes Lomagne faisait valoir qu'à la suite des deux sinistres vandalisme survenus en mai et juin 2017, elle avait reçu de l'assureur le solde de l'indemnisation, à savoir la somme la plus importante, pour plus de 400.000 euros, le 26 avril 2018 et la transmission des recommandations durant l'été 2018 de sorte que les travaux de réfection partielle de la couverture de la toiture n'avaient pu encore être entrepris ; qu'il était soutenu que contrairement à ce qu'alléguait la société Tokio marine, l'absence d'alimentation électrique avait eu pour seule cause un vol de câbles électriques survenu quinze jours seulement avant les sinistres « incendie » de septembre et octobre 2018, sur la parcelle appartenant à la société Stanor ; qu'il en était déduit que ni l'absence de réalisation des travaux de réfection partielle de la toiture, ni l'absence temporaire d'électricité, ni l'absence de gardiennage ne pouvaient caractériser des « bâtiments désaffectés et/ou inoccupés » au sens de la clause 2.1.2 des conventions spéciales de la police d'assurance ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'aux termes de la clause 4.1.4.2. des conventions spéciales de la police d'assurance multirisque industrielle FR016889PB souscrite par la société Pommes Lomagne auprès de la société Tokio marine Europe « les bâtiments inoccupés ou les établissements devenus inoccupés par l'assuré entre deux dates d'échéance et non gardiennés, lorsque leur valeur de reconstruction au jour du sinistre, vétusté déduite (ou le coût des réparations) est supérieure à la valeur économique au jour du sinistre desdits bâtiments, l'indemnité est limitée au montant de cette valeur économique à dire d'expert » ; qu'aux termes de l'article 2.1.2. des conventions spéciales : « Sont considérés comme immeubles désaffectés et/ou inoccupés, les locaux qui en raison de la durée de leur inoccupation et de leur non entretien, ne peuvent être utilisés en l'état et nécessitent, pour remplir leurs fonctions des travaux importants. Il s'agit des locaux fermés et sans possibilité d'utilisation (ouvertures condamnées), ou occupés par des personnes non autorisées par l'assuré (squatteurs, vagabonds, ...), des locaux voués à la démolition ou destinés à être réhabilités, des locaux pour lesquels un arrêt de péril d'insalubrité ou portant interdiction d'habiter a été pris par les « Autorités compétentes » ; qu'en énonçant qu'il est constant qu'il n'avait pas été pris de mesure de gardiennage postérieurement aux actes de vandalisme, ni même d'ailleurs de mesure de prévention pour éviter les intrusions ainsi que le préconisait Polyexpert, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs radicalement inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du code civil, ensemble l'article L. 121-1 du codes assurances. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen, contestée par l'assureur

10. L'assureur conteste la recevabilité du moyen, faute pour le chef de dispositif critiqué de faire grief au liquidateur judiciaire.

11. Ce dernier ne justifie d'aucun intérêt à la cassation de l'arrêt en ce qu'il condamne l'assureur à verser à la société Château Labrou la somme de 850 000 euros au titre de son préjudice immobilier, qui ne lui fait pas grief.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas recevable.

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° V 22-22.692, formé par le liquidateur judiciaire

Enoncé du moyen

13. Le liquidateur judiciaire fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné l'assureur à lui payer la somme de 385 473 euros HT à titre d'indemnisation partielle de ses dommages mobiliers et, statuant à nouveau du chef infirmé, de le débouter de sa demande d'indemnisation partielle de ses dommages mobiliers, alors « qu'aux termes de l'article 4.1.3.2 des conventions spéciales, en cas de sinistre total, les biens sont estimés sur la base d'une valeur à neuf (égale à leur valeur de remplacement) au prix du neuf au jour du sinistre, y compris les frais annexes sans toutefois excéder la valeur vétusté déduite, majorée de 33 % de remplacement à neuf ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt que le matériel resté sur place avait été détruit par les deux incendies survenus le 29 septembre 2018 et le 2 octobre 2018 et inventorié par huissier suivant constats des 18 juin et 1er juillet 2020 ; qu'en énonçant que la clause 1.17.1 des conditions spéciales exclut de toute indemnisation les dommages résultant d'un défaut caractérisé de réparation ou d'entretien et que l'assuré ne pouvait solliciter un complément d'indemnisation auprès du second assureur pour du matériel endommagé par des précédents sinistres indemnisés, qui n'avait pas été réparé et dont il n'est pas même justifié précisément si même il était réparable, leur présence constatée par huissier les 18 juin et 1er juillet 2020 ne suffit pas à justifier ni déterminer quel était leur état avant les incendies, quand les dommages matériels invoqués par la société Pommes Lomagne tenaient à la perte de ces matériels du fait des incendies de sorte qu'il ne pouvait être fait application de la clause 1.17.1 susvisée, la cour d'appel a violé l'article 1108 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1103 du code civil :

14. Aux termes de ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

15. Pour débouter le liquidateur judiciaire de sa demande d'indemnisation partielle de ses dommages mobiliers, l'arrêt relève qu'en application de l'article 4.1.3.2 des conditions particulières, en cas de sinistre total, les biens sont estimés sur la base d'une valeur à neuf, égale à leur valeur de remplacement, au prix du neuf au jour du sinistre, y compris les frais annexes, sans toutefois pouvoir excéder la valeur vétusté déduite, majorée de 33 % de remplacement à neuf, et que la clause 1.17.17 exclut de toute indemnisation les dommages résultant d'un défaut caractérisé de réparation ou d'entretien.

16. Il énonce que le liquidateur judiciaire ne peut solliciter un complément d'indemnisation auprès du second assureur pour du matériel endommagé par des précédents sinistres indemnisés, qui n'avait pas été réparé et dont il n'est pas même justifié s'il était réparable, et relève qu'il n'est pas indiqué précisément quel est le matériel qui n'aurait pas été endommagé ni indemnisé.

17. L'arrêt ajoute que leur présence constatée par un huissier de justice les 18 juin et 1er juillet 2020 ne suffit pas à justifier, ni déterminer quel était leur état avant les incendies et ce, alors que l'expert a précisé que les machines avaient été laissées en l'état et qu'elles pouvaient donc être qualifiées d'obsolètes, leur fiabilité étant devenue insuffisante pour qu'elles assurent correctement leur fonction.

18. En se déterminant ainsi, sans constater que les dommages dont elle écartait l'indemnisation résultaient d'un défaut caractérisé de réparation ou d'entretien, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Mise hors de cause

19. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Willis Towers Watson, les pourvois ne formulant aucune critique contre le chef de dispositif ayant confirmé le jugement qui a mis la société Gras Savoye Grand Sud-Ouest hors de cause et sa présence devant la cour d'appel de renvoi n'étant pas nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi n° V 22-22.692, la Cour :

REJETTE le pourvoi n° G 23-10.541 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Benoit & associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pommes Lomagne, de sa demande d'indemnisation partielle de ses dommages mobiliers, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Met hors de cause la société Willis Towers Watson ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Château Labrou aux dépens du pourvoi n° G 23-10.541 et la société Tokio marine Europe aux dépens du pourvoi n° V 22-22.692 ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Willis Towers Watson, la société Château Labrou et la société Tokio marine Europe et condamne cette dernière à payer à la société Benoit et associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pommes Lomagne, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du dix octobre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Cathala, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400899
Date de la décision : 10/10/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 07 juillet 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 oct. 2024, pourvoi n°22400899


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Boucard-Maman

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400899
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