LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 octobre 2024
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1024 F-D
Pourvoi n° X 23-17.638
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 OCTOBRE 2024
1°/ Le syndicat CFE-CGC SNATT, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ M. [Y] [V], domicilié [Adresse 9],
3°/ Mme [S] [W], domiciliée [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° X 23-17.638 contre le jugement rendu le 13 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Bobigny (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Gefco Forwarding France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], exerçant sous l'enseigne commerciale IJS Global,
2°/ à l'établissement Gefco Forwarding France ([Localité 11]), dont le siège est [Adresse 10],
3°/ à la fédération nationale FO transports et de la logistique UNCP, dont le siège est [Adresse 7],
4°/ à M. [N] [X], domicilié [Adresse 4],
5°/ à Mme [R] [K], domiciliée [Adresse 6],
6°/ à M. [A] [U], domicilié [Adresse 3],
7°/ à Mme [D] [H], domiciliée [Adresse 8],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat du syndicat CFE-CGC SNATT, de M. [V] et de Mme [W], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la fédération nationale FO transports et de la logistique UNCP, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Gefco Forwarding France et de l'établissement Gefco Forwarding France ([Localité 11]), après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bouvier, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bobigny, 13 juin 2023) et les pièces de la procédure, en vue du renouvellement des membres du comité social et économique de la société Gefco Forwarding France, a été signé un protocole d'accord préélectoral entre la société d'une part, les syndicats CFDT, CFE-CGC, CFTC et FO/UNCP d'autre part.
2. L'article 8 de ce protocole prévoyait que, pour être valables, les listes de candidats devaient contenir la signature identifiable (nom et prénom) de celui qui déposait ces listes.
3. Le 10 octobre 2022, en vue du premier tour des élections, M. [V] a déposé des listes pour le syndicat CFE-CGC SNATT (le syndicat). Le 13 octobre 2022, la société a informé le syndicat qu'elle rejetait ces listes au motif qu'elles n'étaient pas signées par l'auteur du dépôt.
4. Par requête du 24 octobre 2022, le syndicat, M. [V] et Mme [W] ont saisi le tribunal judiciaire de demandes tendant au report de la date du premier tour des élections professionnelles organisées au sein de la société et à la condamnation de celle-ci à verser au syndicat une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect du principe de neutralité.
5. Les élections se sont déroulées entre le 24 octobre 2022 et le 9 novembre suivant.
6. Par une seconde requête adressée par les mêmes demandeurs après la proclamation des résultats, il a été demandé au tribunal d'annuler les élections professionnelles des deuxième et troisième collèges et de condamner la société à verser au syndicat une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect du principe de neutralité.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. Le syndicat, M. [V] et Mme [W] font grief au jugement de les débouter de leur demande d'annulation des élections professionnelles des deuxième et troisième collèges et de la demande subséquente du syndicat de condamnation de la société au paiement de la somme de 4 000 euros de dommages-intérêts, alors « que pour apprécier la décision de l'employeur d'écarter une liste électorale qu'il estime non-conforme au protocole d'accord préélectoral signé par les parties, il incombe au tribunal juge de l'élection de se prononcer sur le caractère abusif d'une telle décision d'exclusion ; qu'en l'espèce, le tribunal, qui s'est borné à constater que les listes déposées par le syndicat SNATT CFE-CGC, faute de signature de leur mandataire, ne respectaient pas la condition de validité du protocole d'accord préélectoral, même en écartant toute validation par l'employeur de ces listes, ne s'est pas prononcé sur le caractère abusif d'une telle décision d'exclusion alors même que ces listes électorales, déposées en mains propres, avaient été acceptées par le représentant de la direction, puis confirmées par courriel de cette dernière sans jamais qu'elle ait émis de demande de régularisation en méconnaissance de son rôle d'organisateur de l'élection professionnelle selon l'article L. 2314-5 du code du travail, de sorte que le tribunal n'a pas donné de base légale suffisante à sa décision au regard du principe et de la disposition susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2314-28 et L. 2314-29 du code du travail :
8. Pour débouter le syndicat, M. [V] et Mme [W] de leurs demandes, le tribunal retient que l'article 8 du protocole d'accord préélectoral prévoit que « pour être valables, les listes de candidats devront contenir la signature identifiable (nom et prénom) de celui qui dépose ces listes », que la société était tenue de respecter les règles fixées par ce protocole et que les listes de candidats du syndicat, bien qu'ayant été déposées en personne par M. [V] que connaissait le représentant de la société qui a réceptionné les listes, devaient être rejetées en raison de l'absence de signature.
9. En se déterminant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que M. [V], bénéficiaire d'un mandat exprès du syndicat, avait déposé les listes de candidatures avant l'expiration du délai prévu par le protocole d'accord préélectoral et après avoir constaté que les listes avaient été déposées en mains propres auprès du représentant de la société désigné pour les réceptionner, qui connaissait M. [V] et en avait accusé réception, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le refus par l'employeur d'accepter le dépôt de la liste ne constituait pas un abus, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le syndicat CFE-CGC SNATT, M. [V] et Mme [W] de leur demande d'annulation des élections professionnelles des deuxième et troisième collèges et de leur demande de condamnation de la société Gefco Forwarding France au paiement de la somme de 4 000 euros de dommages-intérêts et de la somme de 2 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement rendu le 13 juin 2023, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Bobigny ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Gefco Forwarding France et la fédération nationale FO transports et de la logistique UNCP et condamne la société Gefco Forwarding France à payer au syndicat CFE-CGC SNATT la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille vingt-quatre.