LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 octobre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 522 F-D
Pourvoi n° S 22-19.538
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 OCTOBRE 2024
1°/ la société Real investissement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4],
2°/ la société 88 FSH patrimoine, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4],
ont formé le pourvoi n° S 22-19.538 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [P] [D], notaire associé de la SCP Vincent David, Eric Barrande, Jean-Fabrice Anselmo, [P] [D] et Swannie Tautea, dont l'étude est [Adresse 6], [Localité 2],
2°/ à la société Vincent David, Eric Barrande, Jean-Fabrice Anselmo, [P] [D] et Swannie Tautea, société civile professionnelle, dont l'étude est [Adresse 6], [Localité 2],
3°/ à la société Groupe direct immobilier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 3],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat des sociétés Real investissement et 88 FSH patrimoine, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [D] et de la société civile professionnelle Vincent David, Eric Barrande, Jean-Fabrice Anselmo, [P] [D] et Swannie Tautea, de la SARL Corlay, avocat de la société Groupe direct immobilier, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juin 2022) et les productions, par acte authentique établi le 29 mai 2017 par M. [D] (le notaire), la société Groupe direct immobilier (le promettant) a consenti à la société Real investissement (le bénéficiaire), à laquelle s'est substituée la société 88 FSH patrimoine (le substituant), une promesse unilatérale de vente portant sur un groupe d'immeubles situés à [Localité 7], [Adresse 9] et [Adresse 8], moyennant le prix de 19 480 000 euros.
2. Cette promesse, dont la validité a été prorogée au 8 novembre 2017, stipulait une indemnité d'immobilisation de 974 000 euros, que le bénéficiaire a versée au notaire séquestre, laquelle devait lui être restituée si les biens promis se révélaient « faire l'objet de servitudes ou mesures administratives de nature à déprécier leur valeur ou à les rendre impropres à leur usage. »
3. Invoquant l'existence d'un arrêté préfectoral du 3 mai 2017 restreignant la circulation piétonne et celle des véhicules [Adresse 9], le bénéficiaire et le substituant ont renoncé à la vente, puis ont assigné le promettant et le notaire devant un tribunal de commerce aux fins de restitution de l'indemnité d'immobilisation et, subsidiairement, en annulation de la promesse pour dol ou erreur.
Recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre la société civile professionnelle Vincent David, Eric Barrande, Jean-Fabrice Anselmo, [P] [D] et Swannie Tautea, notaire, contestée par la défense
Vu l'article 609 du code de procédure civile :
4. La société civile professionnelle Vincent David, Eric Barrande, Jean-Fabrice Anselmo, [P] [D] et Swannie Tautea, notaire, n'étant pas partie à l'arrêt attaqué ni bénéficiaire d'aucune condamnation prononcée par cette décision, le pourvoi est irrecevable en ce qu'il est dirigé contre celle-ci.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le bénéficiaire et le substituant font grief à l'arrêt de dire que la clause de la promesse de vente selon laquelle l'indemnité d'immobilisation versée devra être restituée au bénéficiaire en cas de « mesures administratives de nature à en déprécier la valeur ou à les rendre impropres à leur usage » n'a pas lieu de s'appliquer, de rejeter leur demande de restitution au substituant de l'indemnité d'immobilisation versée, de dire qu'ils sont solidairement débiteurs envers le promettant de la somme de 974 000 euros versée entre les mains du notaire en sa qualité de séquestre, outre intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2017, d'ordonner à ce dernier de verser au promettant ladite somme dans les quinze jours de la date à laquelle le jugement entrepris sera devenu définitif, et de les condamner solidairement à payer au promettant les intérêts au taux légal, alors :
« 1°/ que les juges du fond ont constaté que l'article 3 de la promesse de vente prévoyait que l'indemnité d'immobilisation serait restituée au bénéficiaire si les biens promis se révélaient faire l'objet de mesures administratives de nature à en déprécier la valeur ou à les rendre impropres à leur usage, et que par arrêté préfectoral du 3 mai 2017 la circulation des véhicules était interdite [Adresse 9] et celle des piétons côté impair de la rue ; qu'en écartant l'article 3 de la promesse, pour repousser la demande de restitution de l'indemnité d'immobilisation, en considération de la seule interdiction de circulation des véhicules, sans rechercher si la restriction de la circulation piétonne n'affectait pas la valeur de l'immeuble comme le soulignaient la société Real investissements et la société 88 FSH patrimoine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du code civil ;
2°/ qu'en écartant l'article 3 de la promesse de vente au motif inopérant que la société Real investissements et la société 88 FSH patrimoine avaient invoqué l'argument pris de l'arrêté du 3 mai 2017 pour la première fois le 10 novembre 2017, soit après l'expiration de la date prorogée de la levée d'option, le 8 novembre 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Ayant constaté, procédant à la recherche prétendument omise, que l'arrêté préfectoral du 3 mai 2017 n'interdisait la circulation des piétons que du côté impair, alors que les immeubles objet de la promesse étaient situés du côté pair, la cour d'appel en a souverainement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, que la restriction de circulation des piétons n'affectait pas l'immeuble principal promis à la vente, faisant ainsi ressortir qu'elle n'en dépréciait pas la valeur.
7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur les deuxième et troisième moyens, réunis
Enoncé des moyens
8. Par leur deuxième moyen, le bénéficiaire et le substituant font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en nullité pour dol de la promesse de vente et de ses avenants, de rejeter leur demande de restitution par le notaire de l'indemnité d'immobilisation, de dire qu'ils sont solidairement débiteurs envers le promettant de la somme de 974 000 euros, outre les intérêts légaux, d'ordonner au notaire de verser au promettant ladite somme dans les quinze jours de la date à laquelle le jugement entrepris sera devenu définitif et de les condamner solidairement à payer au promettant les intérêts sur cette somme, alors « que, pour rejeter la demande de nullité de la promesse fondée sur le dol, l'arrêt attaqué s'est borné à retenir qu'il n'était pas établi que l'arrêté du 3 mai 2017 a eu pour conséquence de diminuer la valeur vénale du bien et qu'il n'était dès lors pas nécessaire d'examiner les moyens soulevés en défense sur ce point par la société Groupe direct immobilier ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur le point de savoir si, comme le soutenaient la société Real investissements et la société 88 FSH patrimoine, l'arrêté du 3 mai 2017 n'avait pas été un élément déterminant de leur consentement à la promesse de vente et ne leur avait pas été intentionnellement dissimulé par la société Groupe direct immobilier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1137 du code civil. »
9. Par leur troisième moyen, le bénéficiaire et le substituant font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en nullité pour erreur de la promesse de vente et de ses avenants, de rejeter leur demande de restitution au substituant de l'indemnité d'immobilisation versée, de dire qu'ils sont solidairement débiteurs envers le promettant de la somme de 974 000 euros remise au séquestre, avec intérêts légaux, d'ordonner à ce dernier de verser au promettant ladite somme dans les quinze jours de la date à laquelle le jugement entrepris sera devenu définitif, et de les condamner solidairement à payer les intérêts produits par cette somme, alors « qu'en repoussant la demande de nullité de la promesse fondée sur l'erreur, au motif qu'il n'était pas établi que l'arrêté du 3 mai 2017 a eu pour conséquence de diminuer la valeur vénale du bien et qu'il n'était dès lors pas nécessaire d'examiner les moyens soulevés en défense sur ce point par la société Groupe direct immobilier, quand la question de la valeur de l'immeuble était indifférente à l'erreur sur la substance invoquée par la société Real investissements et la société 88 FSH patrimoine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1132 du code civil. »
Réponse de la Cour
10. Ayant constaté, par motifs propres, que l'arrêté du 3 mai 2017 confirmait un précédent arrêté du 14 septembre 2016 et relevé, par motifs adoptés, d'une part, qu'à l'époque à laquelle les parties étaient entrées en négociation, les restrictions de circulation existaient déjà et que les bénéficiaires de la promesse ne pouvaient les ignorer pour avoir, à plusieurs reprises, visité l'immeuble dans les mois ayant précédé la signature de la promesse de vente, d'autre part, qu'aucune disposition de la promesse de vente ne faisait mention du caractère déterminant des conditions de circulation, la cour d'appel, qui a retenu que les restrictions de circulation n'étaient pas de nature à déprécier la valeur du bien promis, a pu en déduire que les demandes de nullité de la promesse pour dol ou pour erreur ne pouvaient être accueillies.
11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DECLARE le pourvoi irrecevable en ce qu'il est dirigé contre la société civile professionnelle Vincent David, Eric Barrande, Jean-Fabrice Anselmo, [P] [D] et Swannie Tautea;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Real investissement et 88 FSH patrimoine aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Real investissement et 88 FSH patrimoine et les condamne à payer à la société civile professionnelle Vincent David, Eric Barrande, Jean-Fabrice Anselmo, [P] [D] et Swannie Tautea et à M. [D] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille vingt-quatre.