LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 973 F-D
Pourvoi n° V 23-14.968
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024
M. [G] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 23-14.968 contre l'arrêt rendu le 10 février 2023 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la Société d'études et de réalisations techniques industrielles et publicitaires (SERTIP), société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société d'études et de réalisations techniques industrielles et publicitaires, après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 10 février 2023), M. [I] a été engagé en qualité d'agent technique par la Société d'études et de réalisations techniques industrielles et publicitaires (la société) le 1er septembre 1998. Il était, en dernier lieu, responsable de production, statut cadre.
2. Ayant démissionné le 28 juin 2021, il a saisi la juridiction prud'homale le 8 juillet 2021 de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à faire juger qu'en l'absence d'accord d'entreprise qui lui était opposable, le contingent annuel d'heures supplémentaires était de 220 heures et de ses demandes subséquentes formulées au titre de la contrepartie obligatoire en repos et au titre des congés payés afférents, alors que « les juges ont l'interdiction de dénaturer les termes clairs et précis des documents de la cause ; qu'en énonçant, pour débouter le salarié de sa demande tendant à juger qu'en l'absence d'accord d'entreprise qui lui était opposable, le contingent annuel d'heures supplémentaires était de 220 heures et de ses demandes subséquentes formulées au titre de la contrepartie obligatoire en repos et au titre des congés payés afférents, qu'il n'était pas discuté qu'avait été mis en oeuvre au sein de la société, au mois d'octobre 2008, un accord collectif fixant le contingent annuel d'heures supplémentaires à 350 heures, quand, dans ses conclusions d'appel, le salarié avait expressément soutenu que le document que l'employeur présentait comme un accord collectif n'était qu'une simple note de service, que l'employeur ne justifiait pas de l'information préalable des représentants du personnel au sujet des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent annuel et de l'avis préalable des représentants du personnel au sujet des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel, que l'employeur ne justifiait pas davantage avoir procédé aux formalités de dépôt du prétendu accord d'entreprise et que celui-ci était en conséquence inopposable au salarié, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel du salarié, en violation des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
4. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
5. Pour débouter le salarié de sa demande tendant à juger qu'en l'absence d'accord d'entreprise qui lui soit opposable, le contingent d'heures supplémentaires devait être fixé à hauteur de 220 heures et le débouter de ses demandes salariales et indemnitaires subséquentes, l'arrêt retient qu'il n'est pas discuté qu'a été mis en oeuvre au sein de la société, en octobre 2008, un accord collectif fixant le contingent annuel à 350 heures. Il conclut qu'il résulte du décompte de l'employeur que si le salarié a accompli des heures supplémentaires de 2018 à 2021, il n'a pas dépassé le contingent annuel de 350 heures et ne peut prétendre à une contrepartie obligatoire en repos.
6. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, le salarié soutenait que le document présenté par l'employeur comme un accord collectif n'était qu'une note de service et qu'au surplus la société ne justifiait pas de l'information préalable des représentants du personnel ni d'avoir procédé aux formalités de dépôt du prétendu accord d'entreprise et que celui-ci était en conséquence inopposable au salarié, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution du contrat de travail de mauvaise foi, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [I] de ses demandes tendant à faire juger que le contingent annuel d'heures supplémentaires, en l'absence d'accord collectif opposable, est de 220 heures et à obtenir paiement d'une certaine somme au titre de la contrepartie obligatoire en repos, outre congés payés afférents et de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, en ce qu'il condamne M. [I] aux dépens et en ce qu'il statue sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 10 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la Société d'études et de réalisations techniques industrielles et publicitaires aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société d'études et de réalisations techniques industrielles et publicitaires et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille vingt-quatre.