LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 septembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 510 F-D
Pourvoi n° T 22-24.070
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 SEPTEMBRE 2024
1°/ M. [T] [O], domicilié [Adresse 4],
2°/ Mme [Y] [O], domiciliée [Adresse 5],
3°/ M. [G] [O], domicilié [Adresse 2],
4°/ M. [X] [O], domicilié [Adresse 7],
5°/ Mme [H] [O], domiciliée [Adresse 9],
6°/ le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4], représenté par M. [T] [O], syndic bénévole,
7°/ la société Pigenat, société civile immobilière,
8°/ la société Forestyle, société civile immobilière, venant aux droits de MM. [G], [X] [O] et Mmes [Y], [H] [O],
ayant toutes deux leur siège [Adresse 4]
ont formé le pourvoi n° T 22-24.070 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Les Quatre dauphins, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Jardin Mazarin, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de son liquidateur M. [P] [E] [J],
3°/ à la Société civile le cardinal, dont le siège est [Adresse 6],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Choquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de MM. [T], [G] et [X] [O], de Mmes [Y] et [H] [O], du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 8], des sociétés civiles immobilières Pigenat et Forestyle, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Les Quatre dauphins, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Choquet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 septembre 2022), la Société civile le cardinal a donné à bail commercial à la société Jardin Mazarin des locaux en rez-de-chaussée et un jardin pour y exploiter un restaurant et un salon de thé.
2. Se plaignant de troubles causés par l'exploitation du restaurant, M. [T] [O], [M] [O] et la société civile immobilière Pigenat (la SCI Pigenat), copropriétaires au sein d'un immeuble mitoyen, ainsi que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] (le syndicat des copropriétaires), ont assigné la Société civile le cardinal et la société Jardin Mazarin en fermeture du restaurant, démolition de la terrasse, interdiction de toute exploitation de la terrasse et du jardin et indemnisation de leurs préjudices.
3. La Société civile le cardinal a assigné en intervention forcée la société Les Quatre dauphins, à laquelle la société Jardin Mazarin a, en cours d'instance, cédé son fonds de commerce et qui a ensuite obtenu la délivrance d'un permis de construire.
4. [M] [O] étant décédée, Mmes [Y] et [H] [O] et MM. [G] et [X] [O] sont intervenus volontairement à l'instance en leur qualité d'héritiers aux côtés de M. [T] [O] (les consorts [O]). La société civile immobilière Forestyle (la SCI Forestyle), venant aux droits de MM. [G] et [X] [O] et Mmes [Y] et [H] [O] pour avoir acquis leur immeuble, est intervenue volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche, en ce qu'il porte sur le rejet des demandes formées au titre des nuisances sonores et olfactives
Enoncé du moyen
6. Les consorts [O], le syndicat des copropriétaires, la SCI Pigenat et la SCI Forestyle font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de la Société civile le cardinal et des sociétés Jardin Mazarin et Les Quatre dauphins sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, alors « qu'en retenant, pour débouter les consorts [O] et autres de leurs demandes, que l'arrêté de permis de construire du 10 juin 2015 est définitif, de sorte qu'il n'existe pas d'infraction à la règle urbanistique, sans rechercher, comme il lui était demandé, si au regard de l'article 3 de cet arrêté qui dispose que « les prescriptions émises par l'architecte des bâtiments de France devront être rigoureusement respectées à savoir : ? aucun aménagement extérieur ni activité ne sont projetés dans l'espace jardin », l'exploitation d'une activité de restauration, salon de thé sur la terrasse illégalement construite dans le jardin ne constituait pas une telle infraction, engageant la responsabilité des sociétés les Quatre dauphins, Jardin Mazarin et le cardinal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
7. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
8. Pour rejeter les demandes des consorts [O], du syndicat des copropriétaires, de la SCI Pigenat et de la SCI Forestyle fondées sur la responsabilité civile délictuelle de la Société civile le cardinal et des sociétés Jardin Mazarin et Les Quatre dauphins, l'arrêt retient que l'arrêté de permis de construire du 10 juin 2015 est définitif, de sorte qu'il n'existe pas d'infraction à la règle urbanistique, et que les nuisances déplorées, principalement sonores, ne sont pas établies.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les constructions édifiées par la société Les Quatre dauphins respectaient les règles d'urbanisme et alors que le tiers qui prétend subir un préjudice résultant de la violation des règles d'urbanisme n'est pas tenu de justifier de l'existence d'un trouble anormal du voisinage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation du chef de dispositif rejetant les demandes des consorts [O], du syndicat des copropriétaires, de la SCI Pigenat et de la SCI Forestyle de leurs demandes à l'encontre de la Société civile le cardinal et des sociétés Jardin Mazarin et Les Quatre dauphins sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil n'emporte pas celle de ce même chef de dispositif en ce qu'il rejette les demandes de condamnation in solidum de la Société civile le cardinal et des sociétés Jardin Mazarin et Les Quatre dauphins, ou tout exploitant de leur fait, sous astreinte, à enlever tous les bambous, racines plantés le long du mur séparatif à leurs frais, et à mettre en conformité les installations d'extraction de désenfumage, de ventilation de climatisation avec les réglementations sanitaires en vigueur, qui ne s'y rattachent pas par un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la société civile immobilière Forestyle recevable en son intervention volontaire, confirme le jugement qui a déclaré recevables les actions du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] et des héritiers de [M] [O], et rejette les demandes de condamnation in solidum de la Société civile le cardinal et des sociétés Jardin Mazarin et Les Quatre dauphins, ou tout exploitant de leur fait, sous astreinte, à enlever tous les bambous, racines plantés le long du mur séparatif à leurs frais, et à mettre en conformité les installations d'extraction de désenfumage, de ventilation de climatisation avec les réglementations sanitaires en vigueur, l'arrêt rendu le 29 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la Société civile le cardinal, la société Jardin Mazarin, prise en la personne de son liquidateur M. [E] [J], et la société Les Quatre dauphins aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les Quatre dauphins et condamne la Société civile le cardinal et la société Les Quatre dauphins in solidum à payer à MM. [T], [G] et [X] [O], à Mmes [Y] et [H] [O], au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4], à la société civile immobilière Pigenat et à la société civile immobilière Forestyle la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille vingt-quatre.