LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 septembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 505 F-D
Pourvoi n° H 23-17.256
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 SEPTEMBRE 2024
M. [O] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 23-17.256 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2023 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société du Centre de gros, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [L], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société civile immobilière du Centre de gros, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 13 avril 2023), le 29 octobre 2015, M. [L] (le locataire), locataire à bail commercial de locaux appartenant à la société civile immobilière du Centre de gros (la bailleresse), l'a assignée en résiliation judiciaire du bail commercial à ses torts et paiement d'une indemnité d'éviction.
2. En cours de procédure, le locataire a notifié à la bailleresse la résiliation unilatérale du bail commercial et a restitué les locaux le 8 septembre 2016.
3. La bailleresse a formé une demande reconventionnelle en résiliation du bail aux torts du locataire et paiement de dommages-intérêts pour la perte des loyers et charges qui auraient dû être perçus jusqu'à la première échéance triennale du bail et des dégradations locatives.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première à septième branches, en ses huitième et neuvième branches en ce qu'elles font grief à l'arrêt de constater la résiliation du bail commercial aux torts exclusifs du locataire, de rejeter ses demandes, de le condamner à payer à la bailleresse une certaine somme au titre des dégradations locatives, et en ses dixième et onzième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa neuvième branche, en ce qu'elle fait grief à l'arrêt de condamner le locataire au paiement d'une certaine somme en réparation de la perte de loyers de novembre 2015 à mars 2017 et à rembourser à la bailleresse la taxe foncière pour les années 2015 à 2017
Enoncé du moyen
5. Le locataire fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme en réparation de la perte de loyers de novembre 2015 à mars 2017 et au remboursement de la taxe foncière pour les années 2015 à 2017, alors « que la dénaturation des conclusions est constituée lorsque les juges du fond considèrent qu'un plaideur ne conteste pas un point ou qu'il ne dénie pas un fait alors que son système de défense impliquait une discussion sur ce point ; qu'en énonçant que M. [L] ne formulait aucune observation quant à sa condamnation au paiement des pertes des loyers et charges restant à courir jusqu'au terme du bail, ainsi qu'au remboursement de la taxe foncière jusqu'au terme du bail, cependant que les écritures d'appel de M. [L] impliquaient une discussion sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
7. Pour condamner le locataire à payer une certaine somme en réparation de la perte de loyers de novembre 2015 à mars 2017 et à rembourser à la bailleresse la taxe foncière pour les années 2015 à 2017, l'arrêt retient qu'il ne formule pas d'observations sur ce point.
8. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, le locataire demandait le rejet de la demande reconventionnelle de la bailleresse en dommages-intérêts en soutenant qu'il n'était pas redevable des loyers à compter de la fermeture administrative des locaux loués imputable à la faute de cette dernière, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [L] à payer à la société civile immobilière du Centre de gros la somme de 18 054 euros en réparation de la perte de loyers de novembre 2015 à mars 2017 et à lui rembourser la taxe foncière pour les années 2015 à 2017, en ce qu'il dit que les condamnations à paiement prononcées au titre de la perte des loyers et de la taxe foncière sont assorties des intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2021 et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société civile immobilière du Centre de gros aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière du Centre de gros et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille vingt-quatre.