LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 septembre 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 846 F-B
Pourvoi n° E 22-18.952
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 SEPTEMBRE 2024
La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-18.952 contre l'arrêt rendu le 13 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [O], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Mme [O] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Reveneau, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est, de Me Ridoux, avocat de Mme [O], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Reveneau, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 mai 2022) et les productions, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est (la caisse) a demandé, le 16 décembre 2016, à Mme [O] (l'ayant droit), ayant droit de [K] [S], décédé le 7 septembre 2013, le remboursement d'une certaine somme correspondant à sa quote-part sur les sommes versées à ce dernier, du 1er mars 1992 au 30 septembre 2013, au titre de l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité.
2. L'ayant droit a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'ayant droit, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. L'ayant droit fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la caisse une certaine somme et de la débouter de ses demandes, alors « que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel, l'héritière faisait valoir que les éléments produits par la caisse ne permettaient pas de vérifier si le recours de la caisse n'excédait pas le maximum annuel plafonné à la somme de 6 939,60 euros ; qu'en condamnant l'héritière à payer les sommes réclamées par la caisse, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
5. Pour condamner l'ayant droit à payer à la caisse la somme de 45 017,26 euros, avec intérêts moratoires au taux légal à compter du 22 mars 2017, l'arrêt retient que, le défunt ayant perçu l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité du 1er mars 1992 au 30 septembre 2013, la caisse est bien-fondée, en application des dispositions de l'article L. 813-1 du code de la sécurité sociale, à récupérer cette somme sur sa succession.
6. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'ayant droit qui soutenait que la caisse se contentait d'indiquer que le défunt aurait perçu la somme globale de 16 669,58 euros pour la période s'étendant entre le mois de janvier 1997 et celui de mai 2001, ce qui ne permettait pas de vérifier si le recours de la caisse pour cette période n'excédait pas le plafond annuel de récupération visé aux articles L. 815-13 et D. 815-3 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen du pourvoi principal de la caisse, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'ayant droit une certaine somme à titre de dommages et intérêts, alors « que les arrérages servis au titre de l'allocation supplémentaire sont recouvrés en tout ou en partie sur la portion de l'actif net successoral, défini par les règles du droit commun, qui excède 39 000 euros ; que les sommes ainsi récupérées par l'organisme de sécurité sociale sur la succession ne constituent pas une dette s'inscrivant au passif de la succession mais une charge successorale recouvrée après détermination de l'actif net successoral qui constitue l'assiette des droits de succession ; qu'en jugeant que le manque de diligence de la caisse qui avait informé tardivement l'ayant droit de sa créance au titre de l'allocation supplémentaire constituait une faute ayant généré un préjudice constitué par le montant des droits de succession acquittés par l'ayant droit qui ne tenaient pas compte du recours sur succession de la caisse quand les sommes récupérées sur la succession par la caisse constituent une charge successorale versée postérieurement à la détermination de l'actif net successoral, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil, anciennement article 1382 du même code, les articles 870 et suivants du code civil dans leur rédaction applicable à la cause, les articles L. 815-12, D. 815-1 et D. 815-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable à la cause, ensemble les articles 758 et suivants du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1240 du code civil, L. 815-12, D. 815-1 et D. 815-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige ;
8. Il résulte de la combinaison des trois derniers de ces textes que l'actif net de la succession de l'allocataire sur lequel sont recouvrés, à concurrence d'un montant fixé par décret, les arrérages servis au titre de l'allocation supplémentaire, doit s'entendre de la valeur de l'actif successoral au jour du décès.
9. Pour condamner la caisse à verser à l'ayant droit une certaine somme à titre de dommages et intérêts, l'arrêt retient que le manque de diligence de la caisse, qui est fautif, a eu pour conséquence de faire subir à l'ayant droit un préjudice matériel consistant dans les droits de succession mis indûment à sa charge, leur montant ne tenant pas compte du recours sur succession de la caisse.
10. En statuant ainsi, alors que la créance de la caisse ne constitue pas une dette personnelle du défunt existante au jour du décès, venant en déduction de l'actif brut successoral et servant à déterminer l'actif net successoral, mais une charge pesant sur la succession une fois calculé cet actif net successoral et une fois déterminée la part de cet actif excédant le seuil fixé par décret, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.
Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille vingt-quatre.