LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 septembre 2024
Cassation partielle
M. BARINCOU, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 942 F-D
Pourvoi n° U 23-10.597
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
L'association Orientation développement emploi, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 23-10.597 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à Mme [M] [R], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de l'association Orientation développement emploi, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [R], après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Douxami, conseiller, Mme Prieur, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2022), Mme [R] a été engagée, en qualité de directrice, par l'association Orientation développement emploi, à compter du 1er septembre 2000.
2. Après avoir accepté, le 26 juin 2017, le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour contester la rupture pour motif économique de son contrat de travail intervenue le 13 juillet 2017.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement abusif, de le condamner à payer des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis et congés payés afférents, et de lui enjoindre de remettre un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes, alors « que l'existence d'une cause réelle et sérieuse doit être appréciée à la date du licenciement ; que si la cour d'appel peut se fonder sur des faits postérieurs au licenciement, ce n'est que pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués à la date de son prononcé ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'un doute profitant à la salariée, sur la réalité du motif économique de licenciement, la cour d'appel, après avoir constaté que les motifs du licenciement économique avaient été notifiés par lettre du 22 juin 2017, a retenu que "le recrutement non contesté d'un nouveau directeur à compter du 1er octobre 2018, est de nature à faire douter non seulement de la disparition de l'emploi de Mme [R] mais également de sa reprise de façon pérenne par le président de l'association" ; qu'en se fondant ainsi sur une circonstance postérieure de plus d'une année après la date de la rupture, laquelle n'était pas de nature à établir l'absence de suppression de l'emploi de la salariée à la date du prononcé de son licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1 et L. 1233-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
5. Il résulte de ce texte que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques.
6. Pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt constate d'abord que les pièces produites ne permettent pas de comprendre les modalités d'organisation et de fonctionnement de l'association, notamment de sa direction, à la suite du départ de la salariée et relève notamment que le registre d'entrée et de sortie du personnel ne donne, en lui-même, aucune information exploitable sur l'organisation de la direction, sur une éventuelle modification ou accroissement des attributions du président de l'association comme sur une redistribution en interne des fonctions de la salariée à la suite de son départ.
7. Il retient ensuite que le recrutement non contesté d'un nouveau directeur à compter du 1er octobre 2018, est de nature à faire douter non seulement de la disparition de l'emploi de la salariée mais également de sa reprise de façon pérenne par le président de l'association.
8. Il en déduit que ces constatations sont de nature à instiller un doute sur la réalité du motif économique de licenciement qui doit profiter à la salariée en application de l'article L. 1235-1 du code du travail.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'embauche d'un nouveau directeur avait été faite le 1er octobre 2018, de sorte que la salariée, dont le contrat de travail avait été rompu le 13 juillet 2017, n'avait pas été remplacée dans son emploi immédiatement après son licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation des chefs de dispositif disant le licenciement abusif et condamnant l'employeur à payer à la salariée diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis, sous réserve de déduction des sommes perçues à ce titre dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, outre les congés payés afférents, enjoignant à l'employeur de remettre à la salariée un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes à cette décision, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci, non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement abusif, condamne l'association Orientation développement emploi à payer à Mme [R] diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis, sous réserve de déduction des sommes perçues à ce titre dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, outre les congés payés afférents, et enjoint à l'association Orientation développement emploi de remettre à Mme [R] un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes à cette décision, l'arrêt rendu le 14 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille vingt-quatre.