LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 septembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 513 FS-D
Pourvoi n° E 22-19.527
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
La société Groupe canal +, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 3], anciennement [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-19.527 contre l'arrêt n° RG 21/13216 rendu le 30 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Filiale LFP1, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de l'association Ligue de Football Professionnel (LFP),
2°/ au président de l'Autorité de la concurrence, domicilié [Adresse 2],
3°/ au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Groupe canal +, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Filiale LFP1, de la SCP Duhamel, avocat du président de l'Autorité de la concurrence, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires ; après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Michel-Amsellem, Sabotier, Tréfigny, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Comte, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2022) et les productions, en 2018, l'association Ligue française de football professionnel (la LFP), agissant par délégation de la Fédération française de football (la FFF), a lancé un appel à candidatures pour l'acquisition des droits de diffusion télévisuelle des matchs de football de Ligue 1 pour les saisons 2020-2021 à 2023-2024, ces droits étant divisés en sept lots. A l'issue de cette procédure, les lots 1, 2, 4, 5 et 7 ont été attribués à la société Mediapro, le lot 3, à la société beIN Sports France (la société beIN Sports), qui en a concédé l'exploitation à la société Groupe canal+ (la société Canal +), et le lot 6, à la société Free.
2. Le contrat passé avec la société Mediapro ayant été résilié en 2020, à la suite de la défaillance de cette société dans le paiement du prix, la LFP a lancé, le 19 janvier 2021, un nouvel appel à candidatures aux fins de commercialisation des seuls lots 1, 2, 4, 5 et 7, restitués par la société Mediapro.
3. Le 29 janvier 2021, reprochant à la LFP de ne pas inclure le lot 3 dans cet appel à candidatures et, en conséquence, de ne pas résilier le contrat conclu pour ce lot à l'issue de l'appel à candidatures de 2018, la société Canal + a saisi l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) de deux pratiques d'abus de position dominante mises en oeuvre par la LFP dans le secteur de la vente de droits de diffusion télévisuelle des compétitions sportives, consistant, l'une, en un traitement discriminatoire de l'attributaire du lot 3 par rapport aux autres candidats à l'appel à candidatures de 2021, l'autre, en l'imposition de conditions de transaction non équitables lors de ce même appel à candidatures.
4. Par sa décision n° 21-D-12 du 11 juin 2021 relative à des pratiques mises en oeuvre par la Ligue de Football Professionnel dans le secteur de la vente de droits de diffusion télévisuelle de compétitions sportives, l'Autorité a rejeté la saisine au motif que les faits invoqués n'étaient pas appuyés d'éléments suffisamment probants.
5. Le même jour, la LFP, qui avait, le 1er février 2021, déclaré l'appel à candidatures infructueux et ouvert une phase de négociation de gré à gré, a annoncé qu'elle avait retenu comme la mieux-disante l'offre présentée par la société Amazon Digital UK (la société Amazon), par préférence à celle faite en commun par les sociétés Canal + et beIN Sports, et lui a attribué la totalité des lots restitués par la société Mediapro.
6. La société Canal + a formé un recours en annulation de la décision de l'Autorité.
7. A la suite d'une opération d'apport partiel d'actif réalisée le 14 juin 2022, la société Filiale LFP 1 est venue aux droits de la LFP.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. La société Canal + fait grief à l'arrêt de rejeter le recours en annulation formé contre la décision de l'Autorité n° 21-D-12 du 11 juin 2021 et, en conséquence, de dire n'y avoir lieu à statuer sur la demande au fond tendant à juger que la LFP a commis un abus de position dominante, alors « que l'Autorité peut rejeter une saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; que l'obligation de motivation à laquelle est soumise l'Autorité dans le prononcé de ses décisions lui impose d'exposer les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et qui, en cas de rejet, permettent aux parties mises en cause de comprendre ce rejet et à la juridiction saisie d'un recours d'en contrôler la légalité ; qu'elle emporte corrélativement l'obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties ; que, dans ce cadre, l'Autorité doit examiner les principaux arguments et preuves du saisissant et exposer en quoi les faits dénoncés ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; qu'en l'espèce, pour rejeter le recours en annulation de la société Canal +, la cour d'appel a jugé que l'Autorité avait satisfait à son obligation de motivation, "peu important qu'elle n'ait pas répondu expressément à l'argumentation de Canal + sur le caractère indissociable des lots formant un seul produit, ni indiqué de manière explicite les motifs la conduisant à écarter l'analyse de cette dernière fondée sur la comparaison des situations nées des deux appels à candidatures" ; qu'en statuant ainsi, quand elle relevait que le caractère indissociable des lots constituait "le postulat de base de Canal +", que la société Canal + fondait son analyse sur "une masse indivise de droits en lieu et place des contrats de commercialisation autonomes des différents lots", ou encore que "le traitement différencié allégué par Canal + reposait sur la thèse selon laquelle les lots 1 à 3 étaient indissociables", et quand la saisine de l'Autorité par la société Canal + visait principalement à dénoncer l'existence d'une discrimination entre les candidats à la procédure d'appel à candidatures lancée en 2018 et les candidats à la procédure lancée en 2021, du fait de conditions de concurrence sensiblement différentes, ce qui aurait dû appeler une réponse expresse et spécifique de la part de l'Autorité sur ces points déterminants, la cour d'appel a violé l'article L. 462-8 du code de commerce, dans sa version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
9. Sous le couvert d'un grief de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond, qui, après avoir analysé les motifs de la décision de l'Autorité, ont retenu qu'ils permettaient à la société Canal + de comprendre en quoi, selon l'Autorité, les éléments invoqués à l'appui de la saisine n'étaient pas suffisants pour rendre vraisemblable une pratique abusive de discrimination.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
11. La société Canal+ fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que l'Autorité peut rejeter toute saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; qu'il appartient à l'auteur de la saisine d'apporter des éléments rendant vraisemblable une pratique anticoncurrentielle, sans que l'Autorité ne puisse exiger de lui la preuve de cette pratique ; qu'il appartient au juge saisi du recours contre la décision de l'Autorité rejetant la saisine de contrôler que cette dernière a mis en oeuvre le standard de preuve adéquat, sans faire peser sur l'auteur de la saisine, sous couvert d'exigence d'éléments rendant vraisemblable la pratique anticoncurrentielle alléguée, la preuve même de cette pratique ; que la société Canal + dénonçait l'existence de pratiques de discrimination résultant d'une différence de traitement entre les attributaires de droits de Ligue 1 selon que les lots ont été commercialisés en 2018 ou en 2021, tenant à l'existence de conditions de concurrence et à des modalités d'attribution nettement différentes entre les deux appels à candidatures, la conjonction de ces éléments aboutissant donc à un traitement discriminatoire entre les attributaires de 2018 et les futurs attributaires de 2021 ; que la cour d'appel a constaté que la LFP avait lancé une procédure de réattribution des lots de droits de diffusion de la Ligue 1 à la suite de la défaillance de la société Mediapro en refusant d'y inclure le lot 3 ; qu'elle a parallèlement admis que les "conditions du marché avaient (?) sensiblement évolué à la baisse" entre les deux appels à candidatures, et que le mécanisme d'enchères mis en oeuvre en 2018 avait pu produire un "effet inflationniste", c'est-à-dire une survalorisation des lots alors attribués ; qu'il résultait ainsi de ces constatations qu'était objectivement et suffisamment établie une différence sensible de la situation concurrentielle sur le ou les marchés en cause entre les deux procédures d'appel à candidatures menées respectivement en 2018 et 2021 ; qu'en affirmant que l'Autorité n'avait pas considéré que la preuve d'une pratique d'abus de position dominante par discrimination n'était pas rapportée mais s'était bornée à retenir que le comportement de la LFP lors de l'appel à candidatures de 2021 n'était pas de nature à rendre vraisemblable une différence de traitement entre les opérateurs au détriment de la société Canal +, et qu'en l'absence d'indice suffisant d'un traitement inégalitaire entre les candidats potentiels à l'appel à candidatures de 2021, l'Autorité n'avait pas à rechercher les effets anticoncurrentiels de la décision de la LFP, la cour d'appel a validé à tort de la part de l'Autorité l'application d'un standard de preuve excessif et erroné et appliqué elle-même, ce faisant, un tel standard de preuve excessif et erroné, faisant peser sur l'auteur de la saisine la preuve de la pratique anticoncurrentielle invoquée, en violation de l'article L. 462-8 du code de commerce ;
2°/ que l'Autorité peut rejeter toute saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; que, dans cette perspective, il appartient à l'auteur de la saisine d'apporter des éléments rendant vraisemblable une pratique anticoncurrentielle, sans que l'Autorité puisse exiger de lui la preuve de cette pratique ; que la société Canal + dénonçait l'existence de pratiques de discrimination résultant d'une différence de traitement entre les attributaires de droits de Ligue 1 selon que les lots ont été commercialisés en 2018 ou 2021, tenant à l'existence de conditions de concurrence sensiblement différentes entre les deux appels à candidatures et à l'inflation des prix, en raison des enchères de la société Mediapro en 2018, ayant abouti à une survalorisation du lot 3, pourtant non remis en jeu lors de la réattribution des autres lots en 2021 ; que la cour d'appel a pour sa part constaté que la LFP avait lancé une procédure de réattribution des lots de droits de diffusion de la Ligue 1 à la suite de la défaillance de la société Mediapro, tout en refusant d'y inclure le lot 3 ; qu'elle a parallèlement constaté que les "conditions du marché avaient (?) sensiblement évolué à la baisse" entre les deux appels à candidatures, et que le mécanisme d'enchères successives avait pu produire un effet inflationniste", c'est-à-dire une survalorisation des lots en 2018, en raison des prix alors proposés par la société Mediapro ; que ces différentes constatations permettaient sans conteste de rendre, à tout le moins, vraisemblable une différence de traitement discriminatoire en raison d'une différence significative des conditions de concurrence entre les deux appels à candidatures, dès lors qu'il en résultait que la non-remise en concurrence du lot 3 aboutissait à ce que la société Canal + reste liée par les conditions d'acquisition initiales de ce lot, nettement plus onéreuses que celles susceptibles de résulter de la procédure de réattribution partielle des lots en raison de l'évolution nettement baissière, sur un même marché concurrentiel, de la valeur des droits d'exploitation audiovisuelle des matchs de Ligue 1 de football, avec un risque de distorsion majeure de concurrence sur le marché aval de la télévision payante sur lequel les opérateurs se font concurrence en utilisant la diffusion des matchs de Ligue 1 comme élément attractif pour les abonnés ; qu'en affirmant néanmoins que l'Autorité avait pu retenir que le comportement de la LFP lors de l'appel à candidatures de 2021 n'était pas de nature à rendre vraisemblable une différence de traitement entre les opérateurs au détriment de la société Canal +, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 462-8 du code de commerce ;
3°/ que l'Autorité peut rejeter toute saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; que, dans cette perspective, il appartient à l'auteur de la saisine d'apporter des éléments rendant vraisemblable une pratique anticoncurrentielle, sans que l'Autorité puisse exiger de lui la preuve de cette pratique ; que la méthodologie d'appréciation des éléments soumis au soutien de la vraisemblance d'un abus de position dominante ne saurait donc être la même que celle mise en oeuvre pour apprécier si une telle pratique est établie ; qu'en particulier, au stade de l'examen de la vraisemblance de la pratique invoquée, l'Autorité ¿ ni le juge contrôlant sa décision ¿ ne saurait se borner à une appréciation isolée de l'existence d'une différence de traitement en en faisant une condition préalable, sans aucune prise en considération de l'existence d'un désavantage concurrentiel sur un marché, dont l'identification, notamment quant à son importance, est susceptible de rendre vraisemblable la pratique alléguée et donc de justifier un examen au fond, indépendamment de la consistance des indices relatifs à un traitement inégalitaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la LFP avait lancé une procédure de réattribution des lots de droits de diffusion de la Ligue 1 à la suite de la défaillance de la société Mediapro, et que le lot 3 n'avait pas été inclus dans cette nouvelle procédure ; qu'elle a encore constaté que les "conditions du marché avaient (?) sensiblement évolué à la baisse" entre les deux appels à candidatures, et que le mécanisme d'enchères successives avait pu produire un "effet inflationniste", c'est-à-dire une survalorisation des lots en 2018, en raison des prix alors proposés par la société Mediapro ; que s'en évinçait ainsi suffisamment le constat d'un désavantage concurrentiel pour la société Canal + si elle restait tenue, en l'absence de remise en concurrence du lot 3, par des conditions d'acquisition sensiblement plus onéreuses de ce lot que celles qui résulteraient, compte tenu de l'évolution des conditions de marché, de la remise en vente en 2021 des autres lots portant sur des droits audiovisuels de matchs de Ligue 1 aussi voire plus attractifs, constituant des prestations équivalentes ; qu'en estimant que l'absence -supposée- d'indices d'un traitement inégalitaire entre les candidats potentiels à l'appel candidatures permettait à l'Autorité de ne pas rechercher les effets anticoncurrentiels de la décision de la LFP, sans rechercher si l'existence d'un désavantage concurrentiel, potentiellement très significatif, pour la société Canal + dès lors que le lot 3 n'était pas remis en concurrence en même temps que les autres lots réattribués, ne rendait pas suffisamment vraisemblable l'atteinte à la concurrence invoquée par la société Canal + au titre d'une discrimination, qui devait s'apprécier de manière globale, pour que l'Autorité doive procéder à un examen au fond des pratiques invoquées, la cour d'appel a violé l'article L. 462-8 du code de commerce ;
4°/ que les juges du fond ne peuvent modifier l'objet du litige, déterminé par les prétentions respectives des parties telles qu'exprimées dans leurs conclusions ; que la société Canal + invoquait en l'espèce une différence de traitement discriminatoire résultant principalement de ce que les conditions de concurrence avaient radicalement changé entre 2018 et 2021 concernant le marché des droits télévisuels des matchs de Ligue 1, de sorte que la réattribution de certains lots dans le cadre de la procédure de 2021, sans remise en vente d'autres lots attribués en 2018 dans des conditions économiques et concurrentielles ayant profondément changé, alors qu'il s'agit de produits équivalents sur un même marché et que les futurs attributaires de 2021 seraient en concurrence avec les attributaires de 2018 sur le marché aval de la télévision payante, aboutirait à une différence de traitement discriminatoire au détriment des attributaires de 2018 ; qu'elle invoquait, au surplus, les liens étroits créés entre les différents lots attribués en 2018 compte tenu des modalités de la procédure d'attribution menée à l'époque par la LFP comme un paramètre venant renforcer la prégnance et les effets de la discrimination ainsi invoquée, notamment en raison de ce que les enchères sur les premiers lots avaient une incidence sur celles concernant les autres lots, de sorte que ces modalités d'attribution avaient eu un effet inflationniste sur les prix d'attribution en 2018, ce qui justifiait de plus fort d'inclure le lot 3 dans l'appel à candidatures de 2021 ; qu'en affirmant néanmoins que le caractère indissociable des lots aurait constitué le "postulat de base" de la société Canal +, de sorte qu'à partir du moment où il était -selon la cour d'appel- erroné, les arguments de la société Canal + tenant à l'évolution des conditions de concurrence ou encore au montant élevé des enchères de la société Mediapro en 2018 auraient été inopérants, la cour d'appel a méconnu l'objet et les termes du litige, et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°/ que les droits d'exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives sont commercialisés par la LFP dans le respect des règles de concurrence ; qu'est par ailleurs prohibée l'exploitation abusive par une entreprise d'une position dominante sur un marché, consistant notamment dans des conditions de vente discriminatoires ; qu'est, en ce sens, interdit à l'entreprise placée en position dominante d'appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; que pour invoquer, de manière vraisemblable, l'existence d'un traitement discriminatoire à son détriment résultant de la décision de la LFP de ne pas inclure le lot 3 dans la remise en vente en 2021 des lots attribués en 2018 ensuite de la défaillance de la société Mediapro, la société Canal + ne prétendait pas que les lots n'avaient pas été attribués de manière distincte en 2018 et n'avaient pas donné lieu à une décision séparée ainsi qu'à un contrat de cession pour chacun des lots ; qu'elle ne prétendait pas davantage que les conditions formelles de l'appel à candidatures de 2021 n'auraient pas été les mêmes pour l'ensemble des soumissionnaires à cette procédure ; que la société Canal + soutenait, différemment, que dès lors que l'appel à candidatures de 2021 portait sur la réattribution, à la suite la défaillance de la société Mediapro, de lots précédemment attribués en 2018 dans le cadre d'un appel à candidatures portant sur l'ensemble des lots à attribuer et qui avait par ailleurs abouti à des montants records, du fait précisément des enchères de la société Mediapro ayant fortement tiré vers le haut le prix de l'ensemble des lots, tandis que l'évolution du marché marquait en 2021 une baisse très significative de la valeur des droits audiovisuels en cause, il n'était pas possible de ne pas inclure le lot 3 dans la procédure de remise en vente des lots en 2021 (alors qu'en 2018, tous les lots avaient été mis en concurrence dans le cadre d'un même appel à candidatures, avec un dispositif d'enchères successives) sans créer une discrimination au détriment de l'opérateur restant lié par les conditions, objectivement très différentes, d'attribution de 2018 et un risque de distorsion majeure de concurrence sur le marché aval de la télévision payante par rapport aux attributaires de 2021 qui bénéficieraient très probablement ¿ ce que l'attribution a confirmé de manière flagrante ¿ de conditions tarifaires nettement moins onéreuses pour l'acquisition de lots portant sur des droits aussi voire plus attractifs que ceux objet du lot 3 ; qu'en effet, cela ne pouvait qu'aboutir à attribuer plusieurs lots d'un même produit et pour une même période de temps dans des conditions de concurrence différentes ; que la distorsion de concurrence était d'autant plus forte que les conditions de l'appel à candidatures de 2018 avaient créé un lien très étroit entre les lots, en particulier n° 1, 2 et 3 (notamment à raison du mécanisme d'enchères successives, de prix de réserve global et des sous-enchères pour les lots 2 et 3), ce qui constituait une circonstance aggravante de la discrimination invoquée ; qu'en se fondant, pour statuer comme elle l'a fait, sur les considérations inopérantes tirées de ce que la procédure de 2018 avait porté sur des lots distincts, que l'appel à candidatures de 2021 avait été conçu de manière à préserver son caractère transparent et non discriminatoire, la définition des lots répondant aux exigences légales et les modalités de soumission étant identiques pour tous les candidats potentiels, ou encore que la société Canal + avait librement pris sa décision d'acquérir le lot 3 auprès de la société beIN Sports, sans faire porter sa recherche nécessaire sur la question déterminante, qui était au c?ur de la thèse de la société Canal +, de savoir dans quelle mesure, compte tenu des conditions à la fois procédurales, concurrentielles et financières d'attribution des différents lots en 2018, la remise en vente uniquement des lots acquis par la société Mediapro dans des conditions de marché dont elle constatait elle-même qu'elles avaient très sensiblement évolué à la baisse depuis lors, sans remise en vente concomitante du lot 3 acquis en 2018 au terme d'une procédure dans laquelle les enchères sur un lot avait une incidence sur les enchères sur les autres lots, ne créait pas objectivement un risque de distorsion majeure de concurrence au détriment de la société Canal + sur le marché aval de la télévision payante en cas d'attribution à des concurrents sur ce marché, à des conditions sensiblement plus avantageuses, des lots remis en vente, ce qui rendait suffisamment vraisemblable l'existence d'un traitement discriminatoire entre les attributaires de 2018 et les futurs attributaires de 2021, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 462-8 du code de commerce, ensemble l'article L. 333-2 du code du sport ;
6°/ que les droits d'exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives sont commercialisés par la LFP dans le respect des règles de concurrence ; qu'est par ailleurs prohibée l'exploitation abusive par une entreprise d'une position dominante sur un marché, consistant notamment dans des conditions de vente discriminatoires ; qu'est, en ce sens, interdit à l'entreprise placée en position dominante d'appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; qu'en l'espèce, la société Canal + dénonçait l'existence de pratiques de discrimination résultant d'une différence de traitement entre les acheteurs de droits de Ligue 1 selon que les lots étaient commercialisés en 2018 ou 2021, tenant à l'existence de conditions de concurrence sensiblement différentes entre les deux appels à candidatures et à l'inflation des prix en 2018 en raison des enchères de la société Mediapro ayant abouti à une survalorisation du lot 3 ; que pour rejeter le recours de la société Canal +, la cour d'appel a retenu, après avoir relevé que les conditions du marché avaient sensiblement évolué à la baisse entre 2018 et 2021, que la LFP n'était pas responsable de "l'évolution des conditions de concurrence sur le marché" ; qu'en se déterminant ainsi, par un motif inopérant, dès lors qu'il importait peu que la LFP ait été elle-même à l'origine de cette évolution, la question étant de savoir si, compte tenu de cette évolution objective des conditions de concurrence ¿ induisant par elle-même suffisamment la vraisemblance d'une différence de traitement ¿, cela n'imposait pas à la LFP, tenue de respecter les règles de concurrence et en situation objective de position dominante concernant l'attribution des droits audiovisuels de Ligue 1 constituant des produits à fort potentiel attractif d'abonnés pour les opérateurs en concurrence sur le marché aval de la télévision payante, afin ne pas commettre de discrimination abusive, d'inclure le lot 3 dans la procédure de remise en concurrence de 2021, la cour d'appel a violé les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ensemble l'article L. 333-2 du code du sport ;
7°/ que les droits d'exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives sont commercialisés par la LFP dans le respect des règles de concurrence ; qu'est par ailleurs prohibée l'exploitation abusive par une entreprise d'une position dominante sur un marché, consistant notamment dans des conditions de vente discriminatoires ; qu'est, en ce sens, interdit à l'entreprise placée en position dominante d'appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; que pour rejeter le recours en annulation de la société Canal +, la cour d'appel a retenu, au titre des pratiques de discrimination, que "la circonstance, invoquée dans sa saisine par Canal +, qu'il supportait alors la charge du lot 3, n'était pas pertinente pour apprécier l'existence d'une différence de traitement" résultant du choix de la LFP de ne pas inclure ce lot dans la procédure d'appel à candidatures lancée en 2021 ; qu'en statuant ainsi, quand l'absence de remise en concurrence du lot 3 acquis dans les conditions ayant présidé à l'appel à candidatures de 2018, d'une part, affectait significativement la capacité financière de la société Canal + à acquérir de nouveaux droits à l'occasion de ce nouvel appel à candidatures et constituait de ce fait, pour elle, un handicap par rapport à ses concurrents, qui n'avaient pas une telle charge, comme l'a d'ailleurs souligné le CSA dans son avis du 7 avril 2021, et quand cette absence de remise en concurrence conduisait, d'autre part, la société Canal + à devoir supporter des coûts largement plus élevés que ses concurrents pour un produit équivalent voire de qualité inférieure, ce qui induisait ainsi une distorsion de concurrence, confirmée lors de l'attribution des lots restitués par la société Mediapro à la société Amazon pour un montant inférieur au prix du lot 3 fixé en 2018 alors que la société Amazon détient les droits de 80 % des matchs, dont les 10 meilleures affiches, ce dont il résultait que la circonstance que la société Canal + supportait la charge du lot 3 attribué dans les conditions de l'appel à candidatures de 2018 était à l'évidence pertinente pour apprécier l'existence d'une différence de traitement et donc d'une discrimination concurrentielle, la cour d'appel a violé les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
8°/ qu'est prohibée l'exploitation abusive par une entreprise d'une position dominante sur un marché, consistant notamment dans des conditions de vente discriminatoires ; qu'est, en ce sens, interdit à l'entreprise placée en position dominante d'appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; que les droits d'exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives sont commercialisés par la LFP dans le respect des règles de concurrence ; que pour invoquer, de manière vraisemblable, l'existence d'un traitement discriminatoire à son détriment résultant de la décision de la LFP de ne pas inclure le lot 3 dans la remise en vente en 2021 des lots attribués en 2018 ensuite de la défaillance de la société Mediapro, la société Canal + invoquait la circonstance tenant à ce que lors de l'appel à candidatures de 2018, la LFP avait jugé nécessaire d'attribuer tous les lots dans le cadre d'une même procédure, en appliquant un mécanisme d'enchères successives permettant aux opérateurs n'ayant pas été le mieux disant sur le lot 1 d'ajuster leur offre sur les lots 2 puis 3 ; que la société a fait valoir que ce mécanisme avait non seulement eu un effet inflationniste sur le montant des offres sur les différents lots, mais aussi eu pour effet de créer une interdépendance entre les lots sur le plan économique et concurrentiel, en particulier 1 et 3 (renforcée par le mécanisme de sous-enchères pour les lots 2 et 3), en ce sens que les enchères sur le lot 1 avait une incidence sur celles du lot 3 et donc sur le niveau de prix auquel ce lot a été attribué ; qu'elle en déduisait qu'à partir du moment où certains lots, dont en particulier le lot 1, devaient être remis en concurrence du fait de la défaillance de la société Mediapro, qui plus est dans un contexte révélant objectivement une évolution significativement à la baisse de la valeur des droits de Ligue 1 à attribuer laissant présager que les attributions dans le cadre du nouvel appel à candidatures se feraient à un niveau de prix nettement inférieur à celui atteint en 2018, le respect de la concurrence et de l'égalité de traitement entre les opérateurs commandait de remettre en concurrence également le lot 3 ; que la cour d'appel a, pour sa part, constaté que le mécanisme d'enchères successives appliqué en 2018 permettait aux opérateurs n'ayant pas été le mieux disant sur le lot 1 d'ajuster leur offre sur les lots 2 puis 3, ce qui avait été le cas de la société beIN Sports concernant le lot 3 -par la suite acquis en sous-licence par la société Canal + - ce qui avait pu produire un effet inflationniste en incitant les opérateurs à augmenter le montant de leurs offres ; qu'en estimant néanmoins que cela n'était pas de nature à rendre les lots interdépendants, aux motifs que n'avait pas été créé entre les lots un lien d'indissociabilité ou d'indivisibilité, tandis qu'il ressortait de ses constatations un lien d'interdépendance suffisant entre les lots attribués en 2018 en termes d'incidence du prix d'attribution du lot 1 sur les offres formulées sur les lots 2 et 3, pour qu'il soit vraisemblable qu'une absence de remise en concurrence en 2021 du lot 3 attribué dans ces conditions en 2018 crée une inégalité de traitement entre les attributaires de 2018 et les futurs attributaires de 2021, et un risque de distorsion majeure de concurrence sur le marché aval de la télévision payante, la cour d'appel a violé les articles L. 420-2 et L. 462-8 du code de commerce, 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 333-2 du code du sport ;
9°/ que l'Autorité peut rejeter toute saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; que, dans cette perspective, il appartient à l'auteur de la saisine d'apporter des éléments rendant vraisemblable une pratique anticoncurrentielle, sans que l'Autorité puisse exiger de lui la preuve de cette pratique ; qu'à ce stade d'analyse, l'Autorité ne saurait rejeter la saisine au motif que la pratique dénoncée serait justifiée, c'est-àdire nécessaire et proportionnée, l'existence d'une justification ne pouvant être appréciée que dans le cadre d'un contrôle approfondi, impliquant donc que l'auteur de la saisine a été regardé comme ayant établi la vraisemblance de la pratique anticoncurrentielle dénoncée ; que pour rejeter le recours de la société Canal +, la cour d'appel a retenu que la décision de la LFP de ne remettre en vente que les lots restitués par la société Mediapro, et donc de ne pas remettre en cause les contrats conclus sur les autres lots et en particulier sur le lot 3 apparaissait, en l'état des éléments produits au soutien de la saisine, nécessaire et proportionnée aux objectifs de la LFP de préservation des intérêts des clubs professionnels de football, lesquels sont financés pour une grande partie par les recettes provenant de la cession des droits de retransmission ; qu'en statuant ainsi, quand était seulement en question la vraisemblance d'une pratique anticoncurrentielle tenant à un traitement discriminatoire, ce qui excluait donc à ce premier stade, et compte tenu du standard de preuve applicable, que le rejet de la saisine soit motivée par la justification d'un tel traitement, laquelle relevait d'un contrôle plus approfondi supposant de considérer la pratique anticoncurrentielle invoquée comme vraisemblable, la cour d'appel a violé l'article L. 462-8 du code de commerce ;
10°/ que tout défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que pour contester l'absence de remise en concurrence du lot 3 à l'occasion de la procédure d'appel à candidatures lancée en 2021 et mettre en évidence l'existence de pratiques discriminatoires, la société Canal + faisait valoir que les lots 1 à 3 étaient indissociables et, à tout le moins, interdépendants ; qu'elle soutenait, comme l'a rappelé la cour d'appel dans l'arrêt attaqué, que cela résultait du caractère successif des enchères des lots 1, 2 et 3, de sorte que le prix du lot 3 était largement influencé par l'attribution des lots 1 et 2, de l'existence d'une procédure d'enchère complémentaire pour les lots 2 et 3, afin d'en déterminer le contenu, et de l'existence d'un prix de réserve global pour les trois lots ; que pour écarter la contestation de la société, la cour d'appel s'est bornée à se prononcer sur le "mécanisme d'enchères successives" puis sur le "point d'étape (?) consistant à vérifier sur la somme des trois offres mieux-disantes couvrait la somme des PRI de chacun des lots", pour en déduire que "le postulat de base de Canal+ tenant au caractère indissociable des lots, est erroné" ; qu'en se déterminant ainsi, sans répondre au moyen de la société Canal + sur l'existence d'une procédure de sous-enchère simultanée pour les lots 2 et 3, qui était de nature à établir, à elle seule, l'existence d'une indissociabilité entre au moins deux des lots mis en concurrence en 2018, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
12. En premier lieu, l'arrêt rappelle que si les parties saisissantes n'ont pas à apporter la preuve des pratiques anticoncurrentielles qu'elles invoquent, il leur appartient néanmoins d'apporter des éléments de nature à rendre vraisemblables les atteintes à la concurrence alléguées, faute de quoi leur saisine pourra être rejetée par l'Autorité en application de l'article L. 462-8 du code de commerce. Il souligne que, lorsque la partie saisissante dénonce des faits constitutifs selon elle d'un abus de position dominante par discrimination, consistant pour une entreprise en position dominante à appliquer à ses partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, il lui appartient d'apporter d'abord des éléments suffisamment probants du traitement différencié dénoncé permettant de rendre vraisemblable une discrimination, condition préalable de l'infraction.
13. Il retient qu'en considérant qu'aucun des éléments analysés n'était « susceptible de démontrer » que la décision de la LFP de ne pas étendre l'appel à candidature de 2021 au lot 3 « créerait une discrimination » à l'encontre de la société Canal +, l'Autorité s'est bornée à retenir que le comportement de la LFP lors de l'appel à candidatures de 2021 n'était pas de nature à rendre vraisemblable une différence de traitement entre les opérateurs au détriment de la société Canal +, condition préalable d'une pratique d'abus de position dominante par discrimination, la conduisant à conclure à l'absence d'éléments suffisamment probants d'une telle pratique.
14. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement retenu que l'Autorité n'avait pas exigé de la société Canal + qu'elle rapporte la preuve d'une pratique d'abus de position dominante par discrimination.
15. La première branche du moyen n'est donc pas fondée.
16. En deuxième lieu, bien qu'ayant retenu, par les motifs critiqués par la quatrième branche, que le caractère erroné du postulat de base de la société Canal +, tenant au caractère indissociable des lots, rendait inopérants ses arguments tenant à l'évolution des conditions de concurrence et au montant élevé des enchères de la société Mediapro en 2018, la cour d'appel a néanmoins analysé et rejeté ces arguments.
17. Dès lors, la quatrième branche du moyen, qui s'attaque à des motifs erronés mais surabondants, est inopérante.
18. En troisième lieu, après avoir constaté qu'en 2018, la séquence d'attribution des trois premiers lots avait porté successivement sur le lot 1 puis le lot 2 et enfin le lot 3, aboutissant à l'attribution des lots 1 et 2 à la société Mediapro et du lot 3 à la société beIN Sports, cette attribution étant suivie d'une sous-enchère organisée entre les attributaires des lots 2 et 3, à l'issue de laquelle la société beIN Sports a remporté les groupes de matchs A et C et la société Mediapro les groupes de matchs B et D, l'arrêt, répondant à l'allégation du caractère indissociable des lots 1, 2 et 3, rappelle d'abord que, conformément aux dispositions des articles L. 333-2, R. 333-2 et R. 333-3 du code du sport, les droits de diffusion télévisuelle des matchs de Ligue 1 sont commercialisés par lots distincts dont le nombre et la constitution doivent tenir compte des caractéristiques objectives des marchés sur lesquels ils sont proposés selon une procédure d'appel à candidatures publique et qu'il résulte de ces exigences légales que chacun des lots doit être constitué de telle sorte qu'il présente un intérêt propre, doté d'une attractivité autonome et susceptible d'intéresser les diffuseurs.
19. Il ajoute que le mécanisme d'enchères successives, qui permet aux opérateurs qui n'ont pas été le mieux disant sur le lot 1 d'ajuster leur offre sur les lots 2 puis 3, comme a pu le faire la société beIN Sports, favorise l'attribution de lots à des opérateurs différents et s'inscrit ainsi dans l'objectif poursuivi par le législateur sans avoir pour effet de créer un lien indissociable entre les lots. Il retient encore que le point d'étape prévu après l'attribution des lots 1, 2 et 3, consistant à vérifier si la somme des trois offres mieux-disantes couvre la somme des prix de réserve individuel (PRI) de chacun de ces lots, qui a pour finalité d'apprécier la viabilité économique pour la LFP du montant des attributions, n'est pas davantage de nature à créer un lien d'indivisibilité entre ces trois lots.
20. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui a répondu, en l'écartant, au moyen prétendument délaissé visé à la dixième branche dès lors que la sous-enchère organisée entre les attributaires des lots 2 et 3 participait du mécanisme d'enchères successives dont elle a expressément retenu qu'il n'avait pas eu pour effet de créer un lien indissociable entre les lots 1, 2 et 3, a pu exclure un lien d'interdépendance ou d'indivisibilité entre ces lots.
21. Les huitième et dixième branches du moyen ne sont donc pas fondées.
22. En quatrième lieu, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, pour que les conditions d'application de l'article 102, second alinéa, sous c), du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) soient remplies, il faut qu'il soit constaté non seulement que le comportement d'une entreprise en position dominante sur le marché est discriminatoire, mais également qu'elle tend à fausser le rapport de concurrence, c'est-à-dire à entraver la position concurrentielle de certains des partenaires commerciaux de cette entreprise par rapport aux autres (CJUE, arrêt du 19 avril 2018, MEO ¿ Serviços de Comunicações e Multimédia, C-525/16, point 25). Il en résulte que le seul constat d'un désavantage affectant un opérateur est insuffisant à caractériser un abus de position dominante par discrimination et n'est pas davantage suffisant, à lui seul, à établir la vraisemblance d'un tel abus.
23. Le moyen, pris en sa troisième branche, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
24. En cinquième lieu, l'arrêt retient, d'abord, que l'évolution des conditions de concurrence sur le marché explique pour une large part la situation prétendument défavorable invoquée par la société Canal+ et que, si la LFP est responsable des conditions d'attribution des droits de retransmission des matchs de Ligue 1, elle n'est pas responsable de cette évolution.
25. Il retient, ensuite, que la circonstance, invoquée dans sa saisine de l'Autorité par la société Canal +, qu'elle supportait alors la charge du lot 3, n'est pas pertinente pour apprécier l'existence d'une différence de traitement dès lors, d'une part, que sa décision d'acquérir la licence de ce lot auprès de la société beIN Sports a été librement prise par elle plus de vingt mois après l'attribution de ce lot, en vue de limiter le risque de perte d'abonnés, puisque, par son choix de porter des enchères basses sur les lots 2 et 3, elle n'avait acquis aucun lot en 2018, d'autre part, que le fait de disposer d'un budget suffisant pour se porter acquéreur des lots restitués par la société Mediapro n'était pas propre à la société Canal +, les autres diffuseurs étant confrontés à la même situation.
26. En l'état de ces constatations et appréciations, d'où il ressort que la LFP, en ne remettant pas en concurrence le lot 3, n'était pas à l'origine du désavantage concurrentiel prétendument subi par la société Canal +, la cour d'appel a pu retenir le caractère insuffisamment probant des éléments invoqués à l'appui de la saisine dénonçant un abus de position dominante de la LFP par discrimination entre les candidats.
27. Inopérant en sa neuvième branche, qui critique des motifs surabondants, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.
28. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 102, sous c), du TFUE, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suggérée par la société Canal +.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
29. La société Canal + fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que lorsque la partie saisissante dénonce des faits constitutifs selon elle d'un abus de position dominante, il lui appartient d'apporter des éléments suffisamment probants permettant de rendre vraisemblable un tel abus ; que, dans cette perspective, il appartient à l'auteur de la saisine d'apporter des éléments rendant vraisemblable une pratique anticoncurrentielle, sans que l'Autorité puisse exiger de lui la preuve de cette pratique ; qu'il appartient au juge saisi du recours contre la décision de l'Autorité rejetant la saisine de contrôler que cette dernière a mis en oeuvre le standard de preuve adéquat, sans faire peser sur l'auteur de la saisine, sous couvert d'exigence d'éléments rendant vraisemblable la pratique anticoncurrentielle alléguée, la preuve même de cette pratique ; que pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance, par l'Autorité, du standard de preuve applicable, s'agissant de l'imposition, par la LFP, de conditions de transaction inéquitables, la cour d'appel a relevé que l'Autorité avait considéré que "la saisine ne justifie (?) pas d'éléments suffisamment probants de nature à établir l'existence d'un abus de position dominante résultant de l'imposition de conditions de transaction inéquitable" ; qu'en se déterminant ainsi, quand il ressortait précisément des motifs cités que l'Autorité avait exigé de la société Canal + la production d'éléments établissant l'existence d'un abus de position dominante, sans se borner à exiger la production d'éléments rendant simplement vraisemblable un tel abus, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a validé à tort l'application par l'Autorité d'un standard de preuve excessif et erroné, a violé l'article L. 462-8 du code de commerce ;
2°/ que l'Autorité peut rejeter toute saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; que, dans cette perspective, il appartient à l'auteur de la saisine d'apporter des éléments rendant vraisemblable une pratique anticoncurrentielle, sans que l'Autorité puisse exiger de lui la preuve de cette pratique ; que, dans ce cadre, l'Autorité ne saurait rejeter la saisine au motif que la pratique dénoncée serait justifiée, c'est-à-dire nécessaire et proportionnée, l'existence d'une justification ne pouvant être appréciée que dans le cadre d'un contrôle approfondi ; que pour rejeter le recours, la cour d'appel a retenu que pour apprécier l'existence d'un comportement abusif, en particulier le caractère inéquitable de conditions de transaction au sens de l'article 102 du TFUE, la jurisprudence requiert d'examiner si l'entreprise en position dominante a agi dans une mesure raisonnable, c'est-à-dire si son comportement était à la fois nécessaire et proportionné à l'objectif poursuivi, pour ensuite juger, par adoption des motifs de l'Autorité, que la décision de la LFP de ne pas remettre en vente le lot 3 apparaissait, en l'état des éléments produits, à la fois nécessaire et proportionnée dès lors que le contrat portant sur ce lot était en cours d'exécution, que la LFP n'avait aucune obligation de résilier ni aucun intérêt à le faire, les échéances de prix de ce contrat étant alors sa principale source de revenus ; qu'en statuant ainsi, quand était seulement en question la vraisemblance d'un abus de position dominante, ce qui excluait à ce stade la prise en compte de la justification d'un tel abus, ne pouvant relever que d'un contrôle plus approfondi, la cour d'appel a mis en oeuvre une méthodologie viciée et violé l'article L. 462-8 du code de commerce ;
3°/ que s'il est loisible au juge saisi d'un recours contre un jugement d'adopter les motifs de la décision entreprise, précise et circonstanciée et donc elle-même suffisante, dès lors que cette adoption de motifs s'accompagne d'une analyse en fait et en droit des éléments de l'affaire et qu'aucun moyen nouveau n'est invoqué, la cour d'appel de Paris saisie d'un recours en annulation d'une décision de l'Autorité, statuant comme juge de plein contentieux de premier et dernier ressort, ne saurait adopter les motifs de la décision administrative déférée devant elle pour rejeter le recours en annulation formé contre celle-ci ; qu'en l'espèce, pour rejeter le recours en annulation formé par la société Canal + contre la décision de l'Autorité du 11 juin 2021, la cour d'appel a retenu que "c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que l'Autorité a retenu que la décision de la LFP de ne pas remettre en vente le lot 3 apparaissait, en l'état des éléments produits, à la fois nécessaire et proportionnée dès lors que le contrat sur ce lot était en cours d'exécution, que la LFP n'avait aucune obligation de le résilier ni aucun intérêt à le faire, les échéances de prix de ce contrat étant alors sa principale source de revenus" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a procédé par adoption des motifs de la décision administrative de l'Autorité dont l'annulation était sollicitée, sans donc donner une motivation propre à son arrêt, a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
4°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en jugeant qu'il résultait des statuts de la LFP que celle-ci avait pour "objectif de maximiser les recettes tirées de la commercialisation des droits de transmission des compétitions de football professionnel", quand lesdits statuts se bornaient à prévoir que la LFP avait pour objet la défense des intérêts matériels du football professionnel français, sans autre précision, et quand la LFP ne pouvait, aux termes clairs de ses statuts, poursuivre un objectif purement financier et devait prendre en compte d'autres impératifs, en particulier de service public ainsi que le respect des règles du droit de la concurrence, conformément aux dispositions du code du sport, la cour d'appel, qui a dénaturé les statuts de la LFP, a violé le principe susvisé ;
5°/ qu'est interdit le fait pour une entreprise placée en situation dominante d'imposer de façon directe ou indirecte des conditions de transaction non équitables ; que, pour apprécier l'existence d'un comportement abusif tenant au caractère inéquitable de certaines conditions de transaction, il appartient au juge d'examiner si l'entreprise en position dominante a agi dans une mesure raisonnable, c'est-à-dire si son comportement était à la fois nécessaire et proportionné à l'objectif poursuivi ; que, pour établir la vraisemblance de conditions de transaction inéquitables résultant d'un abus de position dominante de la part de la LFP, la société Canal + a invoqué le fait que la LFP avait profité de sa position dominante pour imposer discrétionnairement en 2021 des conditions de commercialisation des droits de Ligue restitués par la société Mediapro visant, en refusant d'y intégrer le lot 3, à conserver un prix artificiellement élevé obtenu en 2018 et donc a bénéficié de conditions supra-concurrentielles ; que la société Canal + a encore fait valoir que ces conditions de commercialisation étaient manifestement inéquitables et venaient fausser la concurrence sur le marché amont de l'acquisition des droits de Ligue 1, avec pour effet inévitable d'affecter la structure de fonctionnement de la concurrence sur le marché aval de la distribution des chaînes de télévision payante ; que la société Canal + a, en ce sens, souligné que l'appel à candidatures 2021 était resté infructueux compte tenu de l'évolution très nettement à la baisse des droits de retransmission en cause au regard des montants artificiellement élevés atteints en 2018, ce qui avait finalement donné lieu à une attribution à la société Amazon des lots restitués par la société Mediapro pour un montant trois fois inférieur à celui atteint en 2018, avec pour résultat que la société Amazon avait ainsi pu acquérir les droits de diffusion de 80 % des matchs de Ligue 1, dont les dix meilleurs matchs de la saison, pour un montant de 250 millions par an, là où la société Canal +, au titre du lot 3 non remis en concurrence, ne peut proposer que 20 % des matchs pour un coût de 332 millions par an, ce qui aboutit à un prix par match six fois supérieur pour la société Canal +, avec les effets anticoncurrentiels manifestes induits ; que la société Canal + en concluait que la LFP, qui ne pouvait ignorer les effets de sa décision de ne pas remettre en concurrence le lot 3, dont le prix atteint en 2018 était, compte tenu des modalités d'attribution alors décidées par la LFP, fortement interdépendant de celui des autres lots acquis par la société Mediapro et ne correspondait absolument plus aux conditions du marché, avait imposé des conditions inéquitables et abusé de sa position dominante afin de continuer à bénéficier du prix artificiellement élevé du lot 3 atteint en 2018, sans égard pour les effets inéquitables et anticoncurrentiels majeurs au détriment de la société Canal + ; que la cour d'appel a, pour sa part, relevé la position dominante de la LFP sur le marché des droits de retransmission audiovisuelle des matchs de Ligue 1 ainsi que la responsabilité particulière que cela lui conférait ; qu'elle a par ailleurs admis que les "conditions du marché avaient (?) sensiblement évolué à la baisse" entre les deux appels à candidatures et que le mécanisme d'enchères successives en 2018 avait pu produire un "effet inflationniste", c'est-à-dire une survalorisation des lots ; que, pour écarter néanmoins le grief tiré de l'imposition de conditions de transaction inéquitables en raison du refus de la LFP de remettre en concurrence le lot 3 à l'occasion de l'appel à candidatures de 2021, la cour d'appel a cependant relevé que la défaillance de la société Mediapro privait la LFP de sa principale source de revenus et qu'à la suite de cette défaillance, le lot 3 exploité par la société Canal + constituait alors sa principale source de revenus et servait de garantie au prêt qu'elle avait souscrit pour couvrir le défaut de paiement de la société Mediapro ; qu'en se déterminant par de tels motifs, sans mettre en balance les effets ainsi recherchés par la LFP dans l'exercice de son monopole et de sa position dominante, tenant essentiellement à la nécessité de pallier les conséquences financières pour elle de la défaillance de la société Mediapro et de l'absence de garanties suffisantes fournies par cette dernière, avec les conséquences néfastes manifestes pour la société Canal + et plus généralement pour le respect de la concurrence sur le marché amont de l'acquisition des droits et le marché aval de la télévision payante, compte tenu de la distorsion de conditions d'attribution en 2018 et en 2021, la cour d'appel, qui n'a nullement fait ressortir que l'exclusion du lot 3 de la procédure d'appel à candidatures lancée en 2021 était proportionnée à l'objectif de maximisation des recettes de retransmission poursuivi par la LFP, n'a pas caractérisé l'absence de caractère vraisemblable d'une décision disproportionnée de la LFP et donc d'un abus, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE ;
6°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que, contrairement à ce que soutenait la société Canal + dans ses écritures, l'avis du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) du 7 avril 2021 ne s'était pas prononcé sur le caractère inéquitable de la décision de la LFP de ne pas remettre en cause le contrat portant sur le lot 3, quand ledit avis soulignait expressément que "la stratégie mise en oeuvre par la LFP, lors des derniers appels d'offres, visant à maximiser la valeur des droits de diffusion de la Ligue 1 sans pour autant porter une attention suffisante aux risques associés à cette stratégie, a conduit à une déstabilisation du modèle économique des acteurs (tant sportifs qu'audiovisuels), du marché de la télévision payante (avec notamment une recrudescence du piratage) et, in fine, des téléspectateurs. (?) Le Conseil estime très souhaitable que, dans l'intérêt des téléspectateurs et du secteur, la LFP organise le plus rapidement possible les modalités d'attribution des droits de la Ligue 1 dans des conditions équitables pour les saisons 2021-2024, afin de donner aux acteurs la visibilité dont ils ont besoin pour construire leurs offres", soulignant ainsi le caractère inéquitable de la procédure suivie par la LFP lors de l'appel à candidatures 2021, la cour d'appel, qui a dénaturé l'avis du CSA, a violé le principe susvisé ;
7°/ que l'Autorité recueille l'avis du CSA - devenu l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique - sur les pratiques anticoncurrentielles dont elle est saisie dans les secteurs de la radio, de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande ; que le CSA lui transmet ses observations dans le délai d'un mois suivant la réception de la communication de la saisine ; qu'en l'absence de dispositions limitant l'étendue de ces observations, le CSA peut donner son avis sur le caractère équitable ou non de certaines conditions de transaction imposées par une entreprise placée en position dominante ; qu'en jugeant, pour écarter la contestation de la société Canal + portant sur l'existence de conditions de transaction inéquitables, qu'il n'entrait pas dans les attributions du CSA de se prononcer sur le caractère inéquitable de la décision de la LFP de ne pas remettre en cause le contrat portant sur le lot 3, quand le CSA disposait d'un tel pouvoir, en l'absence de disposition limitant le champ de l'avis rendu par le CSA, la cour d'appel a violé l'article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986, ensemble l'article R. 463-9 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
30. En premier lieu, l'arrêt rappelle que si les parties saisissantes n'ont pas à apporter la preuve des pratiques anticoncurrentielles qu'elles invoquent, il leur appartient néanmoins d'apporter des éléments de nature à rendre vraisemblables les atteintes à la concurrence alléguées, faute de quoi, leur saisine peut être rejetée par l'Autorité en application de l'article L. 462-8 du code de commerce. Il souligne que lorsque la partie saisissante dénonce des faits constitutifs, selon elle, d'un abus de position dominante par imposition de conditions de transaction inéquitables, il lui appartient d'apporter des éléments suffisamment probants permettant de rendre vraisemblable l'infraction dénoncée, en particulier le caractère inéquitable des conditions de transaction qui en constitue un de ses éléments. Rappelant encore que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, l'existence d'une position dominante ne prive pas une entreprise se trouvant dans cette position ni du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont attaqués, ni de la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts commerciaux (CJUE, arrêt du 14 février 1978, United Brands Company et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, point 189), il ajoute que, pour apprécier le caractère inéquitable de conditions de transaction au sens de l'article 102 du TFUE, il y a lieu d'examiner si l'entreprise en position dominante a agi dans une mesure raisonnable, c'est-à-dire si son comportement était à la fois nécessaire et proportionné à l'objectif poursuivi.
31. Il retient qu'en considérant qu'aucun des éléments analysés n'était « susceptible de démontrer » que la décision de la LFP de ne pas remettre en concurrence le lot 3 « caractérise l'existence de conditions de transaction inéquitables » à l'encontre de la société Canal +, l'Autorité s'est bornée à relever que les éléments de la saisine n'étaient pas suffisants pour rendre vraisemblable l'infraction dénoncée.
32. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a, nonobstant les motifs surabondants figurant au paragraphe 125 de la décision de l'Autorité, exactement retenu que cette dernière n'avait pas exigé de la société Canal + qu'elle rapporte la preuve d'une pratique d'abus de position dominante par imposition de conditions de transaction inéquitables.
33. La première branche du moyen n'est donc pas fondée.
34. En deuxième lieu, l'existence d'une position dominante ne prive une entreprise placée dans cette position ni du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont attaqués, ni de la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts commerciaux.
35. Il s'ensuit que les conditions de transaction imposées par une entreprise en position dominante ne présentent un caractère inéquitable que si celle-ci n'a pas agi dans une mesure raisonnable.
36. Dès lors, la partie saisissante doit étayer sa saisine d'éléments suffisamment probants de nature à démontrer que l'entreprise en position dominante n'a pas agi dans une mesure raisonnable, c'est-à-dire que son comportement n'était ni nécessaire ni proportionné à l'objectif poursuivi.
37. La deuxième branche, qui postule le contraire, n'est donc pas fondée.
38. En troisième lieu, la cour d'appel ne s'est pas exclusivement fondée sur les motifs de la décision de l'Autorité pour retenir que les éléments de la saisine n'étaient pas suffisants pour rendre vraisemblable l'infraction dénoncée.
39. La troisième branche, qui manque en fait, n'est donc pas fondée.
40. En quatrième lieu, après avoir relevé que, conformément à l'article 5 de ses statuts, la LFP a le pouvoir de financer « toutes opérations ou toutes actions aptes à développer les ressources du football professionnel dans le but d'en assurer la promotion », c'est sans dénaturer ces statuts, dont l'article 4 énonce que la LFP « assure également la défense des intérêts matériels et moraux du football professionnel », que l'arrêt retient que la défense des intérêts matériels du football professionnel français comprend l'objectif de maximiser les recettes tirées de la commercialisation des droits de transmission des compétitions de football professionnel, dont la LFP a le mandat exclusif.
41. Le grief de la quatrième branche n'est donc pas fondé.
42. En cinquième lieu, après avoir rappelé à juste titre que le CSA n'avait pas compétence pour se prononcer sur l'existence d'une violation aux dispositions de l'article 102 du TFUE, c'est sans dénaturer l'avis de ce Conseil du 7 avril 2021, se bornant à souhaiter que la LFP organise le plus rapidement possible les modalités d'attribution des droits de la Ligue 1 dans des conditions équitables pour les saisons 2021-2024, que l'arrêt retient qu'il ne se prononce pas sur le caractère équitable des conditions de transaction ayant abouti à l'attribution, en 2018, du lot 3 à la société beIN Sports.
43. Les griefs des sixième et septième branches ne sont donc pas fondés.
44. En dernier lieu, l'arrêt retient que si l'objectif de maximisation des recettes tirées de la commercialisation des droits de transmission des compétitions de football professionnel, n'est pas incompatible avec l'obligation pour la LFP de commercialiser les droits de retransmission dans le respect des règles de la concurrence, il doit être poursuivi de manière proportionnée en raison de la position dominante de cette dernière sur ce marché et de la responsabilité particulière qui en découle.
45. Il retient encore que la défaillance de la société Mediapro privait la LFP, et partant les clubs professionnels, de sa principale source de revenus dans un contexte de crise sanitaire ayant conduit à une de baisse importante des recettes issues de la billetterie ou du sponsoring, et que le lot 3 constituait sa principale source de revenus et servait de garantie au prêt souscrit pour couvrir ce défaut de paiement.
46. Il ajoute que la part des droits audiovisuels est prépondérante dans les recettes du football professionnel et que ces droits représentent près de 48 % des revenus des clubs professionnels, hors ressources tirées des transferts des joueurs, et qu'une partie des recettes perçues par la LFP au titre des droits audiovisuels est destinée à financer le football amateur, et ce, conformément au principe de solidarité entre les deux secteurs d'activité, édicté à l'article L. 133-33 du code du sport.
47. Il estime encore que la délégation de service public dont bénéficie la LFP n'est pas incompatible avec la recherche de maximisation des recettes, laquelle entraîne mécaniquement une plus grande contribution du secteur professionnel au secteur amateur, participant ainsi au développement de ce dernier, lequel entre dans la mission de la FFF, telle que définie à l'article L. 131-19 du code du sport.
48. Il relève enfin que le contrat portant sur le lot 3, dont le défaut de remise en concurrence est critiqué, était en cours d'exécution et que la LFP n'avait aucun intérêt à le résilier, les échéances de prix résultant de ce contrat étant alors sa principale source de revenus.
49. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a légalement justifié son constat que les éléments de la saisine, et en particulier ceux tenant au contexte dans lequel la décision de l'Autorité avait été prise, n'étaient pas de nature à rendre vraisemblable un abus de position dominante par l'imposition de conditions de transaction non équitables.
50. Le grief de la cinquième branche n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupe canal + aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Groupe canal + et la condamne à payer au président de l'Autorité de la concurrence la somme de 10 000 euros et à la société Filiale LFP 1 la somme de 10 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille vingt-quatre.