LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 septembre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 907 F-D
Pourvoi n° B 23-17.688
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
M. [H] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 23-17.688 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2022 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Royal buffet, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [F], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Royal buffet, après débats en l'audience publique du 3 juillet 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 15 décembre 2022), M. [F] a été engagé en qualité de cuisinier par la société Royal buffet selon contrat de travail à durée déterminée du 22 mars 2019.
2. Le 3 juillet 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes principales et subsidiaires relatives au caractère abusif de la rupture de son contrat à durée déterminée survenue le 2 mai 2019 et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de la relation de travail.
Examen du moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à faire juger que la rupture de son contrat de travail à durée déterminée est abusive et de ses demandes en paiement de diverses sommes à ce titre, alors « qu'en tout état de cause le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que la déclaration d'appel ne mentionnait pas le chef du jugement ayant dit que le contrat du salarié était requalifié en contrat à durée indéterminée critiqués et qu'en conséquence les demandes de celui-ci au titre de la rupture abusive du contrat à durée déterminée sont sans objet et seront en conséquence rejetées, sans inviter au préalable les parties à faire valoir leurs observations sur le contenu et la portée de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
4. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
5. Pour dire que la cour d'appel n'est pas saisie du chef du jugement relatif à la requalification du contrat à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et rejeter les demandes afférentes au caractère abusif de la rupture du contrat à durée déterminée, l'arrêt retient que dans le dispositif de ses conclusions comme dans l'acte d'appel, le salarié a omis de demander l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a requalifié le contrat à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, que l'employeur demande la confirmation du jugement et que dans ces conditions, dès lors qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a requalifié le contrat de travail en un contrat de travail à durée indéterminée, de sorte que les demandes du salarié au titre de la rupture abusive du contrat à durée déterminée sont sans objet.
6. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée emporte la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif de l'arrêt requalifiant le contrat à durée déterminée du salarié en contrat à durée indéterminée, disant que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur au paiement de diverses sommes au titre de la requalification, de l'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
8. Elle n'emporte, en revanche, pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. [F] tendant à faire juger que la rupture de son contrat de travail à durée déterminée est abusive et ses demandes en paiement de diverses sommes à ce titre, en ce qu'il requalifie le contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Royal buffet au paiement de diverses sommes au titre de la requalification, de l'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, l'arrêt rendu le 15 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la société Royal buffet aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Royal buffet et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.