LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 septembre 2024
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 299 F-D
Pourvoi n° T 23-11.539
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Lorraine, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 23-11.539 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2022 par la cour d'appel de Nancy (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [W] [I] [J] [X], domicilié [Adresse 2] (Luxembourg),
2°/ à Mme [K] [T] [E], domiciliée [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Peyregne-Wable, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Lorraine, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [T] [E],après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Peyregne-Wable, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 8 décembre 2022), le 2 mai 2007, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Lorraine (la banque) a accordé à M. [J] [X] et Mme [T] [E] (les emprunteurs) un prêt immobilier.
2. A la suite de la défaillance des emprunteurs dans le remboursement du prêt, la banque leur a notifié la déchéance du terme par lettres du 15 mai 2019, puis les a assignés en paiement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de dire irrecevable comme prescrite son action, alors :
« 1°/ que les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer les termes clairs et précis des documents de la cause ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable comme étant prescrite l'action en paiement de la banque contre M. [W] [I] [J] [X], que ce n'était que le 16 octobre 2021 que la banque avait fait assigner M. [W] [I] [J] [X] en paiement, quand l'assignation en paiement devant le tribunal de grande instance de Val de Briey que la banque avait fait signifier à M. [W] [I] [J] [X] datait du 23 octobre 2019, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'assignation devant le tribunal de grande instance de Val de Briey, signifiée le 23 octobre 2019, à M. [W] [I] [J] [X], en violation des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile et du principe selon lequel les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer les termes clairs et précis des documents de la cause ;
2°/ que les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer les termes clairs et précis des documents de la cause ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable comme étant prescrite l'action en paiement de la banque contre Mme [K] [B] [T] [E], que ce n'était que le 24 octobre 2021 que la banque avait fait assigner Mme [K] [B] [T] [E] en paiement, quand l'assignation en paiement devant le tribunal de grande instance de Val de Briey que la banque avait fait signifier à Mme [K] [B] [T] [E] datait du 24 octobre 2019, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'assignation devant le tribunal de grande instance de Val de Briey signifiée, le 24 octobre 2019, à Mme [K] [B] [T] [E], en violation des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile et du principe selon lequel les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer les termes clairs et précis des documents de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
4. Pour déclarer prescrite l'action de la banque, l'arrêt retient que les emprunteurs ont cessé de rembourser leur prêt à compter du 15 novembre 2017, que la banque a prononcé la déchéance du terme par lettres du 15 mai 2019 réitérées le 30 septembre 2019 et qu'elle n'a assigné les emprunteurs en paiement que les 16 et 24 octobre 2021.
5. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des actes de la procédure que les assignations en paiement avaient été signifiées les 23 et 24 octobre 2019 respectivement aux emprunteurs, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy autrement composée ;
Condamne in solidum M. [J] [X] et Mme [T] [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.