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12/09/2024 | FRANCE | N°22400746

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 septembre 2024, 22400746


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 septembre 2024








Rejet




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 746 F-B


Pourvoi n° C 22-12.740








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________





ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 SEPTEMBRE 2024


1°/ la société Melchior, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 septembre 2024

Rejet

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 746 F-B

Pourvoi n° C 22-12.740

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 SEPTEMBRE 2024

1°/ la société Melchior, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nouméa en date du 17 mars 2023,

2°/ la société Mary Laure Gastaud, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Melchior,

ont formé le pourvoi n° C 22-12.740 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel de Nouméa (chambre sociale), dans le litige les opposant à la caisse de compensation des prestations familiales des accidents du travail et de prévoyance, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Mary Laure Gastaud, en qualité de liquidateur de la société Melchior, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la caisse de compensation des prestations familiales des accidents du travail et de prévoyance, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à la société Mary Laure Gastaud de sa reprise d'instance en sa qualité de liquidateur de la société Melchior.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 25 novembre 2021), la société Melchior (la société) a relevé appel, le 16 décembre 2019, d'un jugement d'un tribunal du travail qui a rejeté son opposition et validé une contrainte de la caisse de compensation des prestations familiales des accidents du travail et de prévoyance (la CAFAT).

3. Un conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel de la société, par une ordonnance que cette dernière a déférée à la cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première banche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 mai 2021, ayant déclaré irrecevable l'appel qu'elle a formé le 16 décembre 2019, et de dire n'y avoir lieu à poser la question préjudicielle au tribunal administratif de Nouméa portant sur la légalité des articles 10 et 11 du décret n° 57-246 du 24 février 1957, alors « que l'article 11 du décret n° 57-246 du 24 février 1957 relatif au recouvrement des sommes dues par les employeurs aux caisses de compensation des prestations familiales disposait que l'appel des décisions rendues par le tribunal du travail était introduit par déclaration orale ou écrite faite au secrétaire du tribunal du travail ; que cette disposition a été implicitement abrogée par l'article 887-6, alinéa 2, du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, issu de la délibération n° 188/ CO du 26 mai 2003 instituant le livre 1er du titre IV du livre 2ème du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, intitulé « dispositions particulières aux juridictions statuant en matière sociale », qui dispose désormais, en contradiction avec les dispositions susvisées, qu'en matière de sécurité sociale, l'appel est formé au greffe de la cour d'appel de Nouméa, par voie de requête ; qu'en décidant néanmoins que l'article 11 du décret n° 57-246 du 24 février 1957 était toujours en vigueur, pour en déduire que l'appel formé au greffe de la cour d'appel de Nouméa était irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 879-2 et 887-6 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, ensemble les articles 10 et 11 du décret n° 57-246 du 24 février 1957 relatif au recouvrement des sommes dues par les employeurs aux caisses de compensation des prestations familiales. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article 22, 18°, de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, modifiée par l'article 2 de la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009, relative à la Nouvelle-Calédonie, que la procédure civile relève de la compétence de la Nouvelle-Calédonie.

6. Selon l'article 222, I et II, de la loi organique précitée, les dispositions législatives et réglementaires en vigueur en Nouvelle-Calédonie à sa date de promulgation et qui ne lui sont pas contraires demeurent applicables. Les lois, ordonnances et décrets intervenus dans les matières qui relèvent désormais de la compétence des autorités de la Nouvelle-Calédonie ou des provinces peuvent être modifiés par leurs institutions dans les conditions et selon les procédures prévues par la loi organique.

7. Selon l'article 4 de la délibération n° 118/CP du 26 mai 2003, qui a institué le livre Ier et le titre IV du livre II du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, à compter du 1er juillet 2003, sont abrogés :
1 - toutes les dispositions du code de procédure civile rendues applicables en Nouvelle-Calédonie par arrêté gubernatorial du 17 octobre 1862 modifié qui sont contraires au présent code ;
2 - le décret modifié du 17 avril 1928 à l'exception des articles 40, 40-2, 40-3, 40-4, 76-2 alinéa 1, 76-3 à 82, 83-3, 110, 110-1, 111-7, 111-8, 112, 124, 125 et 128 ;
3 - les articles 113, à l'exception du second alinéa, 114, 115 et 116 de l'ordonnance du 13 novembre 1985.

8. Il résulte de l'article 887-6 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, que l'appel contre les décisions du tribunal du travail statuant en matière sociale est formé au greffe de la cour d'appel par requête de la partie ou de l'un des mandataires énumérés à l'article 881-1.

9. Selon l'article 11 du décret n° 57-246 du 24 février 1957 modifié, relatif au recouvrement des sommes dues par les employeurs aux caisses de compensation des prestations familiales installées dans les territoires d'Outre-mer, l'appel des décisions du tribunal du travail prononcées dans cette matière est introduit par déclaration orale ou écrite faite au secrétaire du tribunal du travail.

10. L'arrêt relève, d'une part, que l'article 4 de la délibération n° 118/CP du 26 mai 2003 n'a pas expressément abrogé les articles 10 et 11 du décret n° 57-246 du 24 février 1957, d'autre part, que ces dispositions ont un domaine d'application spécifique, le recouvrement des sommes dues par les employeurs aux caisses de compensation de prestations familiales, et que le texte spécial dérogeant au texte général, il n'y a pas eu d'abrogation implicite de ces dispositions par la délibération n° 118/CP du 26 mai 2003.

11. De ces constations et énonciations la cour d'appel a exactement déduit que l'appel des décisions prononcées en cette matière était formé dans les conditions et délai qu'ils prévoient.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

13. La société fait le même grief à l'arrêt, alors « que, le juge administratif est seul compétent pour statuer, par voie de question préjudicielle, sur la légalité d'un acte réglementaire, dès lors que celle-ci présente une contestation sérieuse ; que la légalité de l'article 11 du décret n° 57-246 du 24 février 1957 relatif au recouvrement des sommes dues par les employeurs aux caisses de compensation des prestations familiales, est sérieusement contestable, en ce que cet article comporte des dispositions de procédure civile relatives à l'appel en matière de sécurité sociale, tandis que la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 et la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, ont donné une compétence exclusive à la Nouvelle-Calédonie en matière de procédure civile et que celle-ci a exercé cette compétence, en adoptant la délibération n° 188/ CO du 26 mai 2003 instituant le livre 1er de le titre IV du livre 2ème du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ; qu'en décidant le contraire, pour refuser de surseoir à statuer et de saisir la juridiction administrative d'une question préjudicielle portant sur la légalité de l'article 11 du décret n° 57-246 du 24 février 1957, et en déclarant l'appel de la société Melchior irrecevable an application de cet article, la cour d'appel a violé l'article 11 du décret n° 57-246 du 24 février 1957 relatif au recouvrement des sommes dues par les employeurs aux caisses de compensation des prestations familiales, ensemble l'article 9 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 et l'article 22 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. »

Réponse de la Cour

14. L'article 11 du décret n° 57-246 du 24 février 1957 a été pris sur le fondement des articles 3 et 4 de la loi n° 56-619 du 23 juin 1956 autorisant le Gouvernement à mettre en oeuvre les réformes et à prendre les mesures propres à assurer l'évolution des territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer, dite loi-cadre Defferre.

15. Il résulte de la jurisprudence du Conseil d'Etat, que les décrets pris sur le fondement des articles 3 et 4 de la loi du 23 juin 1956 conservent valeur de loi dans une collectivité d'outre-mer s'ils ont été approuvés par le Parlement et s'ils n'ont pas été modifiés par un acte réglementaire pris par l'organe délibérant de cette collectivité (CE, 9/10 SSR, 11-03-2015, n° 382754).

16. Les dispositions de l'article 11 du décret n° 57-246 du 24 février 1957 ont été approuvées par le Parlement conformément à l'article 5 de la loi précitée du 23 juin 1956. Elles n'ont fait l'objet, en tant qu'elles s'appliquent à la Nouvelle-Calédonie, d'aucune modification par un acte de nature réglementaire pris par l'organe délibérant de cette collectivité territoriale.

17. Il en résulte que de telles dispositions ont conservé leur valeur législative.

18. Dès lors, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle a refusé de saisir la juridiction administrative de cette question préjudicielle.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Mary Laure Gastaud, en qualité de liquidateur de la société Melchior, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400746
Date de la décision : 12/09/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

OUTRE-MER

L'article 11 du décret n° 57-246 du 24 février 1957, pris sur le fondement des articles 3 et 4 de la loi n° 56-619 du 23 juin 1956, dite loi-cadre Defferre, a valeur législative. Est donc légalement justifiée la décision d'une cour d'appel qui refuse de soumettre aux juridictions administratives la question préjudicielle de la légalité de ce texte


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Noumea, 25 novembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 sep. 2024, pourvoi n°22400746


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SCP Richard, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400746
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