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11/09/2024 | FRANCE | N°52400756

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 septembre 2024, 52400756


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CL6






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 11 septembre 2024








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 756 F-D


Pourvoi n° F 22-15.020








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE F

RANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 SEPTEMBRE 2024


M. [J] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 22-15.020 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CL6

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 septembre 2024

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 756 F-D

Pourvoi n° F 22-15.020

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 SEPTEMBRE 2024

M. [J] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 22-15.020 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Nokia Networks France, société anonyme, dont le siège est Nokia Paris Saclay, [Adresse 1], anciennement Alcatel-Lucent International,

2°/ à la société Altran Connected Solutions, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Nokia Networks France, de la SCP Spinosi, avocat de la société Altran Connected Solutions, après débats en l'audience publique du 5 juin 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 septembre 2021), M. [O] a été engagé en qualité d'ingénieur par la société Alcatel, devenue, après sa fusion avec la société Lucent technologies, la société Alcatel-Lucent France. Le 31 décembre 2013, cette société a été absorbée par la société Alcatel-Lucent International, aux droits de laquelle vient la société Nokia Networks France.

2. Le 28 juin 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, en particulier un rappel de bonus « Corporate » pour l'année 2014.

3. La société Altran Connected Solutions a été appelée à l'instance.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'un rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, alors « qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1234-5 du code du travail que l'employeur a l'obligation de verser au salarié, qu'il a dispensé d'exécuter le préavis, l'intégralité de la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait travaillé au cours de cette période ; que lorsque le salarié perçoit une rémunération variable, le montant de l'indemnité compensatrice de préavis est établi par référence à la moyenne des salaires perçus au cours des douze derniers mois précédant la rupture du contrat ; qu'en se bornant, pour les débouter de leurs demandes de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, à énoncer que le rappel de bonus n'entrait pas dans le salaire perçu par ce dernier pendant l'exécution du préavis, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'indemnité compensatrice de préavis ne devait pas être calculée par référence à la moyenne des salaires perçus au cours des douze derniers mois précédant la rupture du contrat et, partant, en tenant compte du rappel de bonus ''Corporate'' 2014 qui aurait dû être versé au mois d'avril 2015, soit au cours des douze derniers mois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

7. Ayant constaté que le salarié avait quitté l'entreprise à la suite de son licenciement économique et retenu que le rappel du bonus 2014 n'entrait pas dans le salaire perçu par ce salarié pendant l'exécution du préavis, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter le montant des condamnations de la société Alcatel-Lucent International au titre du rappel de bonus pour l'année 2014, outre congés payés afférents, alors « qu'une prime payée en exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur constitue un élément de salaire obligatoire que ce dernier doit verser dans les conditions fixées par cet engagement ; que les salariés transférés en application de l'article L. 1224-1 du code du travail bénéficient des avantages collectifs applicables au sein de l'entreprise d'accueil qui est tenue à une égalité de traitement entre tous ses salariés, sans distinction selon que le statut collectif résulte d'un accord négocié ou d'un engagement unilatéral de l'employeur ; qu'en se bornant, pour refuser aux salariés transférés à la société Alcatel-Lucent International le bénéfice du taux de 12,5 % dont bénéficient les salariés de cette société effectuant un travail de valeur égal et limiter, en conséquence, la condamnation de la société Alcatel-Lucent International au titre du rappel de bonus ''Corporate'' pour l'année 2014 à une certaine somme, outre les congés payés afférents, à énoncer que ces salariés, en provenance d'entreprises différentes, bénéficient de bonus ayant une origine différente, résultant d'un engagement unilatéral de l'employeur dans le cas de la société Alcatel-Lucent France et majoritairement contractualisés dans le cas de la société Alcatel-Lucent International, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les conditions dans lesquelles cette société, qui avait elle-même reconnu dans ses écritures d'appel comme dans les documents remis aux représentants du personnel que le bonus ''Corporate'' attribué à ses salariés, dont l'existence était simplement rappelée, à titre purement informatif, dans quelques rares contrats de travail, procédait d'un engagement unilatéral, avait institué un plan annuel de rémunération variable prévoyant, en cas de réalisation d'un objectif fixé en début d'année et sauf circonstances exceptionnelles, le versement aux salariés éligibles d'un bonus calculé selon un mode prédéterminé, et s'était engagée à verser un tel bonus à ses salariés, ne caractérisaient pas un engagement unilatéral de cette société de verser ce bonus à l'ensemble de ses salariés, et dont les salariés transférés étaient également en droit de bénéficier dans les conditions fixées par cet engagement au titre de l'année 2014 jusqu'à l'entrée en vigueur de l'accord d'harmonisation applicable au 1er janvier 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, ensemble le principe d'égalité de traitement. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 1224-1 du code du travail :

9. Aux termes du premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

10. Aux termes du second, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

11. Il en résulte que l'employeur ne peut refuser aux salariés transférés le bénéfice dans l'entreprise d'accueil des avantages collectifs, qu'ils soient instaurés par voie d'accords collectifs, d'usages ou d'un engagement unilatéral de l'employeur, au motif que ces salariés tiennent des droits d'un usage ou d'un engagement unilatéral en vigueur dans leur entreprise d'origine au jour du transfert ou des avantages individuels acquis en cas de mise en cause d'un accord collectif.

12. Pour limiter la condamnation de la société Alcatel-Lucent International au paiement d'une certaine somme au titre d'un rappel de bonus « Corporate » 2014, l'arrêt retient que si le principe d'égalité de traitement peut être invoqué pour des salariés exerçant des emplois de valeur égale, les cadres et ingénieurs de la position III pouvant effectivement être considérés comme exerçant des emplois de valeur égale, il apparaît que ces salariés, en provenance d'entreprises différentes, bénéficient de bonus ayant une origine différente résultant d'un engagement unilatéral de l'employeur dans le cas de la société Alcatel-Lucent France et majoritairement contractualisés dans le cas de la société Alcatel-Lucent International.

13. Il ajoute que le nouvel employeur est légalement tenu de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qu'ils tiennent de leur contrat de travail ou des usages en vigueur au jour du transfert, cette obligation justifiant la différence de traitement qui en résulte entre les salariés en raison de leur provenance d'entreprises différentes. Il observe que l'article L. 2261-14 du code du travail accorde un délai maximum de quinze mois à l'entreprise dans le cas de transfert de salariés en provenance d'une autre entreprise, pour lui permettre de négocier avec les partenaires sociaux des accords de substitution ayant vocation à définir le cadre juridique applicable pour chacun des salariés transférés et qu'en l'espèce, un engagement unilatéral du 1er décembre 2014 a déterminé pour l'ensemble des salariés ingénieurs et cadres, un nouveau taux applicable à compter du 1er janvier 2015, soit de 10 % à objectifs atteints pour la position III A dont le salarié relève.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si les conditions dans lesquelles la société Alcatel-Lucent International avait décidé de verser, à compter du 1er janvier 2014, aux salariés de son entreprise, un bonus calculé selon un mode prédéterminé ne caractérisaient pas de sa part un engagement unilatéral, de sorte que le salarié dont le contrat de travail était transféré pouvait prétendre au bénéfice de cet avantage collectif dans les conditions fixées par cet engagement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Mise hors de cause

15. La société Altran Connected Solutions demande sa mise hors de cause sur le premier moyen de cassation, qui ne concerne que les rapports entre la société Alcatel-Lucent International et ses anciens salariés antérieurement au transfert des contrats de travail.

16. En application de l'article 625, alinéa 3, du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Altran Connected Solutions du chef de l'arrêt critiqué par le premier moyen, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite les condamnations à paiement, au profit de M. [O], de la société Alcatel-Lucent International, aux droits de laquelle vient la société Nokia Networks France, à la somme de 711,04 euros au titre du rappel de bonus pour l'année 2014, de 71,10 euros au titre des congés payés afférents et en ce qu'il statue sur les dépens et en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 30 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Met hors de cause la société Altran Connected Solutions ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Nokia Networks France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Nokia Networks France et Altran Connected Solutions et condamne la société Nokia Networks France à payer à M. [O] la somme de 300 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre, signé par elle, et en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et par le greffier de chambre, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400756
Date de la décision : 11/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 30 septembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 sep. 2024, pourvoi n°52400756


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400756
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