LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 septembre 2024
Cassation partielle
sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 459 F-D
Pourvoi n° T 22-18.550
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 SEPTEMBRE 2024
M. [V] [D], domicilié [Adresse 6], a formé le pourvoi n° T 22-18.550 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [P] [N], domiciliée [Adresse 2], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Copie Recto Verso,
2°/ à la société CM-CIC Leasing solutions, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à la société Locam, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
4°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 5], prise en qualité de liquidateur de la société Var solutions documents,
5°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 5], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Dat and T,
6°/ à la société BNP Paribas Lease Group, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [D], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Locam, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Cm-Cic Leasing Solutions, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas Lease Group, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mai 2022), les 21 mars et 11 avril 2014 la société Var solutions documents (la société VSD) a conclu avec M. [D] trois contrats de fourniture portant sur des photocopieurs, financés par trois contrats de location financière conclus avec les sociétés Locam, BNP Paribas Lease Group (la BNP LG) et GE Capital equipement finance, devenu CM-CIC Leasing solutions (la société CM-CIC).
2. Les 13 et 16 mars et 30 avril 2015, reprochant divers manquements à la société VSD, dont le non-versement d'une "participation commerciale", et se prévalant de l'inexécution d'un contrat de maintenance conclu avec la société Copie recto-verso (la société CRV), M. [D] a assigné la société VSD, la société DAT&T, sa holding et la société CRV, ainsi que les loueurs financiers, en annulation, résolution ou résiliation des contrats conclus avec la société VSD et, en conséquence, annulation ou résolution des contrats de location financière. Les sociétés Locam, BNP LG et CM-CIC se sont opposées à ces demandes et ont demandé, à titre reconventionnel, la résiliation des contrats de financement et le paiement de diverses sommes.
3. Les sociétés VSD, DAT&T et CRV ayant été mises en redressement judiciaire respectivement les 18 novembre 2014, 20 janvier 2015 et 17 février 2015, procédures ultérieurement converties en liquidations judiciaires, leurs liquidateurs, la société BR associés et M. [N] sont intervenus volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, relevé d'office
5. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles L.622-21 et L.641-3 du code de commerce et l'article 125 du code de procédure civile :
6. Il résulte de ces textes que la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, consécutive à l'ouverture d'une procédure collective, constitue une fin de non-recevoir pouvant être proposée en tout état de cause dont le caractère d'ordre public impose au juge de la relever d'office.
7. L'arrêt rejette la demande de M. [D] de résolution du contrat de fourniture conclu avec la société VSD, faute de preuve que cette société n'aurait pas respecté son engagement de participation financière.
8. En statuant ainsi sur le fond, sans relever d'office l'irrecevabilité de la demande de M. [D], formée postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire et qui tendait à la résolution du contrat de fourniture pour inexécution de l'engagement de la société VSD de lui payer une certaine somme, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Il résulte de ce qui précède que l'action introduite par M. [D] étant interdite par l'article L 622-21 du code de commerce, les demandes en résolution ou résiliation des contrats de fournitures formées contre la société VSD pour non-respect de ses engagements financiers sont irrecevables et ne peuvent plus servir de fondement aux demandes de résolution ou résiliation par voie de conséquences des contrats de financement.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées contre la société Var solutions documents, l'arrêt rendu le 5 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevables les demandes de M. [D] en ce qu'elles sont formées contre la société Var solutions documents ;
Laisse à chacune des parties les dépens par elle exposés, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre.