LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 23-83.766 F-D
N° 00936
ODVS
10 SEPTEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 10 SEPTEMBRE 2024
M. [P] [Y] et la société [1] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 11 mai 2023, qui, pour travail dissimulé et prêt illicite de main d'oeuvre, les a condamnés, le premier, à deux ans d'emprisonnement avec sursis, 8 000 euros d'amende, et trois ans d'interdiction de gérer, la seconde, à 100 000 euros d'amende et une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [P] [Y] et la société [1], les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la [2] du Sud-Ouest, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocats de l'URSSAF Midi-Pyrénées, et les conclusions de Mme Djemni-Wagner, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Suite à un contrôle de l'inspection du travail, M. [P] [Y], gérant de la société [1], ainsi que d'autres prévenus, ont été cités devant le tribunal correctionnel des chefs rappelés ci-dessus.
3. Par jugement du 28 mai 2018, le tribunal correctionnel les a déclarés coupables des faits reprochés, les a condamnés à diverses peines et a renvoyé l'affaire sur intérêts civils.
4. M. [Y] et la société [1] ont interjeté appel de la décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, le troisième moyen, pris en sa première branche et sa deuxième branche, en ce qu'elle concerne la société [1], et le quatrième moyen, pris en sa première branche
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'elle concerne M. [Y], et en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Y] à la peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis, 8 000 euros d'amende et à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale pendant 5 ans, et la société [1] à la peine de 100 000 euros d'amende et de confiscation des sommes saisies sur ses comptes bancaires pour un montant total de 618 186 euros, alors :
« 2°/ que, le montant de l'amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction ; qu'en condamnant Monsieur [Y] et la société [1] respectivement à la peine de 8 000 euros d'amende et 100 000 euros d'amende sans s'expliquer sur leurs charges, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1, 132-20 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénal ;
3°/ qu'en condamnant Monsieur [Y] à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale pour une durée de cinq ans sans avoir tenu compte ni de sa personnalité ni de sa situation matérielle, familiale et sociale, et en ne recherchant pas si l'atteinte sensible portée à ses intérêts économiques et pécuniaires était, concrètement, proportionnée à son droit au respect de ses biens, la cour d'appel n'a pas justifié ce chef de décision au regard des articles 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 130-1, 132-1, 132-19, du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
7. Pour condamner M. [Y] à 8 000 euros d'amende, l'arrêt attaqué énonce notamment que ce dernier, marié, père de quatre enfants tous à charge, déclarant percevoir un salaire mensuel de 6 000 euros, a déjà été condamné pour des faits d'infractions à la législation sur le travail et fraude fiscale.
8. Les juges ajoutent qu'il a eu une implication importante dans les faits retenus étant tout à la fois l'employeur du gérant de la société utilisée pour commettre les faits et la personne qui a mis à la disposition de ce dernier un logement pour que celui-ci y domicilie ladite société.
9. Ils en déduisent que la gravité des faits, sa personnalité et sa situation personnelle justifient le prononcé à son encontre, notamment, de la peine d'amende rappelée ci-dessus.
10. En statuant ainsi, par des motifs dont il résulte qu'elle s'est prononcée au regard des charges du prévenu, selon les indications qui ont pu apparaître au cours des débats, l'intéressé n'alléguant pas avoir fourni des éléments qui n'auraient pas été pris en compte, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales invoquées.
11. Ainsi, le grief doit être écarté.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
12. Le grief, en ce qu'il invoque pour la première fois devant la Cour de cassation le caractère disproportionné de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu par la peine d'interdiction de gérer, en violation de l'article 1er du premier protocole à la Convention européenne des droits de l'homme, nouveau et mélangé de fait est, comme tel, irrecevable.
Sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la confiscation des sommes saisies, alors :
« 2°/ que, a privé sa décision de base légale au regard des articles précités et n'a pas mis la Chambre criminelle en mesure d'exercer un contrôle utile, la cour d'appel qui, pour confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la confiscation des sommes qui portent sur l'« objet de l'infraction concernée », s'est abstenue de toute motivation à cet égard, dès lors que le jugement n'a pas établi en quoi le montant des confiscations prononcées n'outrepasserait pas le montant des droits et cotisations sociales prétendument éludés. »
Réponse de la Cour
14. Pour confirmer la peine de confiscation prononcée à l'encontre de la société [1], l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que la peine de confiscation, qui porte sur les sommes objet de l'infraction concernée, est adaptée et proportionnée, et que le montant total apparaît, au vu des éléments du dossier et des taux des cotisations, inférieur au produit apparent des infractions.
15. En statuant ainsi, et dès lors qu'elle n'était saisie d'aucune contestation du montant des salaires non déclarés ou des cotisations éludées, tels qu'estimés par le tribunal, la cour d'appel a justifié sa décision.
16. Le moyen doit être écarté.
17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [P] [Y] et la société [1] devront payer à l'URSSAF Midi-Pyrénées en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [P] [Y] et la société [1] devront payer à la [2] du Sud-Ouest en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt-quatre.