LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 23-84.215 F-D
N° 00884
GM
3 SEPTEMBRE 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 SEPTEMBRE 2024
MM. [N] [B] et [M] [L] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 30 mars 2023, qui, pour infractions aux codes des douanes et de l'environnement, les a condamnés à huit mois d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende et une amende douanière.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de M. [M] [L], les observations de la société Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [N] [B], les observations de la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction régionale des douanes et droits indirects de La Réunion, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Des agents de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement ont inspecté, à diverses reprises, une société pratiquant la collecte de déchets dangereux.
3. Lors de ces contrôles, alors que cette personne morale était successivement gérée par M. [N] [B], puis par M. [M] [L], ils ont constaté qu'elle s'apprêtait à exporter des cubes de véhicules hors d'usage compressés, non dépollués.
4. MM. [B] et [L] ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs d'exportation interdite et de gestion irrégulière de déchets, ainsi que du délit douanier d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées.
5. Cette juridiction les a déclarés coupables de ces chefs et les a condamnés, chacun, à huit mois d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende et, solidairement, à une amende douanière de 13 247 euros.
6. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le moyen proposé pour M. [L], sauf en ce qu'il concerne, en sa quatrième branche, l'amende douanière, et les premier, deuxième et troisième moyens proposés pour M. [B]
7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le quatrième moyen proposé pour M. [B] et sur le moyen proposé pour M. [L], pris en sa quatrième branche en ce qu'il vise l'amende douanière
Enoncé des moyens
8. Le moyen proposé pour M. [B] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré coupable M. [B] des faits de violation d'une prohibition légale ou réglementaire d'exportation de marchandise : fait réputé exportation sans déclaration de marchandises prohibées et l'a condamné solidairement avec M. [L] au paiement d'une amende douanière de 13 247 euros, alors que « le juge qui prononce une amende douanière en application de l'article 414 du code des douanes en répression des infractions d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées, après avoir recherché la valeur de l'objet de fraude, doit motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient ; qu'en fixant le montant de l'amende douanière infligée à M. [B] à la somme de 13 247 euros réclamée par l'administration des douanes, sans s'expliquer sur l'ampleur et la gravité de l'infraction commise, ni sur la personnalité du prévenu, qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel a violé les articles 365 et 369 du code des douanes, ensemble les articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale. »
9. Le moyen proposé pour M. [L] fait notamment grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé, solidairement avec son coprévenu, une amende douanière de 13 247 euros, alors :
« 4°/ que le prononcé d'une peine d'emprisonnement avec sursis et d'amendes doit être spécialement motivé au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en se déterminant sur la peine par des motifs généraux, sans examen précis des critères prévus par la loi, la cour a privé sa décision de motifs et a méconnu le principe d'individualisation de la peine. »
Réponse de la Cour
10. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 365, 369 du code des douanes, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale :
11. Selon le deuxième de ces textes, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, le tribunal peut réduire le montant de l'amende fiscale prononcée à l'encontre de l'auteur d'une infraction douanière jusqu'à un montant inférieur à son montant minimal.
12. Il résulte du premier et des trois derniers qu'en matière douanière, toute peine d'amende doit être motivée.
13. Il se déduit de l'ensemble de ces textes que le juge qui prononce une amende en application de l'article 414 du code des douanes en répression des infractions de contrebande et d'importation ou d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées, après avoir recherché la valeur de l'objet de fraude et fixé en conséquence les montants minimum et maximum de l'amende encourue, doit motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient.
14. Pour condamner solidairement MM. [B] et [L] au paiement d'une amende douanière de 13 247 euros, l'arrêt attaqué énonce que la déclaration d'exportation du 8 février 2018 mentionnait une valeur de 2 394 euros et celle du 21 septembre 2018 une valeur de 10 853 euros, soit une valeur de la marchandise de fraude de 13 247 euros.
15. En prononçant ainsi, par des motifs dont il se déduit qu'elle s'est considérée comme tenue de prononcer l'amende minimale encourue, et sans s'expliquer sur l'ampleur et la gravité de l'infraction commise ni sur la personnalité des prévenus, qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la condamnation solidaire de MM. [B] et [L] au paiement d'une amende douanière. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 30 mars 2023, mais en ses seules dispositions ayant condamné solidairement MM. [B] et [L] au paiement d'une amende douanière de 13 247 euros, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trois septembre deux mille vingt-quatre.