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07/08/2024 | FRANCE | N°C2401106

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 août 2024, C2401106


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° B 24-83.127 F-D


N° 01106




ODVS
7 AOÛT 2024




CASSATION SANS RENVOI




M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAM

BRE CRIMINELLE,
DU 7 AOÛT 2024






M. [D] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 17 mai 2024, qui, dans la procédure suivie...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° B 24-83.127 F-D

N° 01106

ODVS
7 AOÛT 2024

CASSATION SANS RENVOI

M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 AOÛT 2024

M. [D] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 17 mai 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de vol aggravé, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant son placement en détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [D] [G], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 août 2024 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Maziau, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 25 avril 2024, M. [D] [G] a été mis en examen des chefs susvisés.

3. Par ordonnance du même jour, le juge des libertés et de la détention a ordonné son incarcération provisoire en vue du débat contradictoire différé devant se tenir le 29 avril suivant.

4. En vue de préparer ce débat, M. [G] a sollicité que lui soit communiquée l'ordonnance relative au placement en détention provisoire d'une autre personne mise en examen. Cette demande a été rejetée par le juge des libertés et de la détention.

5. Par ordonnance du 29 avril 2024, le juge des libertés et de la détention a ordonné le placement en détention provisoire de M. [G].

6. L'intéressé a interjeté appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a a rejeté l'exception de nullité du procès-verbal de débat contradictoire et de l'ordonnance de placement en détention provisoire présentée par la défense, dit mal fondé l'appel interjeté par M. [G] et confirmé l'ordonnance en date du 29 avril 2024 par laquelle le juge des libertés et de la détention a placé M. [G] en détention provisoire, alors :

« 1°/ d'une part que le droit à un procès équitable et les principes du contradictoire et de l'égalité des armes interdisent que la défense se voie refuser, dans le cadre d'un débat relatif à la détention provisoire, la communication de pièces dont le parquet et le juge des libertés et de la détention ont connaissance ; qu'il en va ainsi, peu importe que le juge n'ait finalement pas fondé sa décision sur les éléments non-communiqués à la défense, le défaut de communication ayant en tout état de cause privé la défense de toute possibilité de puiser, comme elle l'estimait opportun, des arguments dans les pièces non-communiquées ; que font partie intégrante de la procédure les pièces relatives à la détention provisoire des autres personnes mises en examen dans la même affaire ; qu'il s'ensuit que l'absence de communication à la défense, en amont ou au cours de débat contradictoire différé relatif au placement en détention provisoire, des éléments relatifs à la détention provisoire des co-mis en examen de l'intéressé, nécessairement connus du juge des libertés et de la détention et du parquet, porte atteinte à ses intérêts, peu importe que le juge des libertés et de la détention n'ait finalement pas fondé sa décision sur les éléments non-communiqués à la défense ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que le débat contradictoire différé relatif au placement en détention provisoire de Monsieur [G] s'est tenu le 29 avril 2024, immédiatement après le débat ayant conduit au placement en détention provisoire de Monsieur [Z], également mis en examen dans la présente affaire ; que l'avocat de Monsieur [G] a alors sollicité la communication de l'ordonnance de placement en détention provisoire de Monsieur [Z], afin de pouvoir prendre connaissance de ses motifs et de préparer utilement la défense de l'exposant ; qu'il n'a pas été fait droit à cette demande ; qu'en retenant, pour refuser de constater l'atteinte au droit à un procès équitable résultant de l'inégalité des armes entre le parquet et l'exposant, que « la question de la liberté, des mesures de sûreté ou de la détention s'apprécie en fonction des éléments de fait, de personnalité et de droit propre à chaque mis en examen, et en fonction de l'état l'avancement de la procédure le concernant », la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 145, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

2°/ d'autre part que l'absence de communication à la défense, en amont ou au cours du débat contradictoire relatif au placement en détention provisoire, des éléments relatifs à la détention provisoire des co-mis en examen de l'intéressé, nécessairement connus du juge des libertés et de la détention et du parquet, porte atteinte à ses intérêts, peu important que le juge des libertés et de la détention n'ait finalement pas fondé sa décision sur les éléments non-communiqués à la défense ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que le débat contradictoire différé relatif au placement en détention provisoire de Monsieur [G] s'est tenu le 29 avril 2024, immédiatement après le débat ayant conduit au placement en détention provisoire de Monsieur [Z], également mis en examen dans la présente affaire ; que l'avocat de Monsieur [G] a alors sollicité la communication de l'ordonnance de placement en détention provisoire de Monsieur [Z], afin de pouvoir prendre connaissance de ses motifs et de préparer utilement la défense de l'exposant ; qu'il n'a pas été fait droit à cette demande ; qu'en retenant, pour refuser de constater l'atteinte au droit à un procès équitable résultant de l'inégalité des armes entre le parquet et l'exposant, que « l'ordonnance de placement en détention de [D] [G] [?] ne fait pas mention du placement en détention provisoire de M. [Z] », que « l'ordonnance entreprise ne fait ni explicitement ni même implicitement référence à l'ordonnance de placement en détention provisoire de [P] [Z] qui n'est pas une pièce propre à [D] [G] et ne se fonde donc pas sur cette pièce » et que « le moyen de nullité soulevé est sans lien avec les motifs de l'ordonnance », la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 145, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 114, 116 et 145 du code de procédure pénale :

8. Il se déduit de ces textes que l'avocat de la personne mise en examen peut accéder au dossier de l'information dans sa totalité avant le débat contradictoire préalable au placement en détention.

9. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. [G], appelant d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant ordonné son placement en détention provisoire, a déposé un mémoire dans lequel il a exposé que le débat contradictoire préalable à son placement en détention provisoire est nul, faute pour lui d'avoir eu accès à l'ordonnance de placement en détention provisoire d'une autre personne mise en examen rendue avant ce débat contradictoire.

10. Pour rejeter cette argumentation et confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, les juges énoncent notamment que la question de la liberté, des mesures de sûreté ou de la détention s'apprécie en fonction des éléments de fait, de personnalité et de droit propre à chaque personne mise en examen, et en fonction de l'état d'avancement de la procédure le concernant.

11. Ils ajoutent que l'ordonnance entreprise ne fait ni explicitement ni même implicitement référence à l'ordonnance de placement en détention provisoire de M. [P] [Z] qui n'est pas une pièce propre à M. [G] et ne se fonde donc pas sur cette pièce.

12. En se déterminant ainsi, alors qu'elle a constaté par ailleurs que, lors du débat contradictoire, l'avocat de la personne mise en examen a fait valoir qu'il avait demandé la communication de l'ordonnance de placement en détention provisoire d'une autre personne mise en examen dans la même affaire, ce qui lui a été refusé, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

13. La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

15. M. [G] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.

16. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1er, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code.

17. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [G] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi.

18. Une mesure de contrôle judiciaire est indispensable pour assurer les objectifs suivants, énumérés à l'article 144 du code de procédure pénale :

- conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité en ce que, d'une part, l'instruction débute et se poursuivra sur commission rogatoire, d'autre part, les faits apparaissent avoir fait l'objet d'une préparation (coaction, repérages, mise à disposition de moyens de télécommunication et d'arme) dont il conviendra de préciser les modalités, en outre, il importera de retrouver les sommes volées et de déterminer l'existence éventuelle de complicités, enfin, il convient de prévenir toute destruction de preuve ;

- empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille en ce que, d'une part, les victimes qui ont été menacées avec arme devront être confrontées aux mis en cause afin de permettre, le cas échéant, une éventuelle reconnaissance, d'autre part, il convient de prévenir toute pression alors que les faits concernés ont été commis avec arme ;

- empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices en ce que, d'une part, M. [G] devra être entendu par le juge d'instruction sur les éléments matériels du dossier, les versions des trois mis en cause devant être confrontées, d'autre part, il convient de prévenir toute version arrangée de la vente ;

- garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice en ce que les infractions reprochées sont de nature criminelle, M. [G], qui a été condamné par la cour d'assises des Hauts-de-Seine le 13 avril 2018 à une peine de cinq ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pour des faits de vol en bande organisée avec arme, étant en récidive de crime, encourt une peine particulièrement importante en cas de nouvelle condamnation pour les faits objets de la présente instruction et pourrait être tenté de se soustraire à la justice ;

- mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement en ce que l'intéressé a déjà été condamné par une cour d'assises ;

- mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé en ce que des faits de vol avec arme avec séquestration commis à l'encontre de plusieurs victimes, sont de nature, par leurs modalités, à troubler gravement et durablement l'ordre public.

19. Afin d'assurer ces objectifs, M. [G] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif.

20. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 17 mai 2024 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE que M. [G] est détenu sans titre depuis le 29 avril 2024, 0 heure ;

ORDONNE la mise en liberté de M. [G] s'il n'est détenu pour autre cause ;

ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [G] ;

DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes :

- ne pas sortir des limites territoriales suivantes : le département des Hauts-de-Seine, sauf rencontres avec son avocat, dûment justifiées ;

- ne pas s'absenter de son domicile qu'il convient de fixer [Adresse 1], France, entre 20 heures et 8 heures ;

- se présenter dans les 24 heures à compter de sa mise en liberté et ensuite chaque jour de la semaine, à 14 heures, au commissariat de police de [Localité 3], [Adresse 2] ;

- remettre son passeport ainsi que sa carte nationale d'identité au commissariat de police précité ;

- s'abstenir de recevoir, de rencontrer, ou d'entrer en relation, de quelque façon que ce soit, avec les personnes suivantes : MM. [U] [W] [F] et [P] [Z], ainsi que les personnes entendues dans le cadre de la présente affaire ;

- ne pas détenir ou porter une arme ;

DÉSIGNE, pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus, M. ou Mme le commissaire de police de [Localité 3] ;

DÉSIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ;

RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept août deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2401106
Date de la décision : 07/08/2024
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 17 mai 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 aoû. 2024, pourvoi n°C2401106


Composition du Tribunal
Président : M. de Larosière de Champfeu (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2401106
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