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10/07/2024 | FRANCE | N°52400777

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 52400777


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 10 juillet 2024








Cassation




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 777 F-D


Pourvoi n° Y 22-18.486








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024


Mme [L] [C], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-18.486 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2022 par la cour d'appel d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 juillet 2024

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 777 F-D

Pourvoi n° Y 22-18.486

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024

Mme [L] [C], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-18.486 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2022 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Johnson & Johnson santé beauté France, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [C], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Johnson & Johnson santé beauté France, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 14 avril 2022) et les productions, Mme [C] a été engagée par une société aux droits de laquelle vient la société Johnson et Johnson santé beauté France (la société).

2. Courant mars 2017, la société a engagé une procédure d'information-consultation des instances représentatives du personnel sur un projet de réorganisation et de licenciement collectif. A l'issue de la procédure, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi a été fixé par un accord collectif majoritaire conclu le 27 juin 2017 et validé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France le 20 juillet 2017.

3. Par lettre du 8 septembre 2017, la société a proposé à la salariée une modification de son contrat de travail pour motif économique, consistant dans le transfert de son poste au sein de l'établissement d'[Localité 3]. A cet effet, elle lui a adressé le 7 septembre une proposition d'avenant à son contrat de travail en vue de sa mobilité géographique et un formulaire de reclassement.

4. Licenciée pour motif économique le 2 janvier 2018, après qu'elle eut refusé cette modification, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour contester le motif de son licenciement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement économique est fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences du l'emploi ; que pour dire bien fondé le licenciement, l'arrêt attaqué, après avoir retenu que la cause économique devait être appréciée au niveau du secteur ''consumer'' du groupe concernant les produits d'hygiène, de beauté et d'auto médicamentation destinés au grand public, s'est fondé sur une baisse de la consommation en volume des produits hygiène et beauté de 2,5 % en 2016 et 1,8 % en 2017, en raison notamment de la concurrence des produits bio et naturel, ce qui entrainait une baisse corrélative du chiffre d'affaires et des parts de marché, sur une diminution de la part du secteur consumer dans le chiffre d'affaires global du groupe passé de 19,3 % en 2015 à 17,8 % en 2017, sur une diminution de 12 % du chiffre d'affaires en France entre 2015 et 2017 ainsi que sur un environnement concurrentiel agressif au niveau mondial notamment sur certaines catégories de produits dermo-cosmétiques ou liés à l'hygiène féminine ; que l'arrêt attaqué constate cependant que le chiffre d'affaires mondial du secteur consumer s'est maintenu autour de 13,5 milliards de dollars entre 2015 et 2017, que le taux de profitabilité avant impôts de cette activité était de 18,6 % en 2017 et que le chiffre d'affaires en France restait supérieur à 350 millions d'euros ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser une menace sur la compétitivité du secteur d'activité ''consumer'' du groupe dont relève la société Johnson & Johnson santé beauté France, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

7. Appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui était soumis, la cour d'appel a retenu, d'une part, qu'était établie une baisse de la consommation en volume des produits hygiène et beauté en raison, notamment, de la concurrence des produits bio et naturels, ce qui entraîne une baisse corrélative du chiffre d'affaires et des parts de marché et, d'autre part, qu'il existait sur ces catégories de produits un environnement mondial concurrentiel agressif.

8. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel, qui a fait ressortir une tendance structurelle justifiant une réorganisation de l'entreprise, a pu déduire que la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise, dans le secteur d'activité auquel elle appartient, était établie.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors « que, dès lors que l'obligation de reclassement ne naît qu'au moment où l'employeur envisage le licenciement du salarié, la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique ne constitue pas une offre de reclassement et le refus d'une telle proposition par le salarié ne dispense pas, de son obligation de reclassement, l'employeur qui est tenu de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé, le poste déjà proposé à titre de modification de son contrat ; que les arrêts relèvent que les salariés ont refusé la proposition de modification de leur contrat de travail pour motif économique et que l'employeur leur avait proposé d'autres postes disponibles par mails accompagnés des fiches de poste ; qu'en jugeant que l'employeur démontrait avoir bien exécuté son obligation de reclassement sans constater que les postes déjà proposés aux salariés au titre de la modification de leur contrat de travail pour motif économique leur avaient été proposés dans le cadre de l'exécution de l'obligation de reclassement, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard l'article L 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

11. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau et contradictoire avec la thèse soutenue par la salariée en cause d'appel.

12. Cependant, ce moyen qui invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même ne pouvant être décelé avant que celui-ci ne soit rendu, n'est pas nouveau.

13. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 :

14. Il résulte de ce texte que la proposition d'une modification du contrat de travail pour motif économique refusée par le salarié ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement et par suite de lui proposer éventuellement le même poste dans l'exécution de cette obligation.

15. Pour dire que l'employeur avait bien exécuté son obligation de reclassement, l'arrêt retient que l'employeur rappelle qu'il a été proposé à la salariée quatre postes disponibles au sein de sa catégorie professionnelle et qu'elle les a refusés.

16. En se déterminant ainsi, sans constater que l'employeur avait proposé à la salariée dans le cadre de l'exécution de son obligation de reclassement, les postes qu'elle avait refusés dans le cadre de la proposition de modification de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Johnson & Johnson santé beauté France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Johnson & Johnson santé beauté France et la condamne à payer à Mme [C] la somme de 200 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400777
Date de la décision : 10/07/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 14 avril 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jui. 2024, pourvoi n°52400777


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400777
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