LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 juillet 2024
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 700 F-D
Pourvoi n° Z 22-20.764
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024
Mme [R] [B], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 22-20.764 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Roxlor, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
En présence de :
la société Les Mandataires, prise en la personne de M. [T] [H], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Roxlor, dont le siège est [Adresse 1].
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [B], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Roxlor, après débats en l'audience publique du 29 mai 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Bouvier, conseiller, et Mme Aubac, greffier de la chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mme [B] de sa reprise d'instance à l'égard de la société Les Mandataires, prise en la personne de M. [H], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Roxlor.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2022), Mme [B] a été engagée le 1er mai 2001 en qualité de responsable commerciale, statut cadre, coefficient 400 de la convention collective de la chimie, par la société Roxlor (la société).
3. La salariée a été arrêtée pour raison de santé du 15 avril 2016 jusqu'en avril 2017. Déclarée inapte à la suite d'un unique examen du médecin du travail le 21 avril 2017, elle a été informée par la société de l'impossibilité de procéder à son reclassement compte tenu des préconisations du médecin du travail. Convoquée à un entretien préalable, elle a été licenciée par lettre du 22 mai 2017.
4. La salariée, qui avait saisi, le 27 juillet 2016, la juridiction prud'homale, d'une demande de résiliation judiciaire, a contesté son licenciement et a notamment demandé l'indemnisation des préjudices liés à la rupture du contrat de travail en raison d'un harcèlement moral.
Examen des moyens
Sur les premier et cinquième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande au titre du solde de l'indemnité de licenciement, alors « que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour débouter la salariée de sa demande de rappel de solde d'indemnité de licenciement, à indiquer que le jugement serait confirmé en ce qui concerne les demandes relatives à la rupture du contrat de travail, sans répondre au moyen déterminant de la salariée tiré du défaut de motif du jugement entrepris sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble 455 et 458 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. En dépit de la formule générale du dispositif qui confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes au titre des heures supplémentaires, l'arrêt ne statue pas sur sa demande au titre du solde de l'indemnité de licenciement, dans la mesure où il ne résulte pas des motifs de l'arrêt que la cour d'appel a examiné ce chef de demande.
8. L'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est donc pas recevable.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
9. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour dépassement du contingent individuel annuel d'heures supplémentaires, alors « que les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos ; que le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos a droit à l'indemnisation du préjudice subi et que cette indemnisation comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos ; qu'en l'espèce, en déboutant la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour dépassement du contingent individuel annuel d'heures supplémentaires, après avoir fait droit à l'intégralité de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, qui impliquait le dépassement du contingent individuel annuel d'heures supplémentaires en 2014 et 2015, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 3121-30 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-11 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, et l'article 8 de l'accord cadre du 8 février 1999 relatif à l'organisation et à la durée du travail rattaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952 :
10. Il résulte du premier de ces textes que toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires donne droit à une contrepartie obligatoire en repos.
11. Selon le second, le contingent individuel annuel d'heures supplémentaires prévu par l'article L. 212-6 du code du travail est fixé, dans les industries chimiques, à 130 heures par an et par salarié.
12. Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos a droit à l'indemnisation du préjudice subi et cette indemnisation comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.
13. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour dépassement du contingent individuel annuel d'heures supplémentaires, l'arrêt retient, au visa du décompte produit par la salariée un reliquat dû au titre des heures supplémentaires d'un montant de 21 022,33 euros auquel il convient d'ajouter les congés payés afférents mais énonce que les autres demandes relatives au dépassement de la durée du travail ne sont pas justifiées.
14. En statuant ainsi, alors qu'elle avait intégralement fait droit à la demande formée par la salariée au titre des heures supplémentaires, laquelle faisait valoir qu'elle en avait notamment effectué 246,75 heures pour la période du 6 janvier au 28 décembre 2014 et 199 heures pour la période du 5 janvier au 20 décembre 2015, dépassant ainsi le contingent annuel d'heures supplémentaires de 130 heures fixé par l'article 8 de l'accord cadre du 8 février 1999 susvisé, de sorte qu'elle avait droit à l'indemnisation du préjudice subi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
15. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail, alors « que la preuve du respect des durées maximales de travail fixées incombe à l'employeur ; qu'en l'espèce, en déboutant la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail, au motif que le surplus des demandes relatives au dépassement de la durée du travail n'était pas justifié, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 3121-18 et L. 3121-20 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
16. Selon ce texte, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
17. Il en résulte que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
18. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail, l'arrêt retient un reliquat dû au titre des heures supplémentaires d'un montant de 21.022,33 euros auquel il convient d'ajouter les congés payés afférents mais énonce que les autres demandes relatives au dépassement de la durée du travail ne sont pas justifiées.
19. En statuant ainsi, alors qu'elle avait intégralement fait droit à la demande formée par la salariée au titre des heures supplémentaires, laquelle faisait valoir qu'elle avait à plusieurs reprises travaillé plus de 10 heures par jour et au-delà de 48 heures par semaine et sans constater que l'employeur justifiait avoir respecté les durées maximales de travail prévues par le droit interne, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
20. La cassation des chefs de dispositif déboutant la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour dépassement du contingent individuel annuel d'heures supplémentaires et pour dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par les condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [B] de ses demandes de dommages-intérêts pour dépassement du contingent individuel annuel d'heures supplémentaires et pour dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail, l'arrêt rendu le 29 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Les Mandataires, prise en la personne de M. [H], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Roxlor, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Roxlor et condamne la société Les Mandataires, prise en la personne de M. [H], ès qualités, à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.