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04/07/2024 | FRANCE | N°32400367

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 juillet 2024, 32400367


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


JL






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 4 juillet 2024








Rejet




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 367 F-D


Pourvoi n° V 22-12.043








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024


Mme [I] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-12.043 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre)...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 juillet 2024

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 367 F-D

Pourvoi n° V 22-12.043

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024

Mme [I] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-12.043 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [T] [Z] divorcée [Y], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [H], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Z], après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur faisant fonction de doyen, Mme Abgrall, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 décembre 2021), par acte du 31 juillet 2015, Mme [H] (la promettante) a conclu avec Mme [Z] (la bénéficiaire), une promesse unilatérale de vente d'un bien immobilier, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt, au plus tard le 30 septembre 2015, d'un montant maximum de 100 000 euros remboursable en quinze ans au taux maximum de 2,20 % hors assurance.

2. L'acte prévoyait le paiement d'une indemnité d'immobilisation de 83 500 euros, dont la moitié devait être consignée entre les mains du notaire.

3. La bénéficiaire a confié à un courtier, le 6 août 2015, un mandat de recherche de prêt et, par lettre recommandée du 13 octobre 2015, a informé la promettante du refus de prêt et demandé la restitution de la somme consignée.

4. La promettante a assigné la bénéficiaire en paiement de l'indemnité d'immobilisation et de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La promettante fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer à la bénéficiaire la somme séquestrée entre les mains du notaire, avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2015 et capitalisation, et de rejetter ses autres demandes, alors :

« 1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la promesse de vente conclue entre Mme [H] et Mme [Z], le 31 juillet 2015, avait été stipulée sous la condition suspensive de l'obtention, par Mme [Z], d'un prêt bancaire d'un montant maximum de 100 000 euros remboursable en 15 ans, au taux nominal d'intérêt maximum de 2,20 % (hors assurance) et qu'aux termes de ladite promesse, Mme [Z] s'était obligée « à déposer le ou les dossiers de demande de prêt dans le délai d'un mois à compter de la signature des présentes, et à en justifier à première demande de [Mme [H]] par tout moyen de preuve par écrit » ; que pour affirmer que Mme [Z] justifiait avoir déposé des demandes de prêts conformes aux stipulations contractuelles, la cour d'appel a retenu que « si l'attestation de la société Air finance ne précise pas le taux d'intérêt sollicité à l'occasion de la demande de prêt, il résulte de la fiche de synthèse précitée, du dossier
de financement que la société Air finance atteste avoir envoyé et des courriels des deux banques établissant qu'elles ont reçu ce dossier que la demande de financement transmise par la société Air finance aux banques a été faite en fonction des informations figurant dans la fiche de synthèse, soit sur la base d'un taux d'intérêt de 2 % » ; qu'en se bornant à présumer le contenu du dossier de demande de prêt qui avait été déposé auprès de la banque, par la société Air finance pour le compte de Mme [Z], à partir de documents qui ne pouvaient pourtant se substituer au dossier effectivement déposé et dont Mme [Z] s'était obligée à justifier à première demande de Mme [H], la cour d'appel a violé, par refus d'application, la promesse de vente du 31 juillet 2015 et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que le bénéficiaire de la promesse de vente conclue sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt bancaire, qui n'a pas déposé de dossiers de demande de prêt conformes aux caractéristiques financières prévues dans la promesse, ne peut se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la promesse de vente conclue entre Mme [H] et Mme [Z], le 31 juillet 2015, avait été stipulée sous la condition suspensive de l'obtention, par Mme [Z], d'un prêt bancaire d'un montant maximum de 100 000 euros remboursable en 15 ans, au taux nominal d'intérêt maximum de 2,20 % (hors assurance) ; qu'elle a ensuite relevé qu'il ressortait des éléments versés aux débats que Mme [Z] justifiait avoir sollicité auprès de deux établissements bancaires une demande de prêt portant sur un montant de 80 000 euros et une durée de 180 mois, au taux nominal d'intérêt de 2 %, « soit très légèrement inférieur au taux de 2,20 % mentionné dans la promesse » ; qu'en affirmant, pour retenir que Mme [Z] était bien fondée à se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive stipulée dans la promesse du 31 juillet 2015, qu'elle justifiait avoir sollicité des prêts conformes aux stipulations contractuelles, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1178 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'aux termes de la promesse de vente conclue entre les parties le 31 juillet 2015, il était prévu que, pour bénéficier de la protection de la condition suspensive, Mme [Z] devait se prévaloir, au plus tard le 30 septembre 2015, du refus de sa demande de prêt bancaire ; qu'elle a ensuite relevé que « Mme [Z] ne démontr[ait] pas s'être prévalue du refus de la Société générale dans le délai prévu par la promesse qui expirait le 30 septembre 2015 puisqu'elle a[vait] attendu le 13 octobre 2015 pour le faire » ; qu'en considérant que Mme [Z] pouvait bénéficier de la protection de la condition suspensive stipulée dans la promesse et, partant, solliciter la restitution de l'acompte qu'elle avait versé entre les mains du notaire au titre de l'indemnité d'immobilisation, la cour d'appel a violé, par refus d'application, la promesse de vente du 31 juillet 2015 et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, la cour d'appel a relevé que le courtier auquel la bénéficiaire avait fait appel avait attesté du dépôt, le 6 août 2015, de deux demandes de prêt d'un montant de 80 000 euros sur quinze ans à deux établissements bancaires, que la fiche descriptive du prêt comprenait, non seulement des informations sur les ressources de l'intéressée et son projet de financement, mais aussi une synthèse reprenant les caractéristiques du prêt faisant état d'une « base taux calcul » de 2 % et que les réponses, l'une d'attente, l'autre négative, des deux banques sollicitées étaient versées au débat.

7. Elle en a souverainement déduit que la preuve du dépôt de deux demandes de prêt d'un montant de 80 000 euros sur une durée de quinze ans au taux de 2 % était rapportée.

8. En deuxième lieu, ayant constaté que le montant du prêt fixé à la somme de 100 000 euros mentionné dans la promesse constituait un maximum, que le taux de 2 % visé dans les demandes de prêts, très légèrement inférieur au taux maximum de 2,2 % mentionné dans la promesse, était accompagné de la précision suivante : « le taux indiqué sur cette synthèse est à valider par le prêteur de deniers et susceptible d'amélioration et/ou de corrélation en fonction des desiderata des partenaires et clients » et que le prêt sollicité l'était sur une durée de quinze ans, elle a pu en déduire que la demande de prêt pour un montant de 80 000 euros sur quinze ans à un taux de 2 % susceptible d'« amélioration » était conforme aux prévisions contractuelles.

9. En troisième lieu, ayant constaté que la promesse stipulait qu'à défaut de notification par la bénéficiaire du refus de prêt avant le 30 septembre 2015, la promettante pouvait mettre en demeure celle-ci de justifier sous huitaine de la réalisation ou de la défaillance de la condition suspensive et que, passé ce délai, la première ne pourrait recouvrer l'indemnité d'immobilisation qu'après justification de l'accomplissement des démarches nécessaires pour l'obtention du prêt et que la condition n'était pas défaillie de son fait, à défaut de quoi l'indemnité d'immobilisation resterait acquise à la promettante, la cour d'appel, qui a relevé, d'une part, que la promettante ne justifiait pas avoir mis en demeure la bénéficiaire, d'autre part, que celle-ci l'avait informée dans un délai assez bref après le 30 septembre 2015, des refus de prêt opposés à des demandes conformes aux stipulations contractuelles, en a exactement déduit que, la défaillance de la condition suspensive n'étant pas de son fait, la demande de la promettante tendant au paiement de l'indemnité d'immobilisation ne pouvait être accueillie.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. La promettante fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts et toutes ses autres demandes, alors « que celui qui subit un préjudice, du fait de l'attitude incohérente et déloyale adoptée par son cocontractant dans le cadre de l'exécution de la convention les liant, est fondé à en obtenir la réparation ; que, dans ses conclusions d'appel, Mme [H] faisait valoir qu'elle avait subi un préjudice du fait de l'attitude déloyale adoptée par Mme [Z] dans le cadre de l'exécution de la promesse de vente du 31 juillet 2015 ; qu'à ce titre, Mme [H] expliquait qu'après avoir affirmé qu'elle n'avait pas besoin de recourir à un prêt pour financer l'acquisition du bien litigieux, Mme [Z] avait finalement demandé l'insertion dans la promesse de vente d'une condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt bancaire dont elle s'était ensuite désintéressée puisque, sans même interroger son courtier sur le sort réservé à ses demandes de prêt, elle avait commencé à entreposer des meubles dans le bien objet de la promesse, demandé d'avancer la date de signature de l'acte authentique de vente et fait savoir, par l'entremise de son notaire, qu'elle avait renoncé au bénéfice de la condition suspensive, avant de finalement se prévaloir de cette condition pour solliciter la caducité de la promesse de vente et exiger la restitution de l'acompte versé entre les mains du notaire au titre de l'indemnité d'immobilisation ; qu'en se bornant à affirmer qu'aucun comportement déloyal ne pouvait être reproché à Mme [Z], sans s'expliquer sur les revirements incessants dont cette dernière avait fait preuve dans le cadre de l'exécution de la promesse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 3 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

12. Ayant retenu, d'une part, que, la promettante s'abstenant de préciser la nature du préjudice invoqué à hauteur d'une somme de 60 000 euros et de produire des pièces au soutien de cette demande, ce préjudice n'était pas justifié, d'autre part, que celle-ci n'établissait pas le lien de causalité entre le préjudice matériel résultant de frais de location et de charges d'emprunt du mois de septembre 2015 à la vente définitive de son bien et les manquements allégués de la bénéficiaire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [H] et la condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32400367
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 02 décembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 jui. 2024, pourvoi n°32400367


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:32400367
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