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03/07/2024 | FRANCE | N°12400387

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 03 juillet 2024, 12400387


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


IJ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 3 juillet 2024








Cassation partielle




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 387 F-B




Pourvois n°
E 22-13.639
A 22-15.084 JONCTION










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


A

U NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUILLET 2024




I - 1°/ M. [D] [U], domicilié [Adresse 1],


2°/ Mme [R] [U], épouse [J], domiciliée [Adresse 5],


agissant ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

IJ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juillet 2024

Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 387 F-B

Pourvois n°
E 22-13.639
A 22-15.084 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUILLET 2024

I - 1°/ M. [D] [U], domicilié [Adresse 1],

2°/ Mme [R] [U], épouse [J], domiciliée [Adresse 5],

agissant tous deux à titre personnel et en qualité d'ayants droit de leur mère [X] [G], veuve [U],

3°/ Mme [Y] [J], épouse [Z], domiciliée [Adresse 6],

4°/ Mme [N] [J], domiciliée [Adresse 9],

5°/ M. [A] [J], domicilié [Adresse 10],

6°/ Mme [B] [U], épouse [E], domiciliée [Adresse 8],

7°/ M. [K] [U], domicilié [Adresse 7] (États-Unis),

8°/ Mme [I] [U], épouse [T], domiciliée [Adresse 11],

9°/ Mme [L] [U], domiciliée [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° E 22-13.639 contre un arrêt rendu le 8 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [S] [U], épouse [F], domiciliée [Adresse 2], prise à titre personnel et en qualité d'ayant droit de sa mère [X] [G], veuve [U],

2°/ à Mme [P] [F], domiciliée [Adresse 3],

3°/ à M. [H] [F], domicilié [Adresse 4],

4°/ à Mme [C] [F], épouse [V], domiciliée [Adresse 13],

défendeurs à la cassation.

II - 1°/ Mme [S] [U], épouse [F], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de sa mère [X] [G], veuve [U],

2°/ Mme [P] [F],

3°/ M. [H] [F],

4°/ Mme [C] [F], épouse [V],

ont formé le pourvoi n° A 22-15.084 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [R] [U], épouse [J],

2°/ à M. [D] [U],

pris tous deux tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de leur mère [X] [G], veuve [U],

3°/ à Mme [Y] [J], épouse [Z],

4°/ à Mme [N] [J],

5°/ à M. [A] [J],

6°/ à Mme [B] [U], épouse [E],

7°/ à M. [K] [U],

8°/ à Mme [I] [U], épouse [T],

9°/ à Mme [L] [U],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs au pourvoi n° E 22-13.639 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

Les demandeurs au pourvoi n° A 22-15.084 invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [D] et [K] [U], de Mmes [R], [B], [I] et [L] [U], de Mmes [Y] et [N] [J] et de M. [A] [J], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [S] [U], de Mmes [P] et [C] [F] et de M. [H] [F], après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-15.084 et 22-13.639 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 décembre 2021) et les productions, [O] [U] est décédé le 9 avril 2013, en laissant pour lui succéder son épouse, [X] [G],et leurs trois enfants, Mme [S] [F], Mme [R] [J] et M. [D] [U] (les enfants [U]).

3. Par six actes de donation-partage, chacun de ceux-ci avait reçu, outre la nue-propriété d'un bien immobilier situé à [Localité 15], celle du tiers indivis de divers biens immobiliers appartenant soit aux deux époux, soit à l'un ou l'autre d'entre eux.

4. Les enfants [U] avaient ensuite constitué ensemble seize sociétés civiles immobilières, chacune d'elles, au capital social réparti en 360 000 parts indivises, recevant l'apport de la nue-propriété de l'un de ces biens, puis donné, dans des proportions variables, la nue-propriété de leurs quotes-parts des parts sociales de tout ou partie des sociétés à leurs propres enfants.

5. Un immeuble, situé à [Localité 12], une ferme et des parcelles, situées en Ardèche, et un parking, situé à [Localité 14], étaient demeurés indivis entre les enfants [U].

6. Mme [S] [F] a donné à sa fille, Mme [C] [V], la nue-propriété de ses droits indivis sur la ferme et les parcelles.

7. Des difficultés étant survenues dans le règlement de la succession et la gestion des sociétés, Mme [R] [J] et M. [D] [U] ont assigné Mme [S] [F], les enfants de celle-ci, Mme [P] [F], M. [H] [F] et Mme [C] [V], et leurs propres enfants, soit, d'une part, Mme [Y] [Z], Mme [N] [J] et M. [A] [J], et, d'autre part, Mme [B] [E], M. [K] [U], Mme [I] [T] et Mme [L] [U], en partage des indivisions existant entre eux.

8. [X] [G], appelée à l'instance, est décédée le 25 juillet 2021.

9. Mme [S] [F], Mme [R] [J] et M. [D] [U] sont intervenus à la procédure en qualité d'ayants droit de celle-ci.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi n° 22-15.084 et sur le moyen du pourvoi n° 22-13.639, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de partage unique

10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen du pourvoi n° 22-15.084, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le moyen du pourvoi n° 22-13.639, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de partage unique, qui est irrecevable.

Mais sur le premier moyen du pourvoi n° 22-15.084

Enoncé du moyen

11. Mmes [F], M. [F] et Mme [V] (les consorts [F]) font grief à l'arrêt d'ordonner le partage de la succession de [O] [U], alors « qu'une action en partage judiciaire ne peut plus être engagée lorsque les parties, ayant déjà procédé au partage amiable de la succession, ne sont plus en indivision, sauf à ce qu'elles engagent une action en nullité de ce partage, en complément de part ou en partage complémentaire ; qu'en ordonnant le partage de la succession de [O] [U], sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si les héritiers de celui-ci, à savoir Mme [S] [F], M. [D] [U], Mme [R] [J] et [X] [G], n'avaient pas d'ores et déjà procédé au partage amiable de cette succession selon acte sous seing privé du 16 octobre 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 816 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. Mmes [J], M. [J], MM. [U] et Mmes [Z], [E], [T] et [U] contestent la recevabilité du moyen. Il soutiennent qu'il est contraire aux écritures et aux intérêts des consorts [F].

13. Cependant, dans leurs conclusions, les consorts [F] se sont opposés au partage de la succession de [O] [U], dont ils ont seulement sollicité le partage complémentaire.

14. Le moyen, qui n'est contraire ni aux écritures ni aux intérêts des consorts [F], est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 816 du code civil :

15. Selon ce texte, le partage ne peut être demandé s'il y a eu préalablement acte de partage.

16. Pour ordonner le partage de la succession de [O] [U], l'arrêt retient qu'à l'exception des biens situés à [Localité 15], les biens donnés par [O] [U] et [X] [G] à leurs enfants sont soumis à rapport.

17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, s'il n'avait pas été déjà procédé au partage amiable de cette succession par acte sous seing privé du 16 octobre 2013, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le moyen relevé d'office

18. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 840-1 et 883 du code civil :

19. Il se déduit du second de ces textes que l'effet déclaratif du partage est sans incidence sur l'efficacité de la cession d'une quote-part de l'universalité d'une indivision, de sorte que le cessionnaire acquiert, par le seul effet de la cession, la qualité d'indivisaire.

20. Il résulte du premier qu'il ne peut être procédé au partage unique de plusieurs indivisions que si celles-ci existent entre les mêmes personnes.

21. Pour ordonner le partage des indivisions existant entre les enfants [U] sur les parts sociales des sociétés civiles immobilières et dire qu'il conviendra de procéder à un partage unique en incluant ces parts, l'arrêt retient que le sort des donations que les enfants [U] ont consenties à leurs propres enfants dépendra du sort du partage à intervenir entre eux trois.

22. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les enfants [U] avaient donné, selon des proportions variables, leurs quotes-parts indivises des parts sociales à leurs propres enfants de sorte que ceux-ci avaient, par le seul effet de ces donations, acquis la qualité d'indivisaires de ces parts et que celles-ci ne pouvaient faire l'objet d'un partage unique avec d'autres biens indivis entre les seuls enfants [U], la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt ordonnant le partage de la succession de [O] [U] et des indivisions existant entre les enfants [U] sur les parts sociales des sociétés civiles immobilières et disant qu'il conviendra de procéder à un partage unique en incluant ces parts entraîne la cassation des chefs de dispositif ordonnant le partage de la communauté des époux [U]-[G] et disant que les parts sociales de chacune des sociétés civiles devront être partagées entre les enfants [U], que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par chacune des parties à proportion de ses droits dans l'indivision, et n'y avoir lieu de faire application au profit de l'une ou l'autre des parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi n° 22-13.639, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les parts sociales de chacune des sociétés civiles devront être partagées entre Mme [S] [F], Mme [R] [J] et M. [D] [U] à proportion de leurs droits indivis préalablement aux donations qu'ils ont eux-mêmes consenties, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne le partage de la communauté des époux [U]-[G], de la succession de [O] [U] et des indivisions existant entre Mme [S] [U] épouse [F], Mme [R] [U] épouse [J] et M. [D] [U] portant sur les parts sociales des SCI [U] Clichy 1, [U] Clichy 2, [U] Clichy 3, [U] Clichy 4, [U] Clichy 5, [U] Clichy 6, [U] Lafayette 3, [U] Lafayette 6, V [U] Saint-Honoré 1, [U] Saint-Honoré 2, [U] Phalsbourg, [U] Desnouettes, [U] 57 Vasco de Gama, [U] 62 Vasco de Gama, [U] Panorama, [U] Lammenais, [U] Pinel, dit qu'il conviendra de procéder à un partage unique en incluant ces parts et dit que les parts sociales de chacune des sociétés civiles devront être partagées entre Mme [S] [U] épouse [F], Mme [R] [U] épouse [J] et M. [D] [U], leurs trois associés fondateurs, à proportion de leurs droits indivis préalablement aux donations qu'ils ont eux-mêmes consenties, que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par chacune des parties à proportion de ses droits dans l'indivision et n'y avoir lieu de faire application au profit de l'une ou l'autre des parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne Mmes [J], [Z], [E], [T] et [U] et MM. [U] et [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400387
Date de la décision : 03/07/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

PARTAGE - Effet déclaratif - Portée - Cession d'une quote-part de l'universalité d'une indivision - Cessionnaire - Acquisition de la qualité d'indivisaire

INDIVISION - Partage - Effet déclaratif - Portée - Cession d'une quote-part de l'universalité d'une indivision - Cessionnaire - Acquisition de la qualité d'indivisaire PARTAGE - Partage judiciaire - Multiplicité d'indivisions - Partage unique - Condition - Identité des indivisaires

Il se déduit de l'article 883 du code civil que l'effet déclaratif du partage est sans incidence sur l'efficacité de la cession d'une quote-part de l'universalité d'une indivision, de sorte que le cessionnaire acquiert, par le seul effet de la cession, la qualité d'indivisaire. Il résulte de l'article 840-1 du même code, qu'il ne peut être procédé au partage unique de plusieurs indivisions que si celles-ci existent entre les mêmes personnes. En conséquence, viole ces textes la cour d'appel qui, pour ordonner le partage, entre les trois fondateurs de sociétés civiles immobilières, des parts sociales indivises de celles-ci et dire qu'il conviendra de procéder à un partage unique de ces parts avec d'autres biens indivis entre eux, retient que le sort des donations qu'ils ont faites à leurs propres enfants, dans des proportions variables, de leurs quotes-parts indivises des parts de tout ou partie des SCI, dépendra du sort du partage à intervenir entre eux trois


Références :

Articles 883 et 840-1 du code civil.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 décembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 03 jui. 2024, pourvoi n°12400387


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Origine de la décision
Date de l'import : 23/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400387
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