LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 juin 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 569 F-B
Pourvoi n° B 22-22.491
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 JUIN 2024
1°/ M. [D] [H],
2°/ M. [Y] [H],
3°/ Mme [N] [U], épouse [H],
tous trois domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° 22-22.491 contre l'arrêt rendu le 18 août 2022 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (Matmut), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) RSI Centre Val de Loire, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [D] [H], M. [Y] [H] et Mme [N] [U], épouse [H], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF RSI Centre Val de Loire, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (Matmut), et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [Y] [H] et à Mme [N] [H] du désistement de leur pourvoi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 18 août 2022), le 16 janvier 2011, [D] [H], mineur, a été victime, alors qu'il était passager du véhicule conduit par son père, assuré par la société Sérénis, d'un accident de la circulation dans lequel était également impliqué un véhicule assuré par la société Matmut (la Matmut).
3. Le médecin conseil de la société Sérénis a déposé un rapport d'expertise médicale de la victime le 28 juin 2016 fixant la date de consolidation au 24 mai 2016. Cette société a versé, à compter du 17 juillet 2012, plusieurs provisions à la victime.
4. Après expertise judiciaire, la victime et ses parents ont assigné la Matmut, en présence du RSI Centre Val de Loire, devenu Urssaf Centre Val de Loire, devant un tribunal judiciaire, à fin d'indemnisation de leurs préjudices.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. [D] [H] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la Matmut à lui verser une pénalité, en application de l'article L. 211-13 du code des assurances, d'un montant de 209,41 euros et de le débouter de sa demande de condamnation de la Matmut à lui verser la pénalité fondée sur ce texte, appliquée à la somme de 250 533,58 euros, sur la période débutant le 17 septembre 2011 jusqu'à la date à laquelle la décision à intervenir sera devenue définitive, ainsi que de sa demande de capitalisation des intérêts, alors : « qu'une offre d'indemnité doit être faite à la victime d'un accident de la circulation qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident ; que lorsque l'offre n'a pas été faite dans ce délai, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ; qu'en l'espèce, en limitant l'indemnité due au titre de l'article L. 211-13 du code des assurances par la société Matmut, assureur tenu d'indemniser M. [H], à la seule période comprise entre le 24 avril 2017 et le 2 mai 2017, sans constater qu'une offre d'indemnisation complète et suffisante, même provisionnelle, avait été faite à M. [H] au plus tard huit mois après l'accident dont il a été victime le 16 janvier 2011, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :
7. Il résulte de ces textes que l'assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice et que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis par le premier texte, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
8. Pour débouter M. [H] de sa demande d'assortir l'indemnité accordée d'intérêts au double du taux légal à compter du 17 septembre 2011, à l'expiration du délai de 8 mois à compter de l'accident, l'arrêt relève que la procédure d'indemnisation du dommage a été initialement menée par la société Sérénis, qui a versé des provisions et fait procéder à une expertise amiable sans y associer la Matmut, et qu'il ne résulte pas des courriers accompagnant les provisions versées par la société Sérénis que cette dernière aurait agi en qualité de mandataire de la Matmut, de sorte que la sanction résultant de l'article L. 211-13 trouve son application pour la seule période courant à partir du 24 avril 2017, terme du délai de 5 mois à partir du jour où la Matmut a eu connaissance de la date de consolidation de la victime par transmission par la société Sérénis du rapport d'expertise amiable du 28 juin 2016.
9. En statuant ainsi, alors que l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité dans les délais légaux, la cour d'appel, qui avait constaté que la Matmut garantissait la responsabilité du conducteur du véhicule impliqué dans l'accident, a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
10. M. [D] [H] fait le même grief à l'arrêt, alors « que pour être valable, l'offre d'indemnisation faite par l'assureur à la victime d'un accident de la circulation doit comporter tous les chefs de préjudices indemnisables ; que tel n'est pas le cas de l'offre qui réserve certains postes de préjudice dans l'attente de justificatifs ou de précisions et que l'assureur n'a pas sollicité les informations requises en vue de suspendre le délai de l'offre ; qu'en l'espèce, en jugeant complète l'offre d'indemnisation formulée le 2 mai 2017, pour fixer à cette date le terme du délai d'application de la pénalité prévue par l'article L. 211-13 du code des assurances, après avoir cependant constaté que dans cette offre, la Matmut a réservé le poste d'indemnisation du préjudice d'agrément dans l'attente de précisions sur celui-ci, et sans qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'assureur ait demandé à la victime des renseignements dans les formes et conditions requises par l'article R. 211-39 du code des assurances, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9, L. 211-13, R. 211-37 et R. 211-39 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
11. La Matmut conteste la recevabilité du moyen pris en sa quatrième branche, qui serait nouveau, mélangé de fait et de droit, et, comme tel, irrecevable.
12. Cependant, le moyen est né de la décision attaquée, en ce que, pour exclure le caractère incomplet de l'offre de l'assureur, la cour d'appel énonce qu'il a été demandé à la victime des « précisions » pour chiffrer l'offre au titre du préjudice d'agrément, réservé en l'attente.
13. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 211-9, L. 211-13, R. 211-37 et R. 211-39 du code des assurances :
14. Il résulte des deux premiers de ces textes que l'assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice et que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis par le premier texte, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
15. Il résulte des deux derniers textes, notamment, que la victime est tenue, à la demande de l'assureur, de lui donner les renseignements concernant le montant de ses revenus professionnels avec les justificatifs utiles, ainsi que la description des atteintes à sa personne accompagnée d'une copie du certificat médical initial et autres pièces justificatives en cas de consolidation, et que la correspondance adressée à cette fin par l'assureur mentionne les informations prévues à l'article L. 211-10 du code des assurances et rappelle à l'intéressé les conséquences d'un défaut de réponse ou d'une réponse incomplète.
16. Pour décider que le doublement du taux de l'intérêt légal devait courir jusqu'à la date de l'offre et non pas jusqu'à la date de l'arrêt et fixer en conséquence l'assiette de la pénalité, l'arrêt énonce que l'offre formulée par la Matmut le 2 mai 2017 ne présente aucun caractère incomplet ou manifestement insuffisant, et que celle-ci n'a pas écarté le principe d'une indemnisation du préjudice d'agrément, mais a simplement réservé ce poste de préjudice « dans l'attente de précisions » sur celui-ci.
17. En statuant ainsi, par des motifs faisant ressortir que l'offre de l'assureur ne comprenait pas tous les éléments indemnisables du préjudice, et alors qu'une simple demande de justificatifs émanant de l'assureur, dont elle faisait le constat, ne peut être assimilée à la correspondance prévue par l'article R. 211-39 du code des assurances, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il réforme le jugement en ce qu'il a dit que la Matmut sera tenue de payer le double de l'intérêt au taux légal sur la somme de 250 553,58 euros à compter du 28 novembre 2016 jusqu'à la date du caractère définitif du jugement, et condamne la société Matmut à payer à M. [D] [H] une pénalité de 209,41 euros en application de l'article L. 211-13 du code des assurances, l'arrêt rendu le 18 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.
Condamne la société Matmut aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Matmut et l'Urssaf Centre Val de Loire et condamne la société Matmut à payer à M. [D] [H] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille vingt-quatre.