LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 juin 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 356 F-D
Pourvoi n° K 23-11.463
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 JUIN 2024
Mme [H] [F], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 23-11.463 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Ca Consumer Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [T] [R], domicilié [Adresse 3], de la société BTSG2, pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Almatys,
défendeurs à la cassation.
La société Ca Consumer Finance a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [F], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Ca Consumer Finance, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 novembre 2022), suivant bon de commande du 14 décembre 2017, Mme [F] a conclu hors établissement, avec la société Almatys, un contrat de fourniture et d'installation d'une pompe à chaleur au prix financé par un crédit souscrit auprès de la société CA Consumer finance (la banque).
2. La pompe à chaleur a été installée le 8 janvier 2018.
3. Par lettre du 15 janvier 2018, Mme [F] a informé la société Almatys de ce qu'elle entendait exercer son droit de rétractation.
4. Le 16 novembre 2018, Mme [F] a assigné la société Almatys et la banque en annulation des contrats. En appel, M. [R], pris en sa en qualité de liquidateur judiciaire de la société Almatys placée en liquidation judiciaire par décision d'un tribunal de commerce du 10 février 2022, a été appelé en la cause.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi principal
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. Mme [F] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce qu'il soit jugé qu'elle avait régulièrement exercé son droit de rétractation et en conséquence de rejeter ses demandes tendant à ce que la vente soit annulée et que la société Almatys soit condamnée, sous astreinte, à procéder à ses frais exclusifs à la dépose de la pompe à chaleur, alors « que pour tout contrat conclu hors établissement le consommateur dispose d'un droit de rétractation qu'il peut exercer dans un délai de quatorze jours, lequel commence à courir, pour les contrats de vente, à compter de la réception du bien et, pour les contrats de prestation de service, à compter de la conclusion du contrat ; qu'est assimilé à un contrat de vente le contrat hors établissement conclu entre un professionnel et un consommateur qui a pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens ; qu'en retenant que le contrat de fourniture et d'installation d'une pompe à chaleur était un contrat de prestation de services, de sorte que Mme [F] disposait d'un délai de rétractation de quatorze jours qui courait à compter de la date de conclusion du contrat, soit à compter du 14 décembre 2017, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait pourtant que le contrat litigieux avait pour objet à la fois la fourniture d'une prestation de service et la livraison d'un bien, de sorte qu'il devait être assimilé à un contrat de vente et a, dès lors, violé les articles L. 221-1 et L. 221-18 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. La banque conteste la recevabilité du moyen en soutenant qu'il est nouveau et contraire à l'argumentation développée en appel par Mme [F].
8. Cependant, d'une part, le moyen, qui n'appelle la prise en considération d'aucun élément de fait qui ne résulterait pas des constatations de l'arrêt, est de pur droit. D'autre part, il n'est pas contraire à l'argumentation développée en appel par Mme [F] qui soutenait que le contrat ayant pour objet la fourniture et la pose d'un bien meuble était un contrat de vente.
9. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 221-1, II, et L. 221-18 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
10. Aux termes du premier de ces textes, les dispositions relevant du titre II du code de la consommation s'appliquent aux contrats portant sur la vente d'un ou plusieurs biens, au sens de l'article 528 du code civil, et au contrat en vertu duquel le professionnel fournit ou s'engage à fournir un service au consommateur en contrepartie duquel le consommateur en paie ou s'engage à en payer le prix. Le contrat ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens est assimilé à un contrat de vente.
11. Le second texte dispose :
« Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.
Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :
1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 221-4 ;
2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Dans le cas d'une commande portant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d'une commande d'un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une période définie, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou lot ou de la dernière pièce.
Pour les contrats prévoyant la livraison régulière de biens pendant une période définie, le délai court à compter de la réception du premier bien. »
12. Pour rejeter les demandes formées par Mme [F], l'arrêt, après avoir retenu que l'exécution du contrat impliquait un travail spécifique destiné à répondre à des besoins particuliers de sorte qu'il s'agissait d'un contrat de louage d'ouvrage, relève que Mme [F] a exercé son droit tardivement, après l'expiration du délai de quatorze jours courant à compter du contrat conclu le 14 décembre 2017.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le contrat avait pour objet à la fois la fourniture d'une prestation de services et la livraison d'un bien, ce dont il résultait qu'un tel contrat était assimilé à une vente, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
14. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes subsidiaires tendant, en cas d'annulation du contrat conclu entre Mme [F] et la société Almatys, et du contrat de crédit affecté, à voir ordonner la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient avant les conventions en cause, juger qu'elle n'avait commis aucune faute en débloquant les fonds empruntés au profit de la société Almatys à la demande de Mme [F] à la suite de la signature de la demande de financement du 9 janvier 2018, condamner Mme [F] au remboursement du capital prêté de 21 900 euros avec intérêts au taux légal, et ordonner la compensation avec les sommes acquittées par Mme [F], alors « que la cassation du chef de dispositif d'une décision de justice entraîne par voie de conséquence l'annulation de toute autre disposition qui entretient avec lui un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'une éventuelle cassation de l'arrêt attaqué sur le pourvoi principal formé par Mme [F] entraînerait la cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il a rejeté comme sans objet les demandes subsidiaires de la société Ca Consumer Finance tendant, en cas d'annulation du contrat conclu entre Mme [F] et la société Almatys, et du contrat de crédit affecté, à voir ordonner la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient avant les conventions en cause, juger que la société Ca Consumer Finance n'avait commis aucune faute en débloquant les fonds empruntés au profit de la société Almatys à la demande de Mme [F] suite à la signature de la demande de financement du 9 janvier 2018, condamner Mme [F] au remboursement du capital prêté de 21 900 euros avec intérêts au taux légal, et ordonner la compensation avec les sommes acquittées par Mme [F], en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
15. La cassation, prononcée sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, du chef de dispositif de l'arrêt qui rejette les demandes formées par Mme [F], entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif qui rejette les demandes subsidiaires formées par la banque, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de sursis à statuer présentée par la société Almatys, l'arrêt rendu le 18 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne la société Ca Consumer Finance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ca Consumer Finance et la condamne à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille vingt-quatre.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre