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12/06/2024 | FRANCE | N°52400626

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2024, 52400626


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 juin 2024








Cassation




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 626 F-D


Pourvoi n° E 23-14.678








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
___

______________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024


La société DHL International Express, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 23-14.678 contr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juin 2024

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 626 F-D

Pourvoi n° E 23-14.678

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024

La société DHL International Express, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 23-14.678 contre le jugement rendu le 30 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Bobigny (chambre 9, section 1), dans le litige l'opposant au comité social et économique d'établissement de la société DHL International Express, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société DHL International Express, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du comité social et économique d'établissement de la société DHL International Express, après débats en l'audience publique du 15 mai 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Bérard, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Bobigny, 30 mars 2023), statuant selon la procédure accélérée au fond, le comité social et économique d'établissement DHL International Express (le CSEE) a décidé, le 30 septembre 2022, de recourir à une expertise portant sur le projet d'évolution de l'organisation de la direction des opérations agences.

2. Estimant qu'il n'y avait pas de projet important modifiant substantiellement les conditions de travail des salariés au sens de l'article L. 2315-94 du code du travail, la société DHL International Express (la société) a, le 10 octobre 2022, saisi le président du tribunal judiciaire aux fins d'annulation de cette délibération.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annuler la délibération du CSEE du 30 septembre 2022 ayant pour objet de recourir à un expert au titre d'un prétendu projet important modifiant les conditions de travail et donnant mandat à son secrétaire pour agir en justice dans ce cadre, alors :

« 1°/ que le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, notamment ''En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévus au 4° du II de l'article L. 2312-8'' ; que ce recours à un expert a pour objet d'apporter un éclairage au comité social et économique sur le projet soumis à sa consultation afin de lui permettre de se prononcer en toute connaissance de cause ; qu'en l'espèce, la délibération du 30 septembre 2022 mentionne que ''les élus sont saisis d'une information-consultation concernant un projet d'évolution de l'organisation de la direction des opérations, qui prévoit la création d'une cinquième région'', que ''Le document qui a été remis est particulièrement succinct en termes d'informations et ne comporte aucune analyse sociale et environnementale du projet de l'entreprise'', qu' ''Aux yeux des élus, ce projet constitue un projet important au sens de l'article L. 2312-8 du code du travail'' et qu'en conséquence ''les élus désignent un expert pour les aider à comprendre le projet et ce au moins à titre conservatoire jusqu'à ce que l'entreprise fournisse une information complète'' ; qu'une telle délibération qui emporte désignation à titre conservatoire d'un expert aux fins de contraindre l'employeur à fournir des informations complémentaires sur le projet (et non d'éclairer le CSEE sur ce projet), n'entre pas dans les prévisions de la loi et est en conséquence nulle ; qu'en jugeant le contraire, au motif inopérant que l'employeur avait l'obligation de communiquer spontanément aux élus des informations écrites et précises sur le projet dès la première réunion, le tribunal a violé l'article L. 2315-94 du code du travail ;

2°/ que le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité notamment en cas de projet portant sur ''tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail'' ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande d'annulation de la délibération du CSE, la société faisait valoir et offrait de prouver que le projet d'évolution de l'organisation de la direction des opérations agences soumis à l'information consultation du comité social et économique impliquait uniquement la création d'une cinquième région au sein de la direction des opérations agences et le recrutement à sa tête d'un directeur régional, ayant pour effet de réduire le périmètre d'intervention de chacun des directeurs régionaux, dans le but d'apporter plus de proximité avec les salariés et de renforcer l'efficacité du management opérationnel, que ce projet ne modifiait pas le périmètre d'intervention de la société sur le territoire français, ni les conditions de travail d'aucun des salariés de l'entreprise dont les attributions, coefficients, places dans l'organigramme et lieux de travail demeuraient inchangés, et qu'il n'était d'aucune incidence sur la représentation du personnel au niveau des commissions santé sécurité et conditions de travail et des représentants de proximité ; qu'en se bornant à relever qu'il ressort des pièces versées aux débats que ''le projet prévoit de recruter un directeur régional opération qui sera en charge de la supervision et de la gestion de la cinquième région, que cette présence supplémentaire permettra d'apporter davantage de proximité et d'améliorer le suivi des équipes'', et que la direction ''souligne que les réflexions autour des budgets sont en cours. L'organisation devra être la plus pertinente possible par rapport aux besoins opérationnels et organisationnels. La partie concernant les instances devra être vue avec les organisations syndicales au regard de l'accord signé en 2019 et définissant les périmètres d'actions. L'entreprise a tout intérêt à trouver une solution adéquate et convenant à tous au moment de l'implantation de la nouvelle région. Dans ce cadre les organisations syndicales seront donc réunies afin d'échanger et de permettre l'élaboration d'un plan efficace. Les créations de postes au niveau RH sont en cours de discussion'', le tribunal qui n'a nullement caractérisé en quoi la création d'une cinquième région au sein de la direction des opérations agences constituait un aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2315-94 et L. 2312-8 I du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2315-94, 2°, du code du travail et 1353 du code civil :

4. Selon le premier de ces textes, le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail prévu au 4° du II de l'article L. 2312-8 du code du travail, selon lequel le comité social et économique est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

5. Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

6. Il en résulte qu'il incombe au comité social et économique, dont la délibération ordonnant une expertise en application de l'article L. 2315-94, 2°, du code du travail est contestée, de démontrer l'existence d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, sa saisine pour information-consultation en application de l'article L. 2312-8 du même code ne faisant pas obstacle à la contestation par l'employeur de la décision de ce comité de recourir à une mesure d'expertise devant le président du tribunal judiciaire à qui il appartient de vérifier l'existence d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

7. Par ailleurs, il résulte de l'article L. 2312-15 du code du travail que, dans le cadre de ses attributions consultatives, le comité social et économique peut, s'il estime ne pas disposer d'éléments suffisants, saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants et que le juge, s'il est saisi avant l'expiration des délais dont dispose le comité social et économique pour rendre son avis et s'il retient que les informations nécessaires à l'institution représentative du personnel et demandées par cette dernière n'ont pas été transmises ou mises à disposition par l'employeur, peut ordonner la production des éléments d'informations complémentaires et, en conséquence, prolonger le délai de consultation ou le fixer à compter de la communication de ces éléments complémentaires.

8. Pour rejeter la demande en annulation de l'expertise décidée le 30 septembre 2022, le jugement retient d'une part que c'est à la direction de communiquer spontanément aux élus des informations précises et écrites sur le projet de réorganisation et ce dès la première réunion, que, dans la délibération litigieuse, les membres élus du CSEE se plaignent d'une insuffisance d'informations précises, notamment quant au fait que la création d'une cinquième région nécessiterait une adaptation de l'accord de représentation du personnel, que les élus indiquent désigner un expert au moins à titre conservatoire jusqu'à ce que l'entreprise fournisse une information complète, qu'il n'y a pas dévoiement de la loi d'autant que les élus prennent soin dans leur délibération de mandater le secrétaire du CSEE pour mettre en oeuvre les actions judiciaires nécessaires à la remise d'une information conforme à la loi.

9. Le jugement retient d'autre part que le projet prévoit de recruter un directeur régional opération qui sera chargé de la supervision et la gestion de la cinquième région, que cette présence supplémentaire permettra d'apporter davantage de proximité et d'améliorer le suivi des équipes.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés du caractère conservatoire de l'expertise, alors d'une part qu'il n'était saisi d'aucune demande tendant à la communication d'éléments d'information complémentaires, et d'autre part qu'il lui appartenait de caractériser l'existence d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, la société faisant valoir que le projet d'évolution de l'organisation de la direction des opérations agences, avec uniquement la création d'une cinquième région au sein de cette direction et le recrutement à la tête de cette nouvelle région d'un directeur régional, ne modifiait ni le périmètre d'intervention de la société sur le territoire français ni les conditions de travail des salariés dont les attributions, coefficients, places dans l'organigramme et lieux de travail demeuraient inchangés, le président du tribunal judiciaire n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 mars 2023, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Bobigny ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ;

Condamne le comité social et économique d'établissement DHL International Express aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400626
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Bobigny, 30 mars 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2024, pourvoi n°52400626


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400626
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