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12/06/2024 | FRANCE | N°52400612

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2024, 52400612


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 juin 2024








Cassation




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 612 F-D


Pourvoi n° J 23-10.036










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÃ

‡AIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024


La société Placeo, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-10.036 con...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juin 2024

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 612 F-D

Pourvoi n° J 23-10.036

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024

La société Placeo, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-10.036 contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [V], domicilié [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Placeo, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 3 novembre 2022), la société Placeo (la société), qui a pour activité la réalisation et la mise en place de sols en béton et possède plusieurs agences en France, a notifié à un salarié, M. [V], une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique par lettre du 22 juin 2016.

2. A la suite du refus du salarié d'accepter la modification de son contrat de travail, la société lui a notifié par lettre du 27 juillet 2016 une proposition de reclassement.

3. Le salarié a accepté le 8 septembre 2016 d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé lors de l'entretien préalable à un éventuel licenciement. Il a été licencié pour motif économique par lettre du 15 septembre 2016.

4. Contestant le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de dire sans cause réelle et sérieuse la rupture du contrat de travail du salarié, de la condamner à lui payer des sommes à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail dépourvue de cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de la condamner à rembourser à l'organisme concerné le montant des indemnités de chômage versées au salarié depuis la rupture de son contrat de travail, dans la limite de six mois de prestations et déduction faite de la contribution versée par l'employeur à cet organisme lors de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, et d'ordonner la remise au salarié des documents de fin de contrat de travail et d'un bulletin de paie récapitulatif conformes à l'arrêt, alors « que satisfait à son obligation légale d'informer le salarié du motif économique de la rupture, avant l'acceptation par celui-ci du contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur qui remet au salarié, dans le cadre des possibilités de reclassement devant être recherchées à compter du moment où le licenciement est envisagé, une lettre lui proposant un ou plusieurs postes à ce titre et énonçant que la suppression de son poste est consécutive à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; que la société Placeo produisait, en pièce 24, la lettre du 27 juillet 2016 par laquelle elle avait adressé à M. [V] des propositions de reclassement, en lui indiquant que la suppression de son poste était consécutive au redéploiement des effectifs attachés à l'agence de [Localité 4], au sein de laquelle il travaillait, et que ce redéploiement était lié à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; que la cour d'appel, pour affirmer qu'au moment de l'adhésion de M. [V] au contrat de sécurisation professionnelle, il n'avait pas été satisfait à l'obligation d'information concernant le motif de la rupture, et pour juger en conséquence que la rupture du contrat de travail était dépourvue de cause réelle et sérieuse, a retenu que l'exécution de cette obligation d'information ne pouvait pas résulter des éléments contenus dans les propositions de reclassement faites au salarié par courrier du 27 juillet 2016, dès lors que ces propositions étaient antérieures à l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'en statuant par ce motif, quand l'information due au salarié pouvait lui être régulièrement donnée dans le cadre des propositions de reclassement formulées préalablement au licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3, L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il expose que le moyen est contraire à l'argumentation soutenue devant le juge du fond par la société qui faisait valoir qu'il n'avait jamais été question d'une suppression d'emploi mais que le salarié avait été licencié par suite de leur refus d'accepter la proposition de modification de leur contrat de travail comme l'avait indiqué la lettre du 27 juillet 2016.

7. Cependant, l'employeur avait fait valoir dans ses conclusions que l'information du salarié sur les motifs économiques du licenciement avait été régulièrement donnée dans le cadre des propositions de reclassement, faites préalablement à la rupture du contrat de travail. Il s'ensuit que le moyen n'est pas contraire à l'argumentation soutenue devant la cour d'appel.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 1233-3, L. 1233-16 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et L. 1233-67 du même code :

9. Il résulte de ces textes que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur doit en énoncer le motif économique dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.

10. Pour juger la rupture du contrat de travail du salarié sans cause réelle et sérieuse, condamner la société à lui payer diverses sommes au titre de la rupture ainsi qu'à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement perçues dans la limite de six mois d'indemnités et ordonner la remise des documents de fin contrat de travail et un bulletin de paie récapitulatif conforme à la décision, l'arrêt retient que ni la convocation à entretien préalable, ni la proposition d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle ne portent à la connaissance du salarié les motifs de la rupture avant l'acceptation par lui de ce contrat.

11. Il ajoute que les éléments contenus dans le courrier de proposition de modification du contrat de travail du 22 juin 2016 remis avant l'engagement de la procédure de licenciement sont insuffisants et ne permettent pas à l'employeur de répondre à son obligation d'information de la cause économique de la rupture du contrat de travail et qu'il en est de même concernant les propositions de reclassement formulées au salarié par lettre du 27 juillet 2016, antérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement.

12. Il en déduit que lors de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur n'avait pas satisfait à l'exigence d'information concernant le motif de la rupture.

13. En statuant ainsi, alors que la société avait adressé le 27 juillet 2016 au salarié, dans le cadre des possibilités de reclassement devant être recherchées à compter du moment où le licenciement est envisagé, une lettre lui proposant un poste à ce titre et qu'elle y mentionnait un redéploiement des effectifs excédentaires de leurs agences dans une logique de réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité, ce dont il résulte que l'employeur avait satisfait à son obligation légale d'informer le salarié, avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, du motif économique de la rupture, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif ayant dit sans cause réelle et sérieuse la rupture du contrat de travail et condamnant l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de la rupture entraîne la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens et au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne M. [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400612
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 03 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2024, pourvoi n°52400612


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400612
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