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12/06/2024 | FRANCE | N°52400602

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2024, 52400602


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 juin 2024








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 602 F-D


Pourvoi n° X 22-16.806








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇ

AIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024


Mme [F] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-16.806 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juin 2024

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 602 F-D

Pourvoi n° X 22-16.806

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024

Mme [F] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-16.806 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à la société Audit gestion développement, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Audit gestion développement, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 mars 2022), Mme [I] a été engagée en qualité d'assistante confirmée le 7 décembre 2009 par la société Audit gestion développement.

2. Le 28 février 2017, elle a démissionné en invoquant divers manquements de son employeur.

3. Elle a saisi, le 12 septembre 2017, la juridiction prud'homale de demandes en requalification de sa démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes à caractère salarial ou indemnitaire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'après avoir estimé que les éléments produits par la salariée étaient suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel a débouté celle-ci de ses demandes motifs pris de l'incohérence de ces éléments et sans qu'il ne résulte de ses constatations que l'employeur avait justifié de la durée du travail de la salariée ; qu'en statuant ainsi, en faisant porter la charge de la preuve sur la seule salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour rejeter la demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que la salariée a fourni des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, tels que des tableaux de décompte et de calcul des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées entre le 1er juin 2014 et la fin du mois de mai 2017, indiquant par type de travaux le nombre d'heures supplémentaires réalisées chaque semaine et les majorations applicables, ainsi que des fiches d'état des travaux indiquant par client et pour chaque jour de la semaine le nombre d'heures de travail réalisées, enfin un journal des temps pour les années 2014 et 2016.

9. Il relève toutefois que l'employeur conteste les données produites par la salariée en y relevant des incohérences, des erreurs ou des chiffres récurrents et artificiellement majorés. A ce titre, il constate que la salariée a fait état d'heures de travail alors qu'elle était en congés payés, ou qu'elle prétend avoir travaillé onze heures quinze une journée en janvier 2015, tout en ayant posé une demi-journée de congés, et observe qu'au mois d'août 2014, la salariée a mentionné invariablement le même nombre d'heures de travail chaque jour, soit sept heures, alors qu'elle était en congés et qu'en mentionnant des heures non facturables, c'est-à-dire imputées à aucun client, produisait un extrait du journal des temps pour la journée du 23 décembre 2015 faisant ressortir que la salariée avait inscrit dans le logiciel vingt-deux heures cinquante de travail pour une seule journée.

10. L'arrêt relève encore que l'employeur avait communiqué un procès-verbal d'un huissier de justice ayant été en mesure de constater que les utilisateurs du logiciel de gestion des temps, qui y avaient librement accès tant en écriture qu'en modification, disposaient de la faculté de modifier les enregistrements figurant dans l'historique des événements de temps passé, y compris sur des dates très anciennes, dès lors qu'il n'était pas prévu dans les paramètres un blocage de saisie des temps.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. La salariée fait grief à l'arrêt de juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission et de la débouter de ses demandes en paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la cassation des dispositions afférentes aux heures supplémentaires qui sera prononcée au premier moyen entraînera la cassation des dispositions relatives à rupture, en application de l'article 624 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

13. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt déboutant la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif la déboutant de sa demande relative à la qualification de la rupture du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [I] de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission, la déboute de ses demandes en paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Audit gestion développement aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Audit gestion développement et la condamne à payer à Mme [I] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400602
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 24 mars 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2024, pourvoi n°52400602


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400602
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