LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juin 2024
Rejet
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 599 F-D
Pourvoi n° T 22-13.536
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
M. [D] [F], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 22-13.536 contre l'arrêt rendu le 9 février 2022 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Hachette Filipacchi presse, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Lagardère, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [F], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Hachette Filipacchi presse
et de la société Lagardère, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024
où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 février 2022), M. [F] a été engagé en qualité de directeur financier, puis de chargé de mission, à compter du 1er avril 1984 par le groupe Matra (devenu le groupe Lagardère), puis par la société Hachette Filipacchi presse (ci-après HFP).
2. Il a exercé divers mandats sociaux au sein du groupe Lagardère, notamment en qualité de directeur général de la société HFP à compter du 1er janvier 2007 et de président du conseil d'administration de la même société à compter du 14 décembre 2007. Il a démissionné de ces deux mandats le 1er septembre 2008.
3. Le 16 janvier 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail avec la société HFP.
4. Il a été licencié le 29 janvier 2015 pour insuffisance professionnelle. Une transaction portant sur la rupture de ce contrat de travail a été signée le 20 février 2015.
5. Le salarié a saisi le 11 janvier 2016 la juridiction prud'homale à l'encontre de la société-mère du groupe, la société Lagardère, afin de solliciter le paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le deuxième moyen pris en ses première, deuxième, et quatrième à sixième branches
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen pris en sa première branche, qui est irrecevable, et sur le surplus de ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. Le demandeur au pourvoi fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et des engagements de la société HFP et de la société Lagardère SCA en matière de prévoyance retraite à son égard, alors « que la convention réglementée qui doit être soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration d'une Sarl est la convention intervenant entre le dirigeant et la société ou intervenant entre la société et un tiers "personne interposée" mais à laquelle le dirigeant de la société est indirectement intéressé ; qu'en jugeant que l'accord dit " du 20 mai 2008 (maj 21 juillet 08)" était une convention réglementée quand elle avait constaté qu'il avait été conclu, d'une part, par M. [B] en sa qualité de vice-président de la société Lagardère SCA et, d'autre part, par M. [F], en sa qualité de salarié de la société HFP, ce dont il résultait que la société HFP n'étant pas partie à l'accord, ce dernier ne pouvait être qualifié de convention réglementée devant être soumise à l'autorisation préalable de son conseil d'administration, la cour d'appel a violé les articles L. 225-38, L. 225-40 et L. 225-42 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
8. L'arrêt retient que l'accord litigieux conclu entre le co-gérant de la société-mère et l'intéressé, à une date à laquelle il y était encore investi de mandats sociaux de directeur général et président du conseil d'administration, transférait à cette dernière la charge d'avoir à supporter ces engagements, faisant ainsi ressortir que la filiale était à l'issue de ce transfert, débitrice des obligations souscrites à l'égard de ce dirigeant, et que ces engagements, très substantiels concernant ses droits futurs à la retraite, avaient pour la société des conséquences dommageables en raison de leurs importantes implications financières.
9. La cour d'appel a pu en déduire que cet accord constituait une convention réglementée dans la filiale.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. M. [F] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour inexécution par la société Lagardère SCA de son engagement de mise en place d'un contrat de retraite supplémentaire résultant d'un engagement " dit du 20 mai 2008 (maj 21 juillet 2008), alors « que dès lors que la cour d'appel reconnaît expressément qu'il existe entre M. [F] et la société Lagardère SCA "un lien distinct d'un contrat de travail", que l'engagement d'assurer à M. [F] un avenant à sa retraite complémentaire a été "conclu entre M. [F] et M. [B] pris en sa qualité de co-gérant de la société Lagardère SCA" fixée par référence à la rémunération versée par Lagardère active, il en résultait un engagement précis de Lagardère SCA de compléter la retraite supplémentaire de M. [F] telle que déjà garantie au sein de HFP, engagement indépendant de celle-ci et donc étranger à la question des conventions règlementées, et que Lagardère SCA n'a pas respecté ; en déboutant M. [F] de sa demande de dommages et intérêts sans mieux s'en expliquer, ni justifier l'inexécution patente de l'engagement de Lagardère SCA, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
12. L'arrêt retient, d'une part, que l'article L. 225-40 du code de commerce prévoit que l'intéressé est tenu d'informer le conseil, dès qu'il a connaissance d'une convention à laquelle l'article L. 225-38 est applicable, de sorte qu'il appartenait au salarié d'informer le conseil d'administration, ce qu'il n'a pas fait, d'autre part, que l'absence de recherche de l'autorisation préalable du conseil d'administration ne constituait pas une faute de la société Lagardère SA, faisant ainsi ressortir que l'inexécution de l'obligation était exclusivement imputable à la faute du salarié.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.