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12/06/2024 | FRANCE | N°52400590

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2024, 52400590


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 juin 2024








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 590 F-D


Pourvoi n° W 22-22.877








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇ

AIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024


Mme [G] [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 22-22.877 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2022 par la cour d'appel d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juin 2024

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 590 F-D

Pourvoi n° W 22-22.877

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024

Mme [G] [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 22-22.877 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2022 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre Prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Fidelia assistance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [X], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Fidelia assistance, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 juin 2022), Mme [X] a été engagée en qualité d'aide chargée d'assistance puis de chargée d'assistance par la société Fidelia assistance par plusieurs contrats à durée déterminée entre le 7 juin 2010 et le 2 septembre 2015.

2. Le 31 mai 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en paiement d'un rappel de salaires au titre du travail accompli le dimanche lors des semaines comportant six jours de travail.

3. Depuis l'année 2004, en vertu d'une décision unilatérale de l'employeur, la durée du travail est répartie sur une période de quatre semaines avec des journées de travail de 6h48 chacune de la manière suivante :
- semaine 1 : 34 heures réparties sur 5 jours ;
- semaine 2 : 34 heures réparties sur 5 jours ;
- semaine 3 : 40,80 heures réparties sur 6 jours ;
- semaine 4 : 27,20 heures réparties sur 4 jours.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses prétentions relatives au travail le dimanche, alors :

« 1°/ que selon les dispositions de l'article L. 212-9 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, la durée hebdomadaire du travail peut être réduite, en tout ou partie, en deçà de 39 heures par l'attribution sur une période de quatre semaines, selon un calendrier préalablement établi, d'une ou plusieurs journées ou demi-journées de repos équivalant au nombre d'heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire de travail fixée par l'article L. 212-1 ou de la durée conventionnelle si elle est inférieure ; qu'en l'espèce l'employeur a institué en 2004, unilatéralement, une organisation du travail dans laquelle les salariés travaillent, sur la base de journées de 6h48 chacune et d'une période de quatre semaines : les semaines 1 et 2 cinq jours, du lundi au vendredi, soit 34 heures hebdomadaires ; la semaine 3 six jours incluant le samedi et le dimanche avec un jour de repos le mercredi, soit 40,80 heures ; et la semaine 4 quatre jours, soit 27,20 heures hebdomadaires ; qu'après avoir rappelé que le dispositif légal issu de la loi du 19 janvier 2000 ''a été adopté afin de permettre la réduction de la durée hebdomadaire du travail par l'acquisition des heures de travail réalisées au-delà de 35 heures et la restitution sous forme de jours de repos dans la période de quatre semaines au cours de laquelle ces heures sont effectuées'', la cour d'appel a constaté que le dispositif litigieux ''obéit à une autre logique, celle de faire travailler les chargés d'assistance le samedi et le dimanche et de leur donner des jours de repos avant et après les week-ends travaillés'' ; qu'en retenant cependant que l'employeur pouvait valablement se prévaloir de ces dispositions légales, motif pris que son dispositif « respecte les prescriptions de l'article L. 212-9 du code du travail », quand il s'évinçait de ses constatations que le dispositif litigieux n'avait nullement pour objet de réduire la durée hebdomadaire du travail, de sorte que l'employeur ne pouvait s'en prévaloir, la cour d'appel a violé l'article L. 212-9 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 ;

2°/ qu'en vertu de l'article D. 3122-7-1 du code du travail dans sa version applicable en la cause, lorsque l'employeur organise la durée du travail sous forme de périodes de travail, chacune d'une durée de quatre semaines au plus, l'employeur communique au moins une fois par an au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel un bilan de la mise en oeuvre du programme indicatif de la variation de la durée du travail ; que le défaut de consultation annuelle du comité sur le bilan du dispositif d'aménagement du temps de travail mis en place unilatéralement rend inopposable au salarié un décompte des heures supplémentaires sur une période de quatre semaines ; que la cour d'appel a constaté que la société ne justifiait pas avoir communiqué au moins une fois par an au comité d'entreprise le bilan de la mise en oeuvre du programme indicatif de la variation de la durée du travail ; qu'en retenant cependant que ce défaut de communication au comité d'entreprise n'était pas de nature à priver d'effet celui-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-6 et D. 3122-7-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. L'article L. 212-9 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 prévoit que la durée hebdomadaire de travail peut être réduite, en tout ou partie, en deçà de trente-neuf heures, par l'attribution sur une période de quatre semaines, selon un calendrier préalablement établi, d'une ou plusieurs journées ou demi-journées de repos équivalant au nombre d'heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire de travail fixée par l'article L. 212-1 ou de la durée conventionnelle si elle est inférieure. Les heures effectuées au-delà de trente-neuf heures par semaine ainsi que, à l'exclusion de ces dernières, celles effectuées au-delà de la durée résultant de l'application sur cette période de la durée légale du travail sont des heures supplémentaires auxquelles s'appliquent les dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6.

7. L'article L. 3122-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, prévoit qu'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année et qu'à défaut d'accord collectif, un décret définit les modalités et l'organisation de la répartition de la durée du travail sur plus d'une semaine.

8. Aux termes de l'article D. 3122-7-1 du même code créé par le décret n° 2008-1132 du 4 novembre 2008, en l'absence d'accord collectif, la durée du travail de l'entreprise ou de l'établissement peut être organisée sous forme de périodes de travail, chacune d'une durée de quatre semaines au plus. L'employeur établit le programme indicatif de la variation de la durée du travail. Ce programme est soumis pour avis, avant sa première mise en oeuvre, au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, s'ils existent. Les modifications du programme de la variation font également l'objet d'une consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent. L'employeur communique au moins une fois par an au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel un bilan de la mise en oeuvre du programme indicatif de la variation de la durée du travail. Les salariés sont prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement intervient.

9. La cour d'appel, qui a constaté que l'organisation du travail par cycle mise en place unilatéralement par l'employeur au cours de l'année 2004, après avoir engagé de bonne foi une négociation avec les organisations syndicales, respectait les prescriptions de l'article L. 212-9 du code du travail, que cette organisation s'était poursuivie après l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 et qui a retenu à bon droit que le défaut de communication au comité d'entreprise d'un bilan annuel du dispositif d'aménagement du temps de travail mis en place par l'employeur n'était pas de nature à priver d'effet l'organisation du travail par cycle, en a exactement déduit que la répartition pluri-hebdomadaire ainsi décidée s'imposait à la salariée en sorte que les heures supplémentaires accomplies devaient se décompter dans le cadre de la période de référence de quatre semaines.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

11. La salariée fait grief à l'arrêt de dire non prescrites les actions en requalification du contrat seulement à compter du 31 mai 2014 et de la débouter de toutes ses demandes de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, alors « que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que, par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier ; qu'il en résulte de la combinaison de ces textes que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier ; que la cour d'appel a constaté que le terme de la relation de travail était le 2 septembre 2015 et que la salariée avait saisi le conseil de prud'hommes par requête le 31 mai 2016 ; qu'en disant la demande de requalification prescrite pour la période antérieure au 31 mai 2014, alors que la salariée soutenait avoir occupé durablement un emploi relevant de l'activité normale et permanente de l'entreprise, ce dont elle aurait dû déduire que l'action en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée n'était pas prescrite et que la salariée pouvait demander que la requalification produise ses effets à la date du premier engagement irrégulier, la cour d'appel a violé les articles L. 1471-1 et L. 1245-1 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1242-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1471-1 et L. 1245-1 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1242-1 du même code :

12. Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. En application du deuxième, par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier. Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.

13. Pour dire que l'action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est prescrite au 31 mai 2014, l'arrêt énonce qu'au 2 septembre 2015, terme de la relation de travail, l'action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée était soumise à la prescription biennale de deux ans prévue par l'article L. 1471-1 du code du travail. L'arrêt ajoute que la salariée a saisi le conseil de prud'hommes par requête le 31 mai 2016.

14. La cour d'appel en a déduit que la demande en requalification était prescrite pour la période du 7 juin 2010 au 31 mai 2014.

15. En statuant ainsi, alors que la demande en requalification était fondée sur le motif du recours aux contrats à durée déterminée, qu'elle avait constaté que le terme du dernier contrat était le 2 septembre 2015 et que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale le 31 mai 2016, ce dont elle aurait dû déduire que l'action en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée n'était pas prescrite et que la salariée pouvait demander que la requalification, si elle était prononcée, produise ses effets à la date du premier engagement irrégulier, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit non prescrites les demandes en paiement d'un rappel de salaire le dimanche et déboute Mme [X] de toutes ses prétentions relatives au travail le dimanche l'arrêt rendu le 10 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Angers ;

Condamne la société Fidélia assistance aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fidélia assistance et la condamne à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400590
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 10 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2024, pourvoi n°52400590


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400590
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