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12/06/2024 | FRANCE | N°12400314

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 juin 2024, 12400314


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


CF






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 juin 2024








Rejet




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 314 F-B


Pourvoi n° X 22-11.010


















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÃ

‡AIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2024


M. [Y] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-11.010 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, c...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juin 2024

Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 314 F-B

Pourvoi n° X 22-11.010

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2024

M. [Y] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-11.010 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13, audience solennelle), dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 3],

2°/ à l'ordre des avocats au barreau de Lille, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [E], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Désistement partiel

1. Il y a lieu de donner acte à M. [E] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'ordre des avocats au barreau de Lille.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 décembre 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 20 mai 2020, pourvoi n° 19-10.868,18.25.136 P), M. [V] a relevé appel de la décision d'une cour d'assises le condamnant à vingt-neuf ans de réclusion criminelle pour assassinat.

3. Lors de l'ouverture des débats devant la cour d'assises d'appel, MM. [X] et [E], avocats désignés par l'accusé, ont décidé de se retirer de la défense de leur client, en accord avec celui-ci. Après avoir commis d'office M. [E], la présidente de la cour d'assises a, par ordonnance du 14 mai 2014, rejeté les motifs d'excuse et d'empêchement invoqués par ce dernier pour refuser son ministère. M. [E] a néanmoins quitté la salle d'audience et les débats se sont déroulés en l'absence de l'accusé et de son avocat commis d'office.

4. Par arrêt du 22 mai 2014, devenu définitif à la suite du rejet du pourvoi formé par M. [V] (Crim., 24 juin 2015, pourvoi n° 14-84.221, Bull. Crim. 2015, n° 137), la cour d'assises du Pas-de-Calais a condamné ce dernier à vingt-cinq ans de réclusion criminelle.

3. Reprochant à M. [E] de ne pas avoir déféré à la commission d'office, malgré la décision de la présidente de la cour d'assises de rejeter ses motifs d'excuse ou d'empêchement, la procureure générale près la cour d'appel de Douai a, le 19 janvier 2017, saisi le conseil régional de discipline des barreaux du ressort de cette cour.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches, et sur le troisième moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa première branche, réunis

Enoncé du moyen

6. Par son premier moyen, M. [E] fait grief à l'arrêt de prononcer à son encontre la sanction disciplinaire de l'avertissement, alors :

« 1°/ que l'article 9 de la loi du 31 décembre 1971 donne le droit à l'avocat commis d'office de présenter des motifs d'excuse ou d'empêchement sur lesquels le président de la juridiction est tenu de se prononcer ; qu'il incombe au juge, saisi de poursuites disciplinaires contre l'avocat qui n'a pas déféré à une commission d'office, de se prononcer sur la régularité de la décision du président de la cour d'assises rejetant les motifs d'excuse ou d'empêchement que l'avocat avait présentés pour refuser son ministère ; que l'effectivité du droit de l'avocat de présenter des motifs d'excuse ou d'empêchement et celle du contrôle de la régularité de la décision les rejetant, impliquent une motivation concrète et circonstanciée sur les motifs d'excuses invoqués ; que l'arrêt attaqué constate de surcroît qu'en l'espèce, "dans le débat relatif à sa commission d'office, M. [E] s'est expressément référé aux conclusions incidentes établies au soutien de la demande de renvoi de l'affaire" faisant "précisément état des trois éléments constituant les motifs d'excuse invoqués ensuite pour refuser sa désignation", à savoir "le manque d'impartialité de l'avocat général, le fait que le calendrier avait été fixé sans prendre l'accord des avocats, et la tentative d'immixtion de la présidente dans la désignation des avocats de M. [V]", "qu'il estime justifier son appel à la clause de conscience" ; que la décision de la présidente de la cour d'assises vise lesdites conclusions que M. [E] s'était expressément appropriées ; qu'en jugeant pourtant que sa décision n'avait pas à faire l'objet d'une motivation écrite détaillée, la cour d'appel a violé les articles 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 6 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 et 62 de la Constitution de 1958, ensemble les articles 6 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que dans ses écritures, M. [E] a soutenu que la décision de la présidente ayant rejeté les motifs d'excuse était entachée de nullité, privant les poursuites disciplinaires de base légale, faute d'une motivation circonstanciée et concrète portée sur les motifs d'excuses invoqués ; que, pour écarter toute nullité de ce chef, l'arrêt retient qu'en se référant à la réponse motivée apportée par la cour aux conclusions incidentes auxquelles M. [E] s'était expressément référé et en y ajoutant le constat que M. [E] était parfaitement en mesure d'assurer la défense de M. [V], tant en raison de sa connaissance du dossier que de l'absence de tout empêchement matériel, la présidente de la cour d'assises a apporté à sa décision une motivation parfaitement suffisante ; qu'en se fondant ce faisant sur une décision, reprise in extenso dans l'arrêt, qui s'était bornée à constater d'une part que la cour "saisie de conclusions sur lesquelles elle a statué par décision motivée" "a notamment rejeté les demandes de renvoi" ce dont la présidente avait déduit "que les débats doivent donc se poursuivent" et qui relevait d'une appréciation de l'état d'avancement de la procédure, d'autre part une connaissance du dossier et une absence de tout empêchement matériel sans rapport avec les motifs d'excuses précis invoqués par l'avocat, à propos desquels la présidente de la cour d'assises ne s'est pas prononcée, la cour d'appel a statué par une motivation impropre à justifier sa décision ; qu'elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 6 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 et 62 de la Constitution de 1958 ;

3°/ qu'encourt la nullité et prive de base légale les poursuites disciplinaires engagées pour défaut de respect d'une commission d'office la décision de rejet des motifs d'excuse de l'avocat dès lors que le président qui l'a désigné n'a pas réellement statué sur les motifs d'excuse invoqués ; que l'arrêt attaqué constate que "dans le cadre de l'enquête disciplinaire", Mme [F] a déclaré qu'elle "ne pouvait répondre sur la clause de conscience", ce qu'elle a justifié "par le fait, avéré, qu'elle n'était pas juge de sa propre procédure" ; que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que, comme l'avait soutenu M. [E] et retenu le Conseil de discipline l'ayant relaxé, la présidente, de son propre aveu, n'avait pas réellement exercé le contrôle auquel elle était légalement tenue ; que la cour d'appel a violé les articles 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 6 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 et 62 de la Constitution de 1958 ;

7. Par son deuxième moyen, pris en sa première branche, M. [E] fait le même grief à l'arrêt, alors "que ne peut être en faute l'avocat ayant présenté des motifs d'excuse pour refuser une commission d'office, dès lors que le président qui l'a désigné n'a pas véritablement statué sur ces motifs" ; que, pour conclure à la confirmation de la relaxe prononcée par le conseil régional de discipline, M. [E] faisait valoir dans ses conclusions que la présidente de la cour d'assises n'avait pas réellement exercé un contrôle sur ses motifs de refus ¿ ce qu'avait confirmé la présidente lors de son audition dans l'enquête disciplinaire ; que dès lors, la cour d'appel a violé l'article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ».

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article 317 du code de procédure pénale, à l'audience, la présence d'un défenseur auprès de l'accusé est obligatoire. Si le défenseur choisi ou désigné conformément à l'article 274 ne se présente pas, le président en commet un d'office.

9. Selon l'article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, l'avocat régulièrement commis d'office par le président de la cour d'assises ne peut refuser son ministère sans faire approuver ses motifs d'excuse ou d'empêchement par celui-ci.

10. Aux termes de l'article 6, alinéa 2, du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, devenu l'article 6, alinéa 2, du décret n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats, l'avocat est tenu de déférer aux désignations et commissions d'office, sauf motif légitime d'excuse ou d'empêchement admis par l'autorité qui a procédé à la désignation ou à la commission.

11. Lorsque le président de la cour d'assises constate que l'accusé n'est pas ou plus défendu et lui commet d'office un avocat, en application de l'article 317 du code de procédure pénale, il est seul compétent pour admettre ou rejeter les motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par ce dernier.

12. Il s'en déduit que le fait pour l'avocat de quitter la salle d'audience, même à la demande de l'accusé, malgré la décision du président de la cour d'assises de ne pas approuver les motifs d'excuse ou d'empêchement qu'il a présentés, caractérise un refus d'exercer la mission qui lui a été confiée et peut être sanctionné disciplinairement (1re Civ., 28 février 2024, pourvoi n° 22-20.147, publié).

13. Il incombe donc au juge, saisi de poursuites disciplinaires contre l'avocat qui n'a pas déféré à une commission d'office, de se prononcer lui-même, sur la régularité de la décision du président de la cour d'assises rejetant les motifs d'excuse ou d'empêchement qu'il avait présentés pour refuser son ministère et, par suite, de porter une appréciation sur ces motifs (1re Civ., 20 mai 2020, pourvoi n° 19-10.868, 18-25.136, publié).

14. La cour d'appel a apprécié les différents motifs d'excuse et d'empêchement invoqués par M. [E] en prenant en compte la décision motivée de la présidente de la cour d'assises d'écarter ces motifs et déduit qu'aucun d'eux n'était de nature à justifier son refus de déférer à sa désignation d'office.

15. Il s'ensuit qu'en sa première branche, le premier moyen est inopérant, qu'en sa troisième branche, ce moyen ainsi que le second moyen manquent en fait et qu'en sa deuxième branche, le premier moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400314
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

AVOCAT


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 décembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 jui. 2024, pourvoi n°12400314


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400314
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