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06/06/2024 | FRANCE | N°22400518

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 juin 2024, 22400518


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 6 juin 2024








Rejet




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 518 F-B


Pourvoi n° Q 21-23.396








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024


La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 21-23.396 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2021 par la cour d'appel de Pa...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juin 2024

Rejet

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 518 F-B

Pourvoi n° Q 21-23.396

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024

La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 21-23.396 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Ile-de-France, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 avril 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012 au sein de la société [3] (la société), l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF) lui a notifié une lettre d'observations le 2 octobre 2013, suivie d'une mise en demeure le 16 décembre 2013.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que la rémunération perçue en application des articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce par le président du conseil de surveillance d'une société anonyme ayant son siège en France, lorsque ledit président est affilié et cotise au régime de sécurité sociale belge, ne peut être grevée du forfait social dont le produit participe au financement du régime français de sécurité sociale et ampute cette rémunération, sans contrepartie, par une charge destinée au financement d'un régime dont il n'est pas l'assuré ; qu'il en résulte qu'au sens du droit communautaire, le forfait social qualifié de contribution par l'article L. 137-15 du code de sécurité sociale dans sa version applicable, a la nature d'une cotisation sociale qui ne peut être imputée sur les rémunérations versées au dirigeant au titre de la présidence du conseil de surveillance ou d'un avantage en nature, par application du principe de l'unicité de législation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le règlement CE n° 1408/71 applicable pour la période antérieure au mois de mai 2010, les règlements CE n° 883/2004 du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et n° 987/2009 du 16 septembre 2009, pour la période postérieure, ensemble les articles L. 137-15 du code de sécurité sociale et L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce. »

4. La société demande à titre subsidiaire que soit posée à la Cour de justice de l'Union européenne, par application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une question préjudicielle dans les termes suivants :

« Au regard du droit de l'Union européenne (règlement CE n° 1408/71 applicable pour la période antérieure au mois de mai 2010 et des règlements CE n° 883/2004 du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et n° 987/2009 du 16 septembre 2009), le forfait social prévu par l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale français et qualifié par le texte de contribution, peut-il s'appliquer aux rémunérations visées aux articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce perçues par les membres des conseils de surveillance de sociétés anonymes, ayant leur siège social en France, lorsque ces membres sont affiliés et cotisent à un régime de sécurité sociale d'un autre Etat membre ? »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 137-15, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, issu de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, sont soumis à une contribution à la charge de l'employeur, sauf les exceptions qu'il prévoit, les rémunérations ou gains assujettis à la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 et exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale définie au premier alinéa de l'article L. 242-1 de ce code et au deuxième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime.

6. Selon son alinéa 2, issu de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, sont également soumises à cette contribution les rémunérations visées aux articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce perçues depuis le 1er janvier 2010 par les administrateurs et membres des conseils de surveillance de sociétés anonymes et des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme.

7. Il en résulte que sont assujetties au forfait social toutes les sociétés anonymes et les sociétés d'exercice libéral à forme anonyme qui ont leur siège social en France, sur le montant total des rémunérations qui sont allouées à leurs administrateurs et membres de leurs conseils de surveillance, quels que soient la nationalité ou le lieu de résidence fiscale de ces derniers.

8. Le règlement CEE n° 1408-71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et le règlement CE n° 883-2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale qui le remplace à compter du 1er mai 2010, consacrent le principe d'unicité de la législation sociale selon lequel la personne à laquelle les règlements s'appliquent n'est soumise qu'à la législation d'un seul Etat membre, en sorte que celle-ci, affiliée à un régime de sécurité sociale d'un Etat membre, ne doit pas contribuer au régime de sécurité sociale d'un autre Etat membre (CJUE, 26 février 2015, De Ruyter, C-623-13, point 35).

9. L'objectif du règlement est d'assurer la libre circulation des travailleurs salariés et non salariés dans l'Union européenne, tout en respectant les caractéristiques propres aux législations nationales de sécurité sociale, en élaborant uniquement un système de coordination qui laisse compétence aux Etats membres pour déterminer leurs régimes de sécurité sociale et, notamment, pour définir le niveau des contributions demandées aux travailleurs et aux opérateurs économiques, tout en disposant que, dans certaines situations, le travailleur effectuant un travail dans un Etat membre relève de la législation de sécurité sociale d'un autre Etat membre. Le règlement retient pour principe l'égalité de traitement des travailleurs au regard des différentes législations nationales et vise à garantir au mieux l'égalité de traitement de tous les travailleurs occupés sur le territoire d'un Etat membre ainsi qu'à ne pas pénaliser les travailleurs qui exercent leur droit à la libre circulation.

10. La Cour de justice de l'Union européenne rappelle que le fait pour un travailleur d'être grevé, pour un même revenu, de charges sociales découlant de l'application de plusieurs législations nationales, alors qu'il ne peut revêtir la qualité d'assuré qu'au titre d'une seule de ces législations, expose ce travailleur à une double cotisation, contraire aux dispositions du règlement (CJCE, arrêts Perenboom, 5 mai 1977, 102/76 et Aldewereld, C-60/93).

11. Elle a décidé que pour l'application de l'article 13 du règlement CEE n° 1408-71, le critère déterminant est celui de l'affectation spécifique d'une contribution au financement du régime de sécurité sociale d'un Etat membre, l'existence ou l'absence de contreparties en termes de prestations étant indifférente à cet égard (CJCE, arrêts Commission / France, 5 février 2000, C-34/98 et C-169/98), et qu'il en allait de même s'agissant des prélèvements qui ne frappent pas des revenus d'activité et de remplacement des travailleurs, mais qui sont assis sur les revenus du patrimoine, non liés à l'exercice d'une activité professionnelle (CJUE, 26 février 2015, De Ruyter préc.)

12. Il en résulte qu'il importe peu que le forfait social soit qualifié de contribution à la charge de l'employeur et non pas de cotisation ouvrant droit aux prestations et avantages servis par les régimes de sécurité sociale, dès lors qu'affecté initialement à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, il est réparti entre la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la Caisse nationale d'assurance vieillesse et le Fonds de vieillesse mentionné à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale.

13. Il appartient par ailleurs au juge national de rechercher si l'obligation pour les entreprises assujetties d'acquitter la charge sociale litigieuse est susceptible d'influencer les rémunérations versées (CJCE, 8 mars 2001, Commission c/ RFA, C-68/99).

14. Pour dire n'y avoir lieu à question préjudicielle devant la Cour de justice de l'Union européenne, l'arrêt énonce qu'aucune atteinte aux principes d'unicité de la législation sociale, de liberté de circulation des citoyens et des travailleurs ou de liberté d'établissement ne pouvait être utilement invoquée en relevant que la société était seule redevable de la contribution visée à l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale au titre des sommes versées ou des avantages reçus par le président de son conseil de surveillance et que la résidence fiscale du bénéficiaire de la rémunération et son affiliation à un régime de sécurité sociale étranger étaient sans conséquence sur le principe de l'assujettissement de ces rémunérations au forfait social, dont l'assiette de contribution et le taux appliqué par l'URSSAF n'étaient pas contestés.

15. De ces énonciations et constatations, faisant ressortir que l'assujettissement au forfait social de la rémunération du président de son conseil d'administration n'engendrait aucune double cotisation à la charge de la société qui n'était pas redevable du paiement de cotisations en Belgique sur la rémunération versée et était sans incidence sur le montant de la rémunération de celui-ci, fixé discrétionnairement par l'assemblée générale des actionnaires, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

16. En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

17. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne la société [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF d'Ile-de-France la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400518
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

SECURITE SOCIALE

Justifie légalement sa décision, au regard du principe d'unicité de la législation sociale consacré par les règlement CE n° 1408/71, applicable pour la période antérieure à mai 2010,les règlements CE n° 883/2004 du 29 avril 2004 et CE n° 987/2009 du 16 septembre 2009, applicables pour la période postérieure, la cour d'appel qui, ayant fait ressortir que l'assujettissement de la rémunération du président du conseil d'administration de la société au forfait social prévu par l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, n'engendrait aucune double cotisation à la charge de la société, qui en était seule redevable, et était sans incidence sur le montant de la rémunération versée à celui-ci, retient que la résidence fiscale du bénéficiaire de cette rémunération et son affiliation à un régime de sécurité sociale étranger n'étaient pas un obstacle au principe de l'assujettissement de cette rémunération au forfait social


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 septembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 jui. 2024, pourvoi n°22400518


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400518
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