LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 22-85.326 F-D
N° 00735
MAS2
5 JUIN 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 JUIN 2024
M. [G] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 29 juin 2022, qui, pour escroquerie, faux et usage, blanchiment, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction de gérer, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [G] [L], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Une Caisse régionale du crédit agricole (CRCA) a dénoncé au procureur de la République la commission de faits, qui pourraient être délictueux et dont elle a estimé être victime, après que ses services de contrôle ont découvert, dans une agence, que vingt-deux prêts à des particuliers pour l'achat de biens immobiliers ont été accordés à partir de faux documents.
3. Au terme de ses investigations, la CRCA a mis à jour qu'au moins deux dossiers ont paru provenir de mise en relation par l'intermédiaire d'apporteurs d'affaires ou de courtiers, dont M. [G] [L], et que cinq demandes, présentées dans des conditions comparables, n'ont pas abouti.
4. Le procureur de la République a requis l'ouverture d'une information à l'issue de laquelle M. [L], notamment, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel.
5. Par un jugement du 18 février 2021, il a été relaxé pour faux, et déclaré coupable de faits constitutifs d'usage de faux, de blanchiment et d'escroquerie.
6. Le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] coupable d'escroquerie, de faux, usage de faux et blanchiment dans les termes de la prévention et a en conséquence prononcé sur la peine et les intérêts civils, alors « que le juge répressif doit se prononcer sur tous les faits visés à la prévention par des motifs permettant de connaître précisément ceux qu'il tient pour établis ; qu'en déclarant M. [L] coupable de l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés « dans les termes de la prévention », laquelle visait indistinctement « des prêts », sans identifier les dossiers pour lesquels l'intervention de M. [L] était établie ni prononcer de relaxe partielle pour ceux à l'égard desquels elle relevait qu'il n'était pas intervenu (arrêt, p. 26, al. 6), la cour d'appel, dont le dispositif contredit les motifs, a violé, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
8. Selon ce texte, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. La contradiction entre les motifs et le dispositif d'un arrêt équivaut à un défaut de motifs.
9. Pour déclarer le prévenu coupable des faits constitutifs de faux, d'usage de faux, d'escroquerie et de blanchiment par concours à une opération de placement du produit direct des infractions précédentes, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que si l'enquête a partiellement confirmé les dires du prévenu qui conteste avoir falsifié des documents, puisque six acquéreurs n'ont pas reconnu M. [L] sur photographie puis ont confirmé leurs déclarations lors des confrontations devant le magistrat instructeur, neuf autres acquéreurs l'ont formellement identifié comme étant le courtier auquel ils ont remis les documents nécessaires à la constitution de leurs dossiers de prêt immobilier.
10. Les juges ajoutent que M. [L] a transmis un certain nombre de dossiers, à la falsification desquels il a activement participé, au directeur de l'agence du crédit agricole qui a ainsi pu valider lesdits dossiers et octroyer l'emprunt sollicité et que l'intéressé a agi dans le seul objectif de convaincre l'établissement bancaire d'accorder un crédit immobilier aux personnes qu'il représentait et desquelles il a pu percevoir une rémunération.
11. En statuant par ces motifs dont il ressort que le prévenu ne peut se voir imputer certains des faits reprochés tout en déclarant, dans son dispositif, M. [L] coupable des infractions susvisées dans les termes de la prévention, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas justifié sa décision.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le autres moyens de cassation proposés, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 29 juin 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel Douai à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille vingt-quatre.