LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 juin 2024
Cassation sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 308 F-D
Pourvoi n° W 22-23.567
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [G].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 octobre 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUIN 2024
M. [O] [G], domicilié chez Maître [P] [B], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-23.567 contre l'ordonnance rendue le 19 avril 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, 8 boulevard du Palais, 75001 Paris,
2°/ au préfet de police, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [G], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du préfet de police, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 19 avril 2022) et les pièces de la procédure, le 17 mars 2022, M. [G], de nationalité ivoirienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français. Par ordonnance du 20 mars 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention pour vingt-huit jours.
2. Le 17 avril 2022, le juge des libertés et de la détention a été saisi par le préfet de police de [Localité 3], sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), d'une requête en deuxième prolongation de la mesure de rétention.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [G] fait grief à l'ordonnance de déclarer recevable la requête du préfet, alors « que le juge des libertés et de la détention doit s'assurer, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention d'un étranger, que, depuis sa précédente présentation, celui-ci a été placé en mesure de faire valoir ses droits, le juge réalise ce contrôle d'après les mentions du registre prévu à l'article L. 744-2 du CESEDA, toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger devant, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie actualisée de ce registre à laquelle il ne peut être suppléé par sa communication à l'audience ; que la non-production de cette pièce avec la requête en prolongation constitue une fin de non-recevoir qui doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief ; qu'en l'espèce, la décision du juge des libertés et de la détention du 20 mars 2022 avait prorogé le maintien en détention de Monsieur [G] jusqu'au 17 avril 2002 ce qui obligeait l'administration à notifier à nouveau ses droits à l'exposant après le 20 mars 2022 ; que dès lors la cour d'appel, qui pour déclarer recevable la requête du préfet de police du 17 avril 2022, a retenu que cette requête contenait une copie du registre en date du 18 mars 2022 à 19 h 50, d'ailleurs non signée du chef de poste et du retenu, a manqué à son office et a violé les articles L 743-9, L 744-2 et R 743-2 du CESEDA. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 743-9, L. 744-2 et R. 743-2 du CESEDA :
4. Il résulte du premier de ces textes que le juge des libertés et de la détention s'assure, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention d'un étranger, que, depuis sa précédente présentation, celui-ci a été placé en mesure de faire valoir ses droits, notamment d'après les mentions du registre de rétention prévu au deuxième.
5. Selon le troisième de ces textes, toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre.
6. Il s'en déduit que le registre doit être actualisé et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief.
7. Pour déclarer recevable la requête et ordonner la prolongation de la rétention administrative de M. [G], l'ordonnance retient que la requête est accompagnée d'une copie du registre datant du 18 mars 2022.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la copie produite n'avait pas été actualisée depuis la première prolongation du 20 mars 2022, le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 19 avril 2022, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille vingt-quatre.