LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 23-83.506 F-B
N° 00721
SL2
4 JUIN 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 JUIN 2024
L'agent judiciaire de l'Etat, partie intervenante, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 23 mai 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [C] [M] du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'agent judiciaire de l'Etat, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [C] [M], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. [S] [Y] a été retrouvé mort dans une cellule de la brigade de gendarmerie dans laquelle il était retenu en garde à vue.
3. A l'issue d'une information, M. [C] [M], officier de police judiciaire ayant pris en charge la garde à vue du défunt, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire.
4. L'agent judiciaire de l'Etat a été cité en qualité de civilement responsable.
5. Le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable des faits poursuivis, l'a condamné, solidairement avec l'agent judiciaire de l'Etat, à payer diverses sommes à titre de provision à certaines parties civiles et a renvoyé sur les intérêts civils.
6. L'agent judiciaire de l'Etat a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soutenue par l'agent judiciaire de l'Etat, déclaré recevables les constitutions de parties civiles et condamné l'agent judiciaire de l'Etat, solidairement avec le prévenu, à payer aux parties civiles une indemnité provisionnelle et ordonné le renvoi sur les intérêts civils, alors « que le juge correctionnel n'est pas compétent pour se prononcer sur l'action en réparation du dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ; qu'en considérant cependant que le juge pénal peut statuer sur la faute mise à la charge de l'Etat lorsque le fait susceptible de caractériser ce dysfonctionnement est lui-même l'objet de la poursuite, en l'occurrence une infraction d'homicide involontaire commis par un « fonctionnaire de police », et retenir la responsabilité de l'Etat du fait que les négligences dont a fait preuve [C] [M] sont constitutives d'une faute lourde traduisant l'inaptitude du service public à remplir la mission dont il est investi, la cour d'appel a méconnu les articles L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire et 381 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour écarter l'exception d'incompétence de la juridiction pénale, l'arrêt attaqué énonce qu'il n'est pas contesté que M. [M], gendarme, a la qualité d'agent de l'Etat et a commis les faits dans l'exercice de ses fonctions.
9. Les juges ajoutent que le juge pénal peut statuer sur la responsabilité de l'Etat lorsque le fait susceptible de caractériser un dysfonctionnement du service public de la justice est, comme en l'espèce, lui-même l'objet de la poursuite.
10. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
11. En effet, aucune disposition légale n'interdit au juge pénal, auquel les articles 2 et 3 du code de procédure pénale donnent compétence pour prononcer sur la réparation du dommage résultant des faits objet de la poursuite lorsque l'action civile est exercée en même temps que l'action publique, de statuer sur les demandes formulées par les parties civiles à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat, pris en sa qualité de civilement responsable d'un prévenu déclaré coupable d'une infraction commise dans le cadre de ses fonctions d'officier de police judiciaire, constitutive d'un dysfonctionnement du service public de la justice.
12. Ainsi, le moyen doit être écarté.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt-quatre.