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30/05/2024 | FRANCE | N°32400280

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 30 mai 2024, 32400280


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


MF






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 30 mai 2024








Cassation partielle




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 280 FP-B


Pourvoi n° S 22-20.711








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
____________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MAI 2024


La société Axa France IARD, agissant en qualité d'assureur de la société Delarue couverture, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a form...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 mai 2024

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 280 FP-B

Pourvoi n° S 22-20.711

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MAI 2024

La société Axa France IARD, agissant en qualité d'assureur de la société Delarue couverture, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 22-20.711 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2022 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [E] [U], domicilié [Adresse 5],
pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de [Z] [V], épouse [U], décédée,

2°/ à [Z] [V], épouse [U], ayant été domiciliée [Adresse 5],

3°/ à M. [I] [U], domicilié [Adresse 2],

4°/ à Mme [L] [U], [Adresse 5],

tous deux pris en leur qualité d'ayants droit de [Z] [V], épouse [U], décédée,

5°/ à la société MMA IARD asurances mutuelles, société d'assurance à forme mutuelle,

6°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],

7°/ à la société Delarue couverture, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Foussard et Froger, avocat de MM. [E] et [I] [U] et de Mme [L] [U], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD asurances mutuelles et MMA IARD, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Delarue couverture, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen de la chambre, M. Delbano, conseiller doyen de section, MM. Boyer, David, Mme Grandjean, M. Pety, conseillers, Mme Schmitt, conseiller référendaire, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 14 juin 2022), M. [E] [U] et [Z] [U] ont confié à la société Delarue couverture des travaux de remplacement des tuiles de la couverture de leur maison d'habitation.

2. Les travaux se sont achevés en janvier 2012 et la réception est intervenue tacitement.

3. La société Delarue couverture était assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa) à l'ouverture du chantier. Après la réception, elle a souscrit un nouveau contrat d'assurance auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA).

4. Se plaignant d'une déformation du rampant de la toiture, M. [E] [U] et [Z] [U] ont assigné la société Delarue couverture, la société Axa et les sociétés MMA en indemnisation de leurs préjudices.

5. MM. [E] et [I] [U] et Mme [L] [U] viennent aux droits de [Z] [U], décédée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Delarue couverture, à payer à M. [E] [U] et [Z] [U] la somme de 60 797,54 euros TTC et à garantir la société Delarue couverture de cette condamnation, alors « que les obligations d'assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 du code des assurances ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles ; qu'en l'espèce, la cour a retenu que la société Axa France IARD devait garantir les désordres causés à la charpente existante par les travaux de couverture ayant consisté à la pose de tuiles parce que la couverture installée sur la charpente formait avec elle un tout indivisible pour constituer la toiture ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'ouvrage existant s'est trouvé totalement incorporé dans l'ouvrage neuf et en était devenu techniquement indivisible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 243-1-1 II du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 243-1-1, II, du code des assurances :

7. Selon ce texte, les obligations d'assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 du code des assurances ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles.

8. Il en résulte que l'assurance obligatoire ne garantit les dommages à l'ouvrage existant provoqués par la construction d'un ouvrage neuf que dans le cas d'une indivisibilité technique des deux ouvrages et si celle-ci procède de l'incorporation totale de l'existant dans le neuf.

9. Les deux conditions sont, ainsi, cumulatives et les dommages subis par l'ouvrage existant ne sont pas garantis lorsque c'est l'ouvrage neuf qui vient s'y incorporer.

10. Pour condamner la société Axa à indemniser M. [E] [U] et [Z] [U] des dommages affectant tant les ouvrages neufs qu'anciens, l'arrêt relève que, selon l'expert judiciaire, la solidité de la charpente préexistante aux travaux de la société Delarue couverture est gravement affectée en raison d'une résistance insuffisante ne lui permettant pas de supporter la différence de charge provenant des nouvelles tuiles.

11. Il retient qu'il est constant que la société Delarue couverture a réalisé un ouvrage et que les désordres affectant la toiture portent atteinte à sa solidité et rendent l'immeuble impropre à sa destination, sans que leur cause réside dans la charpente préexistante.

12. Il ajoute que la couverture installée sur la charpente forme avec elle un tout indivisible pour constituer la toiture, de sorte que la garantie décennale doit s'appliquer, sans que puissent être opposées les dispositions de l'article L. 243-1-1, II, du code des assurances.

13. En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi l'ouvrage existant s'incorporait totalement dans l'ouvrage neuf, ni en quoi ils étaient techniquement indivisibles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la société Axa à garantir les dommages matériels entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant cet assureur à garantir le préjudice de jouissance, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. En effet, cette condamnation est motivée par l'existence d'une garantie d'assurance facultative couvrant les dommages immatériels consécutifs à des dommages décennaux garantis.

15. La cassation n'atteint pas, en revanche, les condamnations prononcées in solidum contre la société Delarue couverture. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Axa France IARD à payer à M. [E] [U] et [Z] [U] la somme de 60 797,54 euros TTC, valeur février 2018, avec indexation sur l'indice du coût de la construction BT 01 au jour du jugement, en ce qu'il condamne la société Axa France IARD à payer à M. [E] [U] et [Z] [U] la somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance, sous réserve de la franchise contractuelle et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne MM. [E] et [I] [U] et Mme [L] [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32400280
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

ASSURANCE RESPONSABILITE - Assurance obligatoire - Travaux de bâtiment - Garantie - Obligation - Etendue - Ouvrage existant - Conditions - Détermination

ASSURANCE RESPONSABILITE - Assurance obligatoire - Travaux de bâtiment - Garantie - Obligation - Etendue - Ouvrage existant - Conditions - Conditions cumulatives - Indivisibilité technique des deux ouvrages - Incorporation totale de l'existant dans le neuf

Il résulte de l'article L. 243-1-1, II, du code des assurances que l'assurance obligatoire ne garantit les dommages à l'ouvrage existant provoqués par la construction d'un ouvrage neuf que dans le cas d'une indivisibilité technique des deux ouvrages et si celle-ci procède de l'incorporation totale de l'existant dans le neuf. Les deux conditions sont, ainsi, cumulatives et les dommages subis par l'ouvrage existant ne sont pas garantis lorsque c'est l'ouvrage neuf qui vient s'y incorporer


Références :

Article L. 243-1-1, II, du code des assurances.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 14 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 30 mai. 2024, pourvoi n°32400280


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Foussard et Froger, SARL Le Prado - Gilbert, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:32400280
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