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30/05/2024 | FRANCE | N°22400500

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 30 mai 2024, 22400500


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 30 mai 2024








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 500 F-B




Pourvois n°
V 22-16.275
U 22-18.666
K 22-18.888 JONCTION












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_____________________

____


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MAI 2024




I. 1°/ M. [GZ] [D], domicilié [Adresse 7],


2°/ M. [WF] [E], domicilié [Adresse 16],


3°/ M. [SE] [M]...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 mai 2024

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 500 F-B

Pourvois n°
V 22-16.275
U 22-18.666
K 22-18.888 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MAI 2024

I. 1°/ M. [GZ] [D], domicilié [Adresse 7],

2°/ M. [WF] [E], domicilié [Adresse 16],

3°/ M. [SE] [M], domicilié [Adresse 26],

4°/ M. [X] [V], domicilié [Adresse 2],

5°/ M. [KJ] [P], domicilié [Adresse 19],

6°/ M. [L] [H], domicilié [Adresse 9],

7°/ M. [VO] [N], domicilié [Adresse 12],

8°/ M. [MM] [U], domicilié [Adresse 25],

9°/ M. [C] [G], domicilié [Adresse 34] (États-Unis),

10°/ M. [UY] [R], domicilié [Adresse 4],

11°/ M. [DO] [DG], domicilié [Adresse 10],

12°/ M. [GI] [NU], domicilié [Adresse 30],

13°/ M. [Y] [CY], domicilié [Adresse 6],

14°/ M. [RN] [DX], domicilié [Adresse 29],

15°/ M. [XS] [EF], domicilié [Adresse 18],

16°/ M. [W] [AZ], domicilié [Adresse 23],

17°/ M. [FS] [ND], domicilié [Adresse 15],

ont formé le pourvoi n° V 22-16.275 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant :

1°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 3], et toutes deux venant aux droits de la société Covea Risks,

3°/ à la société H-Tax Planners, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 22],

4°/ à M. [C] [Z], domicilié [Adresse 24],

5°/ à M. [HP] [I], domicilié [Adresse 28],

6°/ à M. [A] [S], domicilié [Adresse 27],

7°/ à M. [B] [F], domicilié [Adresse 8],

8°/ à M. [XB] [JT], domicilié [Adresse 17],

9°/ à M. [L] [J], domicilié [Adresse 13],

10°/ à M. [OK] [K], domicilié [Adresse 21],

11°/ à la société Dom Com Invest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

12°/ à la société AIG Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 32] (Luxembourg),

13°/ à la société Chubb European Group SE, dont le siège est [Adresse 33],

14°/ à la société BTSG, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de M. [O],

défendeurs à la cassation.

II. La société Dom Com Invest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 14], a formé le pourvoi n° U 22-18.666 contre le même arrêt, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks,

2°/ à la société H-Tax Planners, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 20],

3°/ à la société MMA IARD, société anonyme, venant aux droits de la société Covea Risks,

4°/ à M. [GZ] [D],

5°/ à M. [WF] [E],

6°/ à M. [SE] [M],

7°/ à M. [X] [V],

8°/ à M. [KJ] [P],

9°/ à M. [L] [H],

10°/ à M. [VO] [N],

11°/ à M. [MM] [U],

12°/ à M. [C] [G], domicilié [Adresse 11],

13°/ à M. [UY] [R],

14°/ à M. [DO] [DG],

15°/ à M. [GI] [NU],

16°/ à M. [Y] [CY],

17°/ à M. [RN] [DX],

18°/ à M. [XS] [EF],

19°/ à M. [W] [AZ],

20°/ à M. [FS] [ND],

21°/ à M. [L] [T], domicilié [Adresse 31] (Chine),

22°/ à M. [C] [Z], domicilié [Adresse 24],

23°/ à M. [HP] [I],

24°/ à M. [A] [S],

25°/ à M. [B] [F],

26°/ à M. [XB] [JT],

27°/ à M. [L] [J],

28°/ à M. [OK] [K],

29°/ à la société AIG Europe, société anonyme,

30°/ à la société Chubb European Group,

31°/ à la société BTSG, société civile professionnelle,

défendeurs à la cassation.

III. 1°/ M. [A] [S],

2°/ M. [C] [Z],

3°/ M. [HP] [I],

4°/ M. [B] [F],

5°/ M. [XB] [JT],

6°/ M. [L] [J],

7°/ M. [OK] [K],

ont formé le pourvoi n° K 22-18.888 contre le même arrêt, dans le litige les opposant :

1°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

toutes deux venant aux droits de la société Covea Risks,

3°/ à la société H-Tax Planners, société par actions simplifiée,

4°/ à M. [GZ] [D],

5°/ à M. [WF] [E],

6°/ à M. [SE] [M],

7°/ à M. [X] [V],

8°/ à M. [KJ] [P],

9°/ à M. [L] [H],

10°/ à M. [VO] [N],

11°/ à M. [MM] [U],

12°/ à M. [C] [G], domicilié [Adresse 11],

13°/ à M. [UY] [R],

14°/ à M. [DO] [DG],

15°/ à M. [GI] [NU],

16°/ à M. [Y] [CY],

17°/ à M. [RN] [DX],

18°/ à M. [XS] [EF],

19°/ à M. [W] [AZ],

20°/ à M. [FS] [ND],

21°/ à M. [L] [T],

22°/ à la société Dom Com Invest, société à responsabilité limitée,

23°/ à la société AIG Europe, société anonyme,

24°/ à la société Chubb European Group SE,

25°/ à la société BTSG, société civile professionnelle,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs au pourvoi n° V 22-16.275 invoquent, à l'appui de leur recours, quatre moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi n° U 22-18.666 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Les demandeurs au pourvoi n° K 22-18.888 invoquent, à l'appui de leur recours, cinq moyens de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [D], M. [E], M. [M], M. [V], M. [P], M. [H], M. [N], M. [U], M. [G], M. [R], M. [DG], M. [NU], M. [CY], M. [DX], M. [EF], M. [AZ] et M. [ND], de la SARL Corlay, avocat de la société Dom Com Invest, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [S], M. [Z], M. [I], M. [F], M. [JT], M. [J] et M. [K], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Chubb European Group SE, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et H-Tax Planners, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société AIG Europe, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-16.275, 22-18.666 et 22-18.888 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à la société Dom Com Invest et à MM. [S], [Z], [I], [F], [JT], [J] et [K] du désistement de leurs pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre M. [T].

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mars 2022), pour prendre part à un programme de défiscalisation conçu par la société Axone Invest et qui leur avait été présenté par la société H-Tax Planners, MM. [D], [E], [M], [V], [P], [H], [N], [U], [G], [R], [DG], [NU], [CY], [DX], [EF], [AZ] et [ND] (le premier groupe d'investisseurs) et MM. [S], [Z], [I], [F], [JT], [J] et [K] (le second groupe d'investisseurs) ont apporté à des sociétés créées par la société Dom Com Invest, laquelle avait fait appel aux sociétés France énergies finance et France énergies finance Guyane pour la mise en oeuvre de l'opération, des fonds destinés à l'acquisition de matériels de production d'énergie éolienne, leur installation et leur location à des sociétés d'exploitation situées outre-mer, puis ont, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu de l'année 2012 des réductions d'impôt du fait de ces investissements.

4. Après que l'administration fiscale a remis en cause ces réductions d'impôt, les investisseurs, soutenant que les différents intervenants avaient manqué à leurs obligations, ont assigné en réparation de divers préjudices les sociétés H-Tax Planners et Dom Com Invest, le liquidateur des sociétés Axone Invest, France énergies finance et France énergies finance Guyane, ainsi que les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks (les sociétés MMA), en tant qu'assureurs des sociétés H-Tax Planners et Dom Com Invest, la société Chubb European Group (la société Chubb), en tant qu'assureur des sociétés France énergies finance et France énergies finance Guyane, et la société AIG Europe, en tant qu'assureur de la société Axone Invest.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° 22-16.725, le premier moyen du pourvoi n° 22-18.666 et le deuxième moyen du pourvoi n° 22-18.888

5. La chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation a délibéré sur ces moyens, après débats à l'audience publique du 19 décembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre.

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le troisième moyen du pourvoi n° 22-16.725, pris en ses trois premières branches, le quatrième moyen du pourvoi n° 22-16.725, le troisième moyen du pourvoi n° 22-18.666, le quatrième moyen du pourvoi n° 22-18.888, pris en ses première, deuxième, troisième, cinquième et sixième branches, et le cinquième moyen du pourvoi n° 22-18.888

7. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ces moyens, après débats à l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Brouzes, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre.

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le troisième moyen du pourvoi n° 22-16.725, pris en sa quatrième branche, et le quatrième moyen du pourvoi n° 22-18.888, pris en sa quatrième branche, réunis

9. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ces moyens, après débats à l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Brouzes, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre.

Enoncé des moyens

10. Le premier groupe d'investisseurs fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes dirigées contre les sociétés Chubb et MMA en qualité d'assureur de la société France Energie Finance, alors « qu'il soutenait que la société FEF était garantie par les sociétés MMA au même titre que par la société Chubb ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces écritures, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

11. Le second groupe d'investisseurs fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il soutenait que la société FEF était garantie par les sociétés MMA au même titre que par la société Chubb ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces écritures, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité des moyens

12. En dépit de la formule générale du dispositif rejetant toutes les autres demandes, la cour d'appel n'a pas statué sur les chefs de dispositif critiqués, de sorte que les moyens dénoncent en réalité des omissions de statuer qui, pouvant être réparées dans les conditions et délais prévus à l'article 463 du code de procédure civile, ne donnent pas ouverture à cassation.

Les moyens ne sont, dès lors, pas recevables.

Mais sur le premier moyen du pourvoi n° 22-18.888, pris en sa troisième branche

13. La chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation a délibéré sur ces moyens, après débats à l'audience publique du 19 décembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

14. Le second groupe d'investisseurs fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires au titre de ses préjudices matériels et financiers, alors « que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était point produit ; qu'en l'espèce, pour débouter les investisseurs de leurs prétentions indemnitaires au titre de leur préjudice matériel, la cour d'appel retient que les investisseurs ne peuvent invoquer aucun préjudice fiscal ni aucun préjudice résultant de la réduction d'impôts escomptée au titre de la perte de chance de bénéficier de la réduction d'impôt escomptée, puisqu'ils ont finalement payé l'impôt qu'ils auraient dû acquitter en l'absence de la réduction attendue au titre de l'investissement contesté et que le paiement de l'impôt auquel on est tenu ne constitue pas un préjudice indemnisable ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à exclure que la réparation de tels préjudices ainsi définis par les investisseurs n'auraient pas replacé les victimes, par équivalent, dans la situation où elles se seraient trouvées si l'acte dommageable ne s'était point produit, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

15. Le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale lui refusant le bénéfice de la réduction d'impôt escomptée d'une opération de défiscalisation ne constitue pas un dommage indemnisable, sauf s'il est établi que, sans la faute des personnes en charge de cette opération dont la responsabilité est recherchée, ce contribuable n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre.

16. Pour rejeter les demandes d'indemnisation formées par les investisseurs composant le second groupe au titre du préjudice correspondant au montant des redressements fiscaux, augmenté des intérêts et majorations de retard, après avoir retenu que les sociétés Dom Com Invest, Axone Invest, France énergie finance et France énergie finance Guyane avaient, chacune, manqué aux obligations dont elles étaient débitrices au titre du montage et du suivi de l'opération de défiscalisation souscrite par ces investisseurs, l'arrêt retient que ceux-ci ne peuvent invoquer aucun préjudice fiscal, puisqu'ils ont finalement payé l'impôt qu'ils auraient dû acquitter en l'absence de la réduction attendue au titre de l'investissement contesté et que le paiement de l'impôt auquel on est tenu ne constitue pas un préjudice indemnisable.

17. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, sans les fautes commises par les sociétés Dom Com Invest, Axone Invest, France énergie finance et France énergie finance Guyane dans le montage de l'opération de défiscalisation et le suivi de son exécution, les investisseurs composant le second groupe auraient, d'une part, bénéficié des réductions d'impôt escomptées et, d'autre part, échappé aux intérêts et majorations de retard mis à leur charge, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le deuxième moyen du pourvoi n° 22-16.725, le deuxième moyen du pourvoi n° 22-18.666, pris en ses première et troisième branches, et le troisième moyen du pourvoi n° 22-18.888, réunis

18. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, après débats à l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Brouzes, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre.

Enoncé des moyens

19. Le premier groupe d'investisseurs fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en garantie dirigée contre les sociétés MMA, assureurs de la société Dom Com Invest, alors « que la faute dolosive justifiant l'exclusion de la garantie de l'assureur dès lors qu'elle fait perdre à l'opération d'assurance son caractère aléatoire, suppose un acte délibéré de l'assuré qui ne pouvait ignorer qu'il conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre ; que pour dire que la société Dom Com Invest avait commis une faute dolosive, la cour d'appel a constaté qu'en l'absence de livraison des éoliennes, elle avait délivré des attestations fiscales aux termes desquelles les investissements avaient été réalisés au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la faute de la société Dom Com Invest découlait d'un manquement délibéré à ses obligations envers l'investisseur et de la conscience qu'elle avait de la réalisation inéluctable du dommage en raison de l'inéligibilité à la défiscalisation des investissements litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. »

20. La société Dom Com Invest fait grief à l'arrêt de la débouter de son action en garantie formée à l'encontre de son assureur, les sociétés MMA, alors :

1°/ que la faute dolosive, autonome de la faute intentionnelle, justifiant l'exclusion de la garantie de l'assureur dès lors qu'elle fait perdre à l'opération d'assurance son caractère aléatoire, suppose un acte délibéré de l'assuré qui ne pouvait ignorer qu'il conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre ; qu'en l'espèce, il était fait valoir par l'exposante notamment qu'en l'état des textes applicables en 2011 et 2012 et de la jurisprudence du Conseil d'État, elle pouvait légitimement ignorer que les investissements réalisés au sens de l'article 199 undecies B du CGI signifiaient qu'ils étaient productifs dans l'année en cours, si bien qu'il n'y avait nulle faute dolosive de sa part, comme l'a retenu la cour administrative d'appel de Versailles dans son arrêt du 17 décembre 2021 (n° 20VE00345) ; qu'en considérant que l'exposante avait commis une faute dolosive en délivrant « des attestations aux termes desquelles les investissements avaient été réalisés au sens de l'article 199 undecies B du CGI ce qui signifie qu'ils étaient productifs », sans rechercher si, au regard de cette évolution des textes et de leur interprétation, le manquement de l'assuré découlait d'un manquement délibéré à ses obligations envers l'investisseur et de la conscience qu'elle avait de la réalisation inéluctable du dommage en raison de l'inéligibilité à la défiscalisation des investissements litigieux, la cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ;

3°/ que la faute dolosive, autonome de la faute intentionnelle, justifiant l'exclusion de la garantie de l'assureur dès lors qu'elle fait perdre à l'opération d'assurance son caractère aléatoire, suppose un acte délibéré de l'assuré qui ne pouvait ignorer qu'il conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre ; qu'il était fait valoir par l'exposante que la constatation de la proposition de rectification fiscale selon laquelle « aucun enregistrement de flux douanier n'était lié aux SAS concernées sur la période du 1er janvier 2012 au 15 juin 2015 et que la société EDF avait également indiqué qu'aucun contrat d'achat concernant de l'énergie produite avec des éoliennes n'avait été conclu sur la même période » avait été ultérieurement remise en cause, un jugement du tribunal administratif de Paris du 11 décembre 2019, ayant reconnu que l'administration fiscale avait été incapable de répondre à la demande de renseignements obtenus dans le cadre des droits de communication effectués auprès d'électricité de France et de la direction nationale du renseignement des enquêtes douanières, conduisant le tribunal à prononcer la décharge de l'imposition supplémentaire d'impôt sur le revenu de l'année 2012 à raison de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts pour les investissements dans le secteur de la production d'énergie renouvelable, pour les investisseurs qui, par l'intervention de la société Dom Com Invest, avaient contesté cette proposition de rectification ; qu'en se fondant uniquement sur cette proposition de rectification pour retenir la faute dolosive, consistant en la délivrance d'attestations « en l'absence de livraison des éoliennes » sans rechercher si la constatation contenue dans cette proposition de rectification n'avait pas été remise en cause, la cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. »

21. Le second groupe d'investisseurs fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en garantie dirigée contre les sociétés MMA, assureurs de la société Dom Com Invest, alors « que la faute dolosive justifiant l'exclusion de la garantie de l'assureur dès lors qu'elle fait perdre à l'opération d'assurance son caractère aléatoire, suppose un acte délibéré de l'assuré qui ne pouvait ignorer qu'il conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre ; que pour dire que la société Dom Com Invest avait commis une faute dolosive, la cour d'appel a constaté qu'en l'absence de livraison des éoliennes, elle avait délivré des attestations fiscales aux termes desquelles les investissements avaient été réalisés au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la faute de la société Dom Com Invest découlait d'un manquement délibéré à ses obligations envers l'investisseur et de la conscience qu'elle avait de la réalisation inéluctable du dommage en raison de l'inéligibilité à la défiscalisation des investissements litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, devenu 1103, du code civil et l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances :

22. Selon le second de ces textes, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

23. La faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.

24. Pour dire que les sociétés MMA sont bien fondées à invoquer la faute dolosive de la société Dom Com Invest conduisant à une absence de garantie, l'arrêt énonce qu'en dépit de l'absence de livraison des éoliennes, la société Dom Com Invest a délivré des attestations aux termes desquelles les investissements avaient été réalisés au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts, ce qui signifiait qu'ils étaient productifs.

25. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la conscience qu'avait l'assurée du caractère inéluctable du dommage que subiraient les investisseurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

26. La cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi n° 22-18.888 portera sur la disposition de l'arrêt rejetant les demandes d'indemnisation formées par les investisseurs composant le second groupe au titre du préjudice financier causé par les manquements commis par les sociétés Dom Com Invest, Axone Invest, France énergie finance et France énergie finance Guyane, soit les demandes tendant à ce que soient prononcées in solidum la condamnation de la société Dom Com Invest à leur payer des dommages et intérêts à ce titre et la fixation de ces sommes au passif des liquidations judiciaires des sociétés Axone Invest, France énergie finance et France énergie finance Guyane.

27. En application de l'article 624 du code de procédure civile, cette cassation entraîne, par voie de conséquence, la cassation des dispositions condamnant la société Dom Com Invest à payer la somme de 10 000 euros à chacun des investisseurs composant le second groupe, disant que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2016 et fixant cette somme, au profit de ces mêmes investisseurs, au passif des liquidations judiciaires des sociétés Axone Invest, France énergie finance et France énergie finance Guyane, dès lors que, pour statuer ainsi, la cour d'appel a retenu que, compte tenu de l'absence d'indemnisation de ces investisseurs au titre de leur préjudice financier, une somme leur serait allouée au titre du préjudice moral inhérent à la procédure de redressement à laquelle ils ont été exposés.

28. La cassation prononcée sur le deuxième moyen du pourvoi n° 22-16.725, sur le deuxième moyen du pourvoi n° 22-18.666, pris en ses première et troisième branches, et sur le troisième moyen du pourvoi n° 22-18.888 portera sur la disposition de l'arrêt rejetant les demandes de condamnation des sociétés MMA à garantir la société Dom Com Invest du paiement des condamnations mises à sa charge au bénéfice des deux groupes d'investisseurs, et à payer à ceux-ci lesdites sommes.

Mise hors de cause

29. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, à leur demande, les sociétés AIG Europe et Chubb, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- rejette les demandes formées par MM. [S], [Z], [I], [F], [JT], [J] et [K] tendant à ce que soient prononcées, in solidum, la condamnation de la société Dom Com Invest au paiement des sommes respectives de 32 640 euros, 39 688 euros, 11 687 euros, 50 130 euros, 22 083 euros, 42 914 euros et 37 181 euros au titre de leur préjudice financier correspondant au montant des redressements fiscaux, augmenté des intérêts et majorations de retard, et la fixation de ces sommes au passif des liquidations judiciaires des sociétés Axone Invest, France énergie finance et France énergie finance Guyane,
- condamne la société Dom Com Invest à payer la somme de 10 000 euros, chacun, à MM. [S], [Z], [I], [F], [JT], [J] et [K],
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2016,
- fixe au passif des liquidations judiciaires des sociétés Axone Invest, France énergie finance et France énergie finance Guyane la somme de 10 000 euros, chacun, au profit de MM. [S], [Z], [I], [F], [JT], [J] et [K],
- rejette les demandes de condamnation des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à garantir la société Dom Com Invest du paiement des condamnations mises à sa charge et à payer à chaque investisseur les dites condamnations,
- statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
l'arrêt rendu le 28 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Met hors de cause les sociétés AIG Europe et Chubb European Group.

Condamne les sociétés Dom Com Invest, MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et le liquidateur des sociétés Axone Invest, France énergie finance et France énergie finance Guyane aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles, AIG Europe, Chubb European Group et le liquidateur des sociétés Axone Invest, France énergie finance et France énergie finance Guyane, condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à la société Dom Com Invest la somme de 3 000 euros, condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à MM. [D], [E], [M], [V], [P], [H], [N], [U], [G], [R], [DG], [NU], [CY], [DX], [EF], [AZ] et [ND] la somme globale de 3 000 euros et condamne les sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles, Dom Com Invest et BTSG, en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Axone Invest, France énergie finance et France énergie finance Guyane à payer à MM. [S], [Z], [I], [F], [JT], [J] et [K] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400500
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Dommage indemnisable - Rectification fiscale - Refus réduction d'impôt - Conséquence

Le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable, à la suite d'une rectification fiscale lui refusant le bénéfice de la réduction d'impôt escomptée d'une opération de défiscalisation, ne constitue pas un dommage indemnisable, sauf s'il est établi que, sans la faute des personnes en charge de cette opération dont la responsabilité est recherchée, ce contribuable n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre


Références :

Articles 1147 et 1149 du code civil dans leur version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 mars 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 30 mai. 2024, pourvoi n°22400500


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SARL Corlay, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Le Bret-Desaché, SARL Le Prado - Gilbert, SARL Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400500
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