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29/05/2024 | FRANCE | N°52400555

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 mai 2024, 52400555


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 29 mai 2024








Cassation partielle sans renvoi




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 555 F-D


Pourvoi n° H 22-17.666




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS> _________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MAI 2024


L'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise (ADSEA), dont le siège est [Adresse 1], a formé le p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 mai 2024

Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 555 F-D

Pourvoi n° H 22-17.666

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MAI 2024

L'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise (ADSEA), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 22-17.666 contre l'arrêt rendu le 20 avril 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [E] [S], épouse [H], domiciliée [Adresse 3],

2°/ au syndicat CFDT des services de santé et des services sociaux du Val d'Oise, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [S], épouse [H], après débats en l'audience publique du 2 mai 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Bouvier, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 avril 2022), Mme [H], agent du conseil général du Val d'Oise et relevant du statut de la fonction publique territoriale, a été détachée au sein de l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise (l'association) par arrêté du président du conseil général du Val d'Oise, à compter du 7 octobre 1996 pour une durée d'un an. Le même jour, elle a signé avec l'association un contrat de travail à temps partiel pour exercer les fonctions d'assistante sociale. Le détachement a été renouvelé à plusieurs reprises et, en dernier lieu, par arrêté du 24 décembre 2015 pour une durée de deux ans expirant le 6 octobre 2017.

2. Le 23 février 2017, la salariée a été élue membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'association.

3. Son détachement a pris fin le 6 octobre 2017 et, le jour suivant, elle a été réintégrée dans son administration d'origine.

4. Soutenant que l'association avait pris l'initiative du non-renouvellement de son détachement et aurait dû en conséquence solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail pour mettre fin à son contrat de travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 22 février 2018, de demandes en paiement notamment à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur et de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

5. Le syndicat CFDT des services de santé et des services sociaux du Val d'Oise (le syndicat) est intervenu à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. L'association fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur et pour discrimination syndicale et au syndicat une somme à titre de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que selon l'article 64 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et l'article 3 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986, le détachement et le renouvellement d'un détachement sont prononcés sur la demande du fonctionnaire et le fonctionnaire est obligatoirement réintégré dans son corps d'origine, à l'expiration du détachement, en l'absence de demande de sa part de renouveler ce détachement ; que lorsque le fonctionnaire détaché est élu représentant du personnel dans l'entreprise d'accueil, l'employeur n'est donc pas tenu de solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail à l'expiration de la période de détachement, si le fonctionnaire n'a pas demandé le renouvellement de son détachement ; qu'en l'espèce, l'association ADSEA soutenait qu'il appartenait à Mme [H], comme elle l'avait fait avant l'expiration de chacune des périodes de détachement précédentes, de demander le renouvellement de son détachement deux mois avant l'expiration de la dernière période de détachement intervenant le 7 octobre 2017 ; que Mme [H] n'avait pas demandé le renouvellement de son détachement, comme elle seule pouvait le faire deux mois avant l'expiration de son détachement et que l'association ADSEA en avait tiré les conséquences en informant la salariée et le conseil départemental qu'elle devrait réintégrer son administration d'origine le 7 octobre 2017 ; qu'en se bornant à relever, pour dire que l'association ADSEA aurait dû solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail, que l'association ADSEA "a signifié à Mme [H] qu'elle devrait réintégrer son corps d'origine à l'issue du terme de son détachement", que "cette décision a été prise par l'employeur pendant les congés de la salariée", que "l'association a pris l'initiative d'écrire au conseil départemental un courrier le 23 août 2017 visant à demander la réintégration de Mme [H] dans son corps d'origine à l'expiration de la durée de son détachement" et qu'il résulte de divers témoignages de salariés que l'association aurait décidé le non-renouvellement du détachement afin de "redynamiser l'équipe", sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si Mme [H] avait demandé le renouvellement de son détachement dans le délai de deux mois avant l'expiration de la dernière période de détachement et si l'association ADSEA ne s'était pas bornée à tirer les conséquences de l'absence de toute demande de renouvellement de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités et des articles L. 2411-1 et L. 2412-7 du code du travail dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;

2°/ à supposer adoptés les motifs des premiers juges, qu'en se bornant à relever que "l'arrêté de 2015 ne détermine plus explicitement les conditions permettant le renouvellement du détachement par Mme [H]", sans rechercher comme elle y était invitée si le conseil départemental du Val d'Oise avait informé Mme [H] par lettre du 24 décembre 2015, qu'il "lui appartient deux mois avant l'expiration de cette période de détachement de solliciter son renouvellement ou [sa] réintégration dans les services du conseil départemental", et si, en conséquence, la salariée n'était pas tenue de solliciter le renouvellement de son détachement avant le 7 août 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 64 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et 3 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986, ensemble les articles L. 2411-1 et L. 2412-7 du code du travail dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article 67 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, alors applicable, à l'expiration d'un détachement le fonctionnaire est obligatoirement réintégré dans son corps d'origine et réaffecté dans l'emploi qu'il occupait antérieurement.

8. Il en résulte que l'employeur privé n'est pas tenu à l'expiration du détachement à son terme normal de solliciter une autorisation administrative de mettre fin au contrat de travail le liant au fonctionnaire détaché bénéficiant du statut protecteur, sauf lorsqu'il s'est opposé au renouvellement du détachement demandé par le fonctionnaire, ou que ce non-renouvellement est dû à son fait.

9. L'arrêt constate que l'association a pris l'initiative d'adresser au conseil général du Val d'Oise, le 23 août 2017, une lettre demandant la réintégration de la salariée dans son corps d'origine à l'expiration de la période du détachement, que lors de son retour de congés, la salariée a été convoquée par l'employeur qui lui a annoncé la fin du détachement et son refus de le renouveler au-delà de la période courante et qu'il ressort des attestations versées aux débats que le détachement de la salariée n'a pas été renouvelé en raison du souhait de la direction de l'association d'instaurer une dynamique nouvelle au sein de l'équipe et du désaccord de la salariée sur les changements mis en place.

10. La cour d'appel, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, qui en a déduit que le renouvellement du détachement de la salariée était dû au fait de l'employeur, en sorte qu'à défaut pour ce dernier d'avoir sollicité l'autorisation de l'inspecteur du travail de mettre fin au contrat de travail, la violation du statut protecteur de l'intéressée était établie, a légalement justifié sa décision.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. L'association fait grief à l'arrêt de la condamner à payer la somme nette de 74 608,42 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, alors, « que l'indemnité pour violation du statut protecteur est égale aux salaires que l'intéressé aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et la fin de la période de protection dont il bénéficiait au moment de la rupture, dans la limite de trente mois ; que cette indemnité, qui est calculée sur le salaire brut du salarié, est soumise à cotisations et contributions sociales ; qu'en conséquence, elle doit être fixée à une somme brute ; qu'en condamnant l'association à verser à la salariée une somme nette de 74 608,42 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, la cour d'appel a violé l'article 80 duodecies du code général des impôts, l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 2411-1 et L. 2412-7 du code du travail dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. La salariée conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que l'association n'a pas demandé à titre subsidiaire l'infirmation du jugement l'ayant condamnée au paiement d'une indemnité nette au titre de la violation du statut protecteur.

13. Cependant l'association soutenait que l'indemnité pour violation du statut protecteur est soumise aux cotisations et contributions sociales.

14. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 2411-1, 7°, et L. 2411-13 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 80 duodecies du code général des impôts :

15. En application des articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 80 duodecies du code général des impôts, l'indemnité pour violation du statut protecteur, versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail et qui n'est pas au nombre des indemnités non imposables au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques limitativement énumérées par le second de ces textes, est soumise aux cotisations sociales.

16. L'arrêt confirme le jugement qui condamne l'association à payer la somme nette de 74 608,42 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

19. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

20. La cassation du chef de dispositif condamnant l'association à payer à la salariée une somme nette à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'association aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci, non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise à payer à Mme [H] la somme nette de 74 608,42 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, l'arrêt rendu le 20 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise à payer à Mme [H] la somme brute de 74 608,42 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400555
Date de la décision : 29/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 avril 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 mai. 2024, pourvoi n°52400555


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400555
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