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29/05/2024 | FRANCE | N°52400544

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 mai 2024, 52400544


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 29 mai 2024








Rejet




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 544 F-D


Pourvoi n° M 22-19.832










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MAI 2024


La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 22-19.832 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2022 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 mai 2024

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 544 F-D

Pourvoi n° M 22-19.832

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MAI 2024

La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 22-19.832 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [I], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société La Poste, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [I], les plaidoiries de Me Célice et celles de Me Meier-Bourdeau, et l'avis oral de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Douxami, conseiller, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 juin 2022), M. [I] a été engagé en qualité d'agent analyste programmeur, catégorie cadre, le 5 janvier 1998, par la société La Poste (la société). En dernier lieu, il exerçait les fonctions de développeur concepteur.

2. Par lettre du 4 avril 2017, l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Après avoir recueilli l'avis de la commission consultative paritaire, réunie le 25 avril 2017, il a licencié le salarié pour faute grave par lettre du 10 mai 2017.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de juger que le licenciement du salarié ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, de la condamner à lui payer des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de la débouter du surplus de ses prétentions et de lui ordonner de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite d'un mois d'indemnités, alors :

« 1°/ que l'usage, par le salarié, au temps et lieu du travail, de l'ordinateur professionnel et de sa connexion internet aux fins de consulter et de télécharger des images et vidéos à caractère pornographique constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail de nature à justifier un licenciement pour faute grave ; qu'en écartant la faute grave du salarié, alors que la charte informatique et le règlement intérieur de La Poste prohibent l'utilisation du matériel de l'entreprise à des fins autres que professionnelles et précisent que l'accès à des sites non autorisés par les lois et règlements ou contraires à l'ordre public constitue une faute professionnelle et alors qu'il ressort de ses propres constatations qu'était matériellement établie la consultation par le salarié de sites à caractère pornographique à partir de son ordinateur professionnel et de sa connexion internet aux temps et lieu du travail, l'arrêt relevant notamment que ''la retranscription du compte rendu d'entretien préalable et de la réunion de la commission consultative paritaire du 25 avril 2017, qu'il ne critique pas, démontrent qu'il a reconnu au moins pour partie ces faits'', que le salarié ''a reconnu (...) la consultation sur le lieu et le temps du travail de sites à caractère sexuel'' et qu' ''il est effectivement établi que [le salarié] s'est, durant le temps de travail, connecté à des sites à caractère pornographique'', la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ que constitue d'autant plus une faute grave justifiant le licenciement immédiat du salarié l'usage au temps et lieu du travail de l'ordinateur professionnel et de sa connexion internet aux fins de consulter, de télécharger et de conserver sur ledit ordinateur des images d'enfants et d'adolescents nus ; qu'en écartant la faute grave du salarié, quand il ressort de ses propres constatations la consultation, le téléchargement et le stockage fautifs sur son ordinateur professionnel de photos d'enfants et d'adolescents dénudés, l'arrêt relevant que ''Le constat d'huissier, conforté par l'attestation de M. [B], mentionne la présence [sur l'ordinateur professionnel] de 6 photographies : - la 1ère contient trois clichés dont un seul paraît correspondre à un jeune enfant nu, - la 2ème montre un individu, grand adolescent, également nu, - la 3ème est une photographie de jeunes gens nus sur une plage, - la 4ème est un cliché d'un jeune homme torse nu, portant un boxer, - la 5ème est la photographie de deux jeunes garçons, dont pour l'un, n'est visible que le torse, l'autre portant ce qui semble être un slip de bain, - enfin, sur la 6ème, figurent trois jeunes hommes nus dans une douche''- ce que l'arrêt a lui-même qualifié ''d'agissements incontestablement fautifs'' - la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ que la faute grave est celle dont la gravité est telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis ; que l'usage aux temps et lieu du travail de l'ordinateur professionnel et de sa connexion internet aux fins de consulter, de télécharger et de stocker des images à caractère pornographique, ou plus grave encore, de mineurs nus, constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que pour écarter l'existence d'une faute grave la cour d'appel a retenu que le nombre de clichés d'enfants nus présents sur le disque dur de l'ordinateur du salarié était réduit et que leur téléchargement datait de plus d'un an, que cette détention ne ''peut certes être approuvée'' mais devrait être mise en relation avec ses ''troubles en rapport avec la stérilité et la sexualité'' attestés par certificat médical et enfin ''qu'il n'y avait (?) pas de photographies d'actes sexuels'' ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants insusceptibles d'écarter le comportement fautif et inacceptable du salarié rendant impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

5°/ qu'en se fondant encore sur l'absence d'antécédents disciplinaires du salarié et sur l'accomplissement normal de ses tâches pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, cependant que caractérisait une faute grave, et à tout le moins une faute justifiant le licenciement disciplinaire, le comportement du salarié, qu'il a lui-même reconnu et qui ressort d'un constat d'huissier, consistant à se connecter à des sites à caractère pornographique en vue de visionner et/ou télécharger leur contenu sur le disque dur de son ordinateur professionnel et la présence sur ledit disque dur d'images d'enfants nus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a relevé, d'une part, que la charte informatique de la Poste prohibait l'utilisation des capacités de stockage des équipements pour stocker des données non professionnelles et précisait que l'utilisation des sites internet à des fins privées devait être limitée en volume, en durée et que l'accès à des sites non autorisés par les lois et règlements ou contraires à l'ordre public constituait une faute professionnelle, d'autre part, que le règlement intérieur prévoyait dans son article 10 que les salariés ne devaient pas utiliser le matériel qui leur était confié à d'autres fins que professionnelles et renvoyait dans son article 12 à la charte.

7. Elle a ensuite constaté, s'agissant des photos retrouvées dans l'ordinateur professionnel du salarié, que le fichier « mes images » ne contenait que six clichés de jeunes garçons ou jeunes hommes nus ou en short, sans photographies d'actes sexuels et, s'agissant de la consultation de sites à caractère pornographique, que les pièces produites par l'employeur ne permettaient pas d'établir la date des consultations ainsi que leur fréquence, ce dont il résultait que l'utilisation abusive de l'ordinateur professionnel et de connexions internet à des fins personnelles, invoquée dans la lettre de licenciement, n'était pas établie.

8. Elle a enfin retenu qu'en considération des faits établis à l'encontre du salarié, des documents médicaux qu'il produisait, de l'évaluation de sa qualité de servir, de son ancienneté et de l'absence d'antécédent disciplinaire, la sanction du licenciement était disproportionnée aux faits retenus.

9. Elle a pu en déduire que les faits ne rendaient pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société La Poste aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Poste et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400544
Date de la décision : 29/05/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 29 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 mai. 2024, pourvoi n°52400544


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400544
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